Info sur le jeu
PlateformePC Windows
ÉditeurFrontier Foundry
DéveloppeurPetroglyph Games
Date de sortieMars 2023

The Great War : Western Front

14 avril
2023

The Great War : Western Front m'a fait soulever un premier sourcil lors de son annonce ; un deuxième lorsque le studio a commencé à publier des vidéos de gameplay. Une carte en hexagones, et des batailles en temps réel pausable, pendant la Première Guerre mondiale ? Je prends. La Seconde Guerre mondiale a déjà eu droit des centaines de fois à ce genre de gameplay, mais c'est plus rare pour la Grande Guerre. Et c'est là toute la différence, car autant la guerre de 39-45 était faite de grandes manœuvres, de contournements, de débarquement, d'offensives et de défenses acharnées, autant celle de 14-18 s'est dans sa très grande majorité figée dans un immobilisme morne sur son front de l'Ouest. Alors, comment les développeurs du studio Petroglyph ont-ils pu s'y prendre pour rendre tout ça amusant à jouer ?

Après près de 30h de jeu, je puis vous répondre : The Great War : Western Front est avant tout le constat d'un échec...

Oui, d'un monumental échec. Non, mais le jeu est bien, hein, ne fermez pas la page ! Je parle de l'échec d'une doctrine militaire.

Celle de l'offensive à outrance en particulier, celle qui a vu la guerre qui devait être bouclée en trois mois tout compris, celle dont la première étape s'est terminée avec 800 000 morts et blessés chez l'Entente et autant en face. Ah ça, on sera probablement rentrés à Noël... Oui, mais, certainement pas celui de cette année.

The Great War : Western Front entame sa partition de violence guerrière à ce moment précis, dans les derniers jours de 1914.

La course à la mer est tout juste achevée, le miracle de la Marne a eu lieu ; le grand quartier général allié desserre les fesses avec un soulagement palpable, car l'armée impériale allemande a été repoussée in extremis vers le nord-est. Mais des deux côtés, les armées sont épuisées par quatre mois de batailles continues et de pertes effrayantes.

The Great War : Western Front  The Great War : Western Front1. Vous débutez la guerre après les grandes offensives d'été. / 2. À chaque bataille, il faudra placer ainsi ses différentes tranchées, ou agrandir celles qui existent déjà.

Des deux côtés, on fait un constat similaire : on n'y arrive pas, chaque offensive est un échec, on ne parvient plus à avancer.

Le couple mitrailleuse-artillerie à longue portée décime les vagues de fantassins, que l'on est obligé de cacher derrière des levées de terre, voire même des tranchées, pour réduire les pertes.

Alors quoi ?

Alors, rien. Une chose est sûre, il faut vaincre, mais personne ne sait comment, donc en attendant d'avoir réussi à trouver le moyen de percer, on s'enterre. Les premiers combats de The Great War : Western Front ont quelque chose de désordonné, car il faut établir un peu au hasard de mauvaises positions défensives dans des villages déjà éprouvés par les combats, ou dans des champs qui n'ont plus été moissonnés depuis le début de l'été, et avec des moyens souvent insuffisants. Les abris sont improvisés, et les lignes sont anarchiques. On se sent un peu bête à fixer un champ vide en guettant avec une pointe d'anxiété les premiers signes de l'attaque ennemie, qui finit toujours par arriver, avant d'être taillée en pièces par le feu roulant des canons que l'on place près du QG, et les balles des fusils Lebel et Lee-Enfield.

Et puis, avec le temps, les choses se compliquent. Chaque tour représente un nouveau mois ; l'hiver, les assauts sont compliqués par le froid terrible, la pluie et la neige, et comme chaque camp accumule les approvisionnements et le matériel, chaque bataille voit les lignes de tranchées s'approfondir et se complexifier, se couvrant petit à petit de réseaux de barbelés, de nouvelles batteries de canons légers et lourds, de nids de mitrailleuses.

