L'Abbatiale de Saint-Gall, un centre culturel du Saint-Empire romain germanique
La bibliothèque de l’abbaye Saint-Gall, conçue au VIIIe siècle et rétablie au XVIIIe siècle, figure parmi les plus fondamentales et anciennes bibliothèques monastiques du monde. Son architecture témoigne d’un style bien particulier. Regorgeant des sources du Haut Moyen Âge des régions germanophones d’Europe, la bibliothèque recèle pas moins de 160.000 livres dont une infime partie dépasse le millénaire.
Considéré comme un exemple admirable, le monastère carolingien du Saint-Empire romain germanique est inscrit depuis 1983 au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il est également inscrit à l’Inventaire suisse des biens culturels d’importance nationale et régionale.
Avant l’introduction de l’imprimerie en Occident, l’abbaye se considère comme un des plus essentiels scriptorium du Moyen Âge (atelier dans lequel les moines copistes reproduisent les documents et qui les magnifient). Estimé comme un centre culturel prestigieux du Saint-Empire romain germanique, elle a su étendre son influence dans tout l’Occident chrétien.
Si l’attrait de ce lieu est notamment centré sur la bibliothèque, il ne faut toutefois pas délaisser l’abbatiale de Saint-Gall qui a été édifiée au VIIe siècle. Charles Martel a d’ailleurs désigné un certain Othmar en tant que gardien des reliques. Ce dernier entame la fondation d’écoles notoires dans la région sous le règne de Pépin le Bref.
A partir de la fin du VIIIe siècle, la bibliothèque émerge et réunit les intellectuels. Quelques moines irlandais et anglo-saxons (notamment Nokter le Bègue) œuvrent à la reproduction de manuscrits et à la composition d’ouvrages.
Au début du IXe siècle, le pape Adrien Ier (sous la requête de Charlemagne) y envoie des chantres (un chœur qui a un but liturgique) afin de promouvoir le chant grégorien.
L’abbaye doit se protéger des menaces extérieures. Au début du Xe siècle, elle fait face à l’invasion des Magyars. Elle doit donc sauvegarder ses biens et envoie ses parchemins à l’abbaye de Reichenau. Durant les déprédations, une religieuse est victime du raid hongrois en 926. Elle se nomme Wiborada de Saint-Gall et est la première femme canonisée grâce au pape Clément II en 1047.
Au XIIIe siècle, une principauté s’établit. Les abbés y exercent un pouvoir comme princes du Saint-Empire romain germanique. Jusqu’au XVIIe siècle, elle innove dans la technique de reproduction et d’illustration. Enfin, durant un conflit religieux entre protestants et catholiques (la guerre de Toggenbourg en 1712), l’abbaye est pillée de ses biens culturels.
Il faudra attendre la reconstruction complète en 1767 grâce à l’architecte autrichien Peter Tumb en Baroque tardif Rococo pour apprécier l’édifice actuel. Le roman de l’Italien Umberto Ecco, Le Nom de la rose, s’inspire d’ailleurs de la bibliothèque monastique. Grâce aux innovations technologiques de numérisation, les sources manuscrites éparpillées en Suisse ont enfin pu se rassembler virtuellement.
Cependant, quel type de savoir regorge(ait)-elle particulièrement ?
Un manuscrit du IXe siècle, orné d’enluminures de l’époque carolingienne, constitue un témoignage emblématique. Le Psautier d’or de Saint-Gall, rédigé en latin, est un recueil de psaumes qui rassemblent des textes religieux en les illustrant de miniatures en 244 pages. Le psaume 60 présente l’expédition de Joab (personnage biblique) sous forme de cavalerie franque.
Un autre datant de 1465, rédigé en moyen-haut-allemand et traduit en allemand, relate l’histoire de la première croisade. Robert Monachus, un moine provenant de Reims, compose sur un papier fin 285 pages qui sont illustrées de 22 dessins. Le manuscrit contient également 9000 vers qui proviennent d’une chronique d’Autriche d’Ottokar de Steiermark qui retrace le siège et la destruction de la forteresse d’Akkon en 1291.
Nous retrouvons d’ailleurs une copie du Roman d’Alexandre de Johannes Hartlieb (1454), médecin traducteur et poète de Münich. Rédigé en écriture bâtarde par le calligraphe Johannes Frauendorfer de Thierenstein et destiné au prince Albrecht III de Bayern (1451–1460), le Roman d’Alexandre était l’un des plus célèbres romans en prose en langue allemande jusqu’à la fin du XVe siècle.
Un ouvrage de 1693 contient la liste de trésor de la cathédrale de Saint-Gall. Celui-ci en dresse l’inventaire qui recense des objets liturgiques (calices, statues, monstrances, autels, reliquaires, etc.). Par conséquent, cette liste témoigne des informations culturelles et atteste la richesse de l’époque, car une quantité non négligeable de ces biens ont été perdus ou réquisitionnées durant les conflits religieux de 1712.
Enfin, la dernière source présentée se consacra à l’unique parchemin : la Mirabilia Romae : Indulgentiae ecclesairum urbis Romae. Datant de la fin du XIVe siècle et écrit en latin, ce rouleau de parchemin (en bandes cousues les unes aux autres) s’agit d’un guide pour les pèlerins en marche vers la ville de Rome. Construit en deux parties, la première évoque les édifices incontournables (temples, palais, murs) alors que la seconde présente les églises de Rome et leurs reliques.
En somme, les espaces isolés regorgent de grandes richesses comme le témoigne à la fois l’abbaye et la bibliothèque de Saint-Gall. Le lien suivant permettra de redécouvrir un savoir médiéval précieux : : www.e-codices.unifr.ch.
Sources
- Codices Electronici Sangallenses : http://www.cesg.unifr.ch/fr/description.htm
- La liste du patrimoine mondiale de l’UNESCO, Abbaye de Saint-Gall : http://whc.unesco.org/fr/list/268/
- E-Codices, Bibliothèque monastique de Saint-Gall, http://www.e-codices.unifr.ch.
- Sydfire Contributeur
- "En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal." Machiavel