Le Saviez-vous ? Version 14/18

L'Amiral
11 novembre
2018

Si le XXe siècle a démarré dans la violence et dans la mort en 1914, tout ce processus destructeur a aussi été l’origine de nombreuses innovations et d’histoires plus ou moins tragiques. Pour le Centenaire de la signature de l’Armistice, laissez-nous vous présenter une petite sélection !

Le cheval cabré de Ferrari

C’est une des marques de voitures de sport les plus connues dans le monde. Son logo l’est tout autant : cheval noir cabré sur écu jaune, surmonté des couleurs italiennes. Cet insigne n’a pas été créé par Enzo Ferrari, le créateur de la marque, mais par un pilote de guerre italien.

Francesco Baracca, né en 1888 à Ravenne de parents aristocrates, s’engage dès 1907 dans la cavalerie en Italie mais demande sa mutation dans l’aviation en 1912.

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Formé en France sur Nieuport, il remporte sa première victoire aérienne - et la première italienne de la guerre - le 7 avril 1916 où il abat un Aviatik autrichien à bord de son Nieuport 11. Pétri de traditions chevaleresques, Baracca force l’Autrichien à atterrir (alors qu’il aurait pu l’abattre), puis se pose à ses côtés et sert la main au pilote avant de redécoller !

Pilote et mitrailleur hors pair, Baracca est tué le 19 juin 1918 après avoir mené 63 combats aériens et abattu 34 appareils ennemis, devenant de facto le plus grand as italien de la Première guerre mondiale. Depuis son premier vol, Baracca utilise comme emblème un cheval cabré, le Cavallino Rampante... devenu tout un symbole après sa mort.

Cinq ans plus tard, quand Enzo Ferrari remporte le grand prix du Savio à Ravenne en 1923, le père de Baracca est dans les tribunes avec sa femme. Cette dernière supplie Ferrari d’apposer l’emblème de son défunt fils sur ses voitures, lui assurant que cela lui porterait chance. Le pilote de voiture, qui porte Francesco Baracca en haute estime, accepte mais place le cheval sur un écu jaune (couleur de la ville de Modène) et en fait l’emblème officiel de l’écurie Ferrari à partir de 1929.

Voilà pourquoi aujourd’hui encore, l’emblème d’un as de la Première guerre mondiale est visible sur les circuits de grands prix les plus prestigieux.

La Vache qui Rit et la boîte à camembert

Léon Bel est un affineur de Comté en 1914. Quand la Grande Guerre éclate, l’homme est versé dans le Train au ravitaillement en viande fraîche.

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Alors que la mode est à l’emblème pour les unités, un soldat propose une ébauche d’une vache hilare... la « Wachkyrie ». Ce nom barbare est en fait une référence aux Valkyries, notamment popularisées par Wagner, qui ornent les camions de transport des unités allemandes.

En même temps, le fromage fondu fait sa grande apparition dans le quotidien des soldats et devient très apprécié, notamment pour sa praticité et sa durée de conservation.

Au sortir de la guerre, Léon Bel décide de retrouver son travail dans sa fromagerie... mais il cherche à populariser cette nouvelle mode de consommation de fromage. L’homme se lance dans la production de ce fromage dans le Jura puis se souvient de l’insigne de son unité, devenu phare en 1917. Bel parvient à recontacter le dessinateur qui accepte de lui dessiner la « Vache qui rit »… et c’est ainsi qu’un des fromages les plus consommés et connus en France de nos jours tire son dessin de la Grande Guerre.

Du côté du camembert, l’Histoire est moins connue. Si de nos jours c’est un des produits phare de la gastronomie française, c’est aussi un des seuls fromages à pâte molle à être contenu dans... une boîte ! Tous les autres, comme le Brie, sont proposés directement dans leur emballage.

En 1914, ce fromage normand est encore mal connu en dehors de son territoire. Mais son intégration dans les rations militaires lance sa popularité : petit-à-petit, ce fromage se diffuse dans toute la France et de nombreux soldats en apprécient le goût.