Chaque bataille est un moment de tension : où l'ennemi va-t-il choisir de frapper ? En général, on peut le deviner relativement facilement, en voyant s'élever dans le ciel les ballons d'observations, qui indiquent que l'IA cherche à faire une reconnaissance de vos défenses ; jusqu'à ce que les premiers fantassins ne s'approchent, souvent précédés d'un feu d'artillerie légère qui forcera vos propres troupes à baisser la tête pour se mettre à couvert, et qui ne pourront donc pas tirer sur l'ennemi qui approche.

The Great War : Western Front  The Great War : Western Front3. Sans les chars d'assaut, vos attaques ont de grandes chances d'échouer systématiquement. / 4. Les tranchées de première ligne deviennent vite indispensable pour freiner l'ennemi.

Il faut donc répartir ses compagnies de 225 fantassins dans les réseaux de tranchées, qui sont divisées en plusieurs catégories et qui peuvent être améliorées, et enrichies de boyaux de communications, de casemates et de défenses additionnelles, comme des mortiers et des mitrailleuses.

Et ensuite, on attend que les canons se soient tus, jusqu'à guetter fébrilement la clameur de la vague d'infanterie allemande qui indique l'attaque, suite à quoi il faut riposter à l'artillerie ennemie, donner rapidement des ordres de transferts pour que les soldats des tranchées voisines viennent prêter main-forte à leurs camarades qui sont déjà engagés dans de violents corps-à-corps dans la boue.

À ce propos, on ne saurait que trop vous recommander d'établir des défenses en tiroir, avec une tranchée de première ligne qui sera systématiquement bombardée et très souvent submergée, mais qui permettra d'occuper l'ennemi suffisamment longtemps pour que les troupes postées au parapet de la tranchée de seconde ligne, à quelques mètres derrière, puisse apporter un feu nourri éliminant la plupart des attaquants.

Sauf que plus les mois s'écoulent, et plus l'ennemi se renforce. Ce n'est alors plus une vague, mais deux, voire trois dans certains secteurs, lorsque les armées du Kaiser sont concentrées en un point précis pour tenter une percée.

Qu'est-ce que Ludendorff a en tête ? C'est difficile à dire ; les rapports de missions d'espionnage que l'on peut commanditer moyennant finances permettent de détecter la concentration de troupes ennemies, mais pas plus. L'ordinateur ne semble pas faire la girouette, sachant rediriger ses divisions sur les points qu'il sait fragilisés, et grouper ses unités pour l'attaque. Dans mon cas, il a soigneusement évité la forteresse de Verdun, et préféré attaquer dans les secteurs de Sainte-Menehould et de Châlons-en-Champagne, que j'avais imprudemment laissé dégarnis.

Dame, c'est que les renforts ne poussent pas sur les arbres : on peut toujours "acheter" de nouvelles escadrilles d'avions, ou des bataillons de chars d'assauts, mais les corps d'infanterie ne seront fournis qu'au compte-goutte et de manière tout à fait exceptionnelle, lorsqu'un évènement permettra de rediriger vers le front de France de nouvelles troupes de l'Entente, ou de voir débarquer les Américains.

Donc, et sachant que les unités existantes ne peuvent pas être perdues, mais qu'elles sont "soignées" en quelque sorte à chaque tour moyennant une certaine quantité d'or, il faut donc accepter de dégarnir certains secteurs pour concentrer ses forces là où vous voulez percer.

The Great War : Western Front  The Great War : Western Front5. Ça, c'était l'erreur de trop pour Guillaume II ! / 6. Six mille morts... pour rien.

Mais percer, c'est un bien grand mot. Il faut une victoire totale pour parvenir à faire perdre des étoiles à un secteur, et ce jusqu'à toute les épuiser, suite à quoi vous parvenez enfin a obtenir une progression significative. Et c'est là le point fort de The Great War : Western Front, qui a su saisir l'impasse tactique et stratégique qui définit ce « western front » pendant quatre longues années : la défense est relativement aisée, mais l'attaque est difficile, pénible, très coûteuse et très lente, car ses moyens sont faibles et les armées ne sont pas assez rapides ni motorisées pour réaliser de grandes manœuvres.

En réussissant à libérer Colmar puis Strasbourg au début de 1917, j'ai pensé avoir provoqué un effet domino : que nenni. La Triplice a tôt fait de faire basculer plusieurs divisions pour me bloquer ; et reprendre position un peu plus loin, sur un terrain qui n'était plus, cette fois, constellé de tranchées et de stigmates des combats, car situé bien à l'arrière du front précédent, mais où tout était à recommencer. Encore une fois, il faut noyer l'ennemi sous un barrage d'obus, trouver la faille dans sa défense.

Artillerie lourde, légère, lance-flammes, gazs de combats, obus explosifs, ballons d'observations et biplans pétaradants, tout l'orchestre de mort de la Grande Guerre se trouve au rendez-vous. Sans oublier les tout premiers chars d'assauts, dont l'arrivée est une véritable calamité, car il n'existe aucune arme antichar à proprement parler (d'ailleurs, on peut quand même regretter que les batteries d'artillerie légère de 75 millimètres ne puisse pas les prendre pour cible en tir tendu, étant relativement faciles à manipuler).

Ils sont énormes, grondants, bardés de mitrailleuses et blindés ; vous allez avoir du mal a les endommager, à moins d'avoir vous-même des chars ou des bombardiers ; et comme ils infligent un malus de moral à l'ennemi et un bonus à leurs alliés -en plus des dégâts infligés par leur armes-, ces tanks deviennent vite indispensables pour vous défendre contre les A7V teutons, ou pour parvenir à percer le front allemand en éliminant en priorité les nids de mitrailleuses et de mortiers.

Ce qui n'empêche malheureusement pas de subir des pertes considérables à chaque assaut, ce qui joue sur une jauge de moral pour chaque camp. Dans un cas, l'objectif final est Paris, dans l'autre, c'est Bad-Kreuznach, où se trouve le grand quartier général du Kaiser. Mais comme dans la réalité, les probabilités sont grandes pour que la guerre se termine avant d'avoir atteint l'un ou l'autre, lorsque la volonté nationale aura trop baissé pour que le conflit continue.

The Great War : Western Front  The Great War : Western Front7. L'arrivée des premiers panzers vous donnera des sueurs froides ! / 8. L'arbre de recherche est très fourni et permet de se spécialiser dans six domaines différents.

C'est que les pertes sont telles qu'elles sont difficiles à encaisser. De temps en temps, un évènement en jeu viendra vous rappeler que les hécatombes de la Somme ou de Verdun provoquent un mécontentement de l'arrière. Chaque tranchée prise coûte des dizaines, voire des centaines de vie. On ne peut trop s'attacher à des unités qui sont de toutes façons anonymes, d'autant que le jeu est un peu radin visuellement, mais il y a quand même un petit malaise lorsque l'on donne l'ordre d'attaque à ses troupes, quand on sait quel effroyable orage de feu et d'acier ces pauvres bougres vont devoir traverser avant de parvenir dans la tranchée ennemie, la première d'une longue série.

Et si l'ennemi nous repousse, la bataille reprendra sur un terrain identique : dans The Great War : Western Front, le front est en quelque sorte persistant. C'est-a-dire que chaque région peut être attaquée sur chacun des six côtés de son hexagone ; côtés qui auront chacun leur carte dédiée, mais dont l'état continuera a se dégrader au fur et a mesure des combats qui vont s'y dérouler, et les tranchées que vous ou votre adversaire y aménagerez seront toujours présente. Un détail anodin mais qui peut vous compliquer la tâche -ou vous la faciliter, selon du côté du barbelé ou vous êtes-, chaque bataille permettant d'accumuler plus de ravitaillement, et donc de creuser encore plus de réseaux de tranchées, de boyaux, d'installer des barbelés, des défenses, des batteries.

On regrettera quand même qu'avec une telle multiplicité des champs de bataille, on ait si vite l'impression de voir les mêmes cartes, d'autant qu'elles sont déjà peu variées dans leurs paysages, se déroulant dans la même région du front de l'Ouest. Ça n'aurait pas non plus été du luxe de pouvoir un peu mieux contrôler ses troupes en permettant de les faire progresser à couvert, ou encore de mieux utiliser le terrain en accordant des bonus aux positions surélevées, ou des malus quand les vagues de soldats doivent patauger dans un cours d'eau.