La boîte dans laquelle il est contenu est créée en 1890 pour faciliter le transport, notamment par le train, de ce fromage. Avec l’entrée en guerre, des producteurs voient l’opportunité de décorer leurs boîtes différemment en y ajoutant des symboles guerriers ou patriotiques : naît alors le Camembert du Poilu, Joffre, le meilleur camembert, L’Ami des Poilus, Le camembert du Souvenir...

Encore de nos jours, c’est grâce à la Grande Guerre que ce petit fromage produit localement a prit son envol et a conquis la France.

La montre à bracelet

Si aujourd’hui la quasi-totalité d’entre nous porte une montre au poignet, la situation est totalement différente en 1914. Ceux sachant lire l’heure et qui ont suffisamment d’argent pour se payer une montre disposent d’une à gousset, qui se range dans une poche spécifique et s’accroche à la boutonnière grâce à une chaînette.

Mais quand on est soldat, les poches sont plus rares et souvent garnies d’autres instruments utiles ; de plus, une chute violente risque de casser la montre... Et très vite, le Service de Santé des Armées se plaint des blessures provoquées par les éclats de verre de la montre : une fois touchée, cette dernière en diffuse dans tout le corps du soldat (les éclats sont très pénibles à retirer).

Les aviateurs sont les premiers à expérimenter une montre bracelet : compliqué en effet de regarder l’heure alors qu’on est aux commandes et encore plus quand on survole un territoire ennemi...

Pourtant, le premier bracelet est quelque peu différent de celui connu de nos jours. En effet, il est composé d’un petit logement où le soldat peut glisser sa montre et la sortir quand il n’en a plus besoin.

Il en reste que ce mode de port de la montre est novateur et apprécié, à tel point qu’à partir de 1918, la montre avec son bracelet en cuir deviendra petit-à-petit la norme dans toutes les couches de la population.

L’heure d’été

Tout le monde le sait : le changement d’heure actuel découle du choc pétrolier de 1973 afin d’économiser des ressources, notamment en pétrole. Mais cette idée n’est pas neuve : la première application de l’heure d’été a lieu en 1916... en pleine Grande Guerre !

Le 9 juin 1916, un décret signé par le président Raymond Poincaré instaure l’avancement d’une heure pour le 14 juin, 23h. L’heure d’Hiver est fixée au 1er octobre. C’est le député André Honnorat qui propose ce changement suite à la pénurie de charbon qui guette la France : le but est de profiter un maximum de la luminosité d’été. Sa proposition fait scandale : on lui envoie des lettres de menaces de mort et d’insultes. Cependant, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont déjà adopté cette mesure quelques mois plus tôt.

Après guerre, ce changement continuera jusqu’en 1940... pour finalement revenir en 1973.

Le loto

En 1918, ce sont des milliers de soldats qui rentrent chez eux défigurés par les combats. Les gueules-cassées, comme on les appelle, ont du mal à revenir dans la société malgré leur statut d’anciens combattants.

Alors que de nombreux meurent dans les années 20 suite au chômage et à la misère, d’autres décident de prendre des initiatives en créant notamment une association finançant leurs soins.

La loterie nationale voit le jour en 1933 et ses bénéfices sont destinés aux anciens combattants et aux invalides de guerre. Pendant plus d’une vingtaine d’années, la Loterie nationale ne démérite pas et rencontre un franc succès.

Mais la création du tiercé en 1954 concurrence ce jeu de hasard et pour remonter la pente, le Loto est créé en 1975 comme instrument complémentaire de la Loterie nationale.

L’association des Gueules-Cassées, alors principale détentrice de la Loterie nationale, investit en masse dans le Loto. Et c’est ainsi que depuis 1975, à chaque fois que vous jouez au Loto, vous aidez l’association qui finance aujourd’hui des études sur la chirurgie faciale... et ce depuis le lendemain de la Grande Guerre !

Les derniers morts du 11 Novembre 1918

Si les plénipotentiaires alliés et allemands négocient dès le petit matin du 11 novembre, les combats ne s’arrêtent pas pour autant. Ce sont pas loin de 11 000 hommes qui sont tués, blessés ou portés disparus le 11 novembre sur le front de l’Ouest. Et chaque camp compte son dernier tué, tragiquement à quelques heures, minutes, voire secondes de la fin du premier conflit mondial.

Chez les Britanniques, c’est le Private George Edwin Ellison qui est le dernier à tomber au combat. À 9h30, alors qu’il mène une reconnaissance près de Mons, en Belgique, il est abattu d’une balle.

Chez les Canadiens : le Private George Lawrence Price est tué à 10h58 au nord de Mons.

Chez les Belges : le soldat Marcel Toussaint Terfve est touché d’une balle au poumon à 10h42 près de Gand. L’homme agonise et décède à 10h45.

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Du côté des Français, c’est le soldat Auguste Trébuchon (photo à gauche) qui a le triste honneur d’être le dernier tué. Ce 1ère classe de 40 ans est estafette de la 9e compagnie du 415e régiment de la 163e division d’infanterie.

Alors que les hommes de chaque camp sont prévenus petit-à-petit de l’armistice, Trébuchon porte un message à son capitaine à 10h50. En regagnant ses lignes, le soldat est tué d’une balle en plein front à 10h55, soit cinq minutes avant l’armistice.

Mais il n’est peut-être pas le dernier : un chercheur a mis au jour la fiche individuelle d’un soldat qui serait mort trois minutes plus tard, à 10h58 : Auguste Joseph Renault.

Les Américains vont payer un lourd tribut... et même ne pas respecter l’Armistice ! Leur dernier tué officiel est le soldat Henry Gunther. Près de Chaumont-devant-Damvillers, son unité se tient l’arme au pied le 11 novembre 1918. Mais quelques minutes avant 11h, avec un camarade, il s’élance hors de sa tranchée et baïonnette au canon se dirige vers les lignes allemandes. Les occupants, conscients de l’Armistice, tirent en l’air mais seul un des deux soldats se couche ; Gunther, lui, continue de charger et est abattu de cinq balles de mitrailleuses à 10h59, soit 60 secondes avant la fin des combats.

Cependant, les armées américaines arrivées en France depuis 1917 cherchent à s’inscrire dans le camp des vainqueurs comme force indépendante, et non comme force de soutien. Pershing veut une victoire retentissante, et lorgne du côté de Sedan. Du front de Stenay-Beaumont, l’artillerie américaine va continuer de pilonner les positions allemandes jusqu'à 17h. Le commandant américain trouvera une excuse parfaite : la mauvaise qualité des communications....

Mais les hommes de la 89th Infantry Division et de la 2nd Marines Division continuent de se battre dans l’après-midi. À 15h15, le 11 novembre, l’état-major allemand de Spa envoie un message radio à Foch (alors à Senlis) : « Sur le front Stenay-Beaumont, malgré la conclusion de l’armistice, les Américains continuent à attaquer. Prière de donner l’ordre de faire cesser les hostilités. »

Mais rien n’y fait. Spa renvoie un message quelques minutes plus tard : « Le feu continue. » Exaspéré, Foch décide de menacer les Américains de les prendre sous le feu de l’artillerie française. Ce n’est qu’à partir de ce moment que l’artillerie américaine se tait... et que Spa remercie d’un laconique « Merci ».

Du côté de Stenay, les Américains de la 89th Infantry Division sont lancés à l’assaut du village pour le capturer. L’homme aux commandes, le Lieutenant General Wright, veut une victoire avant la fin des combats. Pour capturer ce village qui n’a aucune importance stratégique, ce sont 365 Américains qui perdent la vie le matin du 11 novembre 1918. Et comme toute justification, Wright dira qu’il souhaitait que ses soldats « prennent un bain au chaud dans un village »...

Sources :