The Great War : Western Front  The Great War : Western Front9. De temps en temps, vous recevrez une mission supplémentaire. / 10. Le défilé de la victoire, enfin !

Mais en l'état, The Great War : Western Front fait une proposition de la Der des Der, nettement perfectible, mais déjà suffisamment solide pour faire éprouver un soulagement sincère lorsque l'ennemi vient enfin demander l'armistice.

Heureusement, nous n'aurons plus jamais à revivre un conflit aussi atroce ! N'est-ce pas ? N'est-ce pas ?

7.0
The Great War : Western Front

On les aura !
Qu'est-ce que ça donnerait, un Total War qui se déroulerait pendant la Première Guerre mondiale ? Hein ? Ça serait pas génial ? Eh bien, The Great War : Western Front est un premier élément de réponse : ça serait une effroyable boucherie, une démonstration de l'absurdité horrifique de la guerre industrielle, où les hommes sont envoyés stupidement à l'abattoir par centaines de milliers jusqu'à ce que les balles manquent ou que les morts soient plus nombreux que les vivants. Il y a quand même de la place pour quelques améliorations dans plusieurs domaines ; mais pour le petit prix demandé par Petroglyph, c’est un très bon investissement pour qui veut faire l’expérience de la Grande Guerre.
Intérêt historique :The Great War : Western Front n’a pas de gestion de politique intérieure, ni de la guerre navale ou des fronts d’Orient, mais serait-ce utile ? Probablement pas ; le jeu se concentre sur le front de l’ouest uniquement et est très respectueux de son sujet. Il évite certains écueils faciles comme la multiplication de chars d’assauts ou d’autres unités spéciales, et permet une reconstitution du front français tout à fait crédible.
  • +Le contexte, original, bien documenté et bien traité
  • +La défense, jouissive
  • +L’attaque, compliquée mais possible
  • +De très bonnes idées : Météo, saisons, persistance, monde vivant
  • +La variété des unités
  • -Tutoriel trop long
  • -Un peu chiche graphiquement
  • -Quelques rares bugs ici et là, rien de grave
  • -Besoin d’équilibrer un peu certaines unités, un poil trop efficaces
6
Direction artistique

Disons que ce n'est pas le gros point fort de The Great War : Western Front ; les champs de bataille font plaisir à l'œil et sont bien reconstitués, mais on note quand même une certaine rigidité dans les animations, et certaines textures un peu laides quand on zoome trop dessus.

8
Technique

Aucun plantage n'a été rencontré dans la version testée ; seuls quelques rares bugs ont été vus. Et si le jeu n'est pas un exemple de perfection graphique, il est en revanche tout à fait fluide, même avec des milliers de soldats à l'écran en train de s'entretuer.

7
Jouabilité

Le gameplay de The Great War : Western Front est déjà fonctionnel en l'état, étant relativement simple et assez bien équilibré, même si quelques détails restent à régler. Ceci dit, il aurait été bienvenu de proposer une meilleure utilisation du terrain ou des éléments du décor lors des batailles, ou de permettre une reprise de la guerre de mouvement lorsque le front s'écroule.

7
Durée de vie

La difficulté étant bien dosée, la longueur du jeu varie en fonction de celle que vous avez prise, les niveaux plus élevés exigeant une campagne autour de 30 heures de jeu environ pour être menées à bout, peut-être plus si les choses tournent mal pour votre front. À cela s'ajoutent une série de bataille historiques, mises en scènes et scénarisées comme il se doit, de l'Artois jusqu'à Cantigny.

9
Ambiance

Très crédible, The Great War : Western Front propose une excellente mise en situation, et un front à la fois lent et pénible à faire évoluer tout en restant amusant. L'archaïsme des machines est bien rendu et les évènements extérieurs viennent renforcer une immersion déjà très bonne.

8
Scénario

Difficile de reprocher quoi que ce soit à un jeu qui affiche jusque dans son titre son intention de se concentrer uniquement sur le front de France, entre 1915 et 1918. Peut-être des extensions permettront d'étendre un peu le terrain de jeu, ou de proposer des scénarios d'histoire alternative ?


  • Cernunnos Testeur, Rédacteur
  • "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach