Pyramides d'Egypte : entre fabulations et réalité

Thématique
23 novembre
2017
Antoine-Jean Gros, La bataille des pyramides, 21 juillet 1798, 1810, huile sur toile, 389 x 311cm, Château de Versailles, Paris.Antoine-Jean Gros, "La bataille des pyramides, 21 juillet 1798", 1810, huile sur toile, 389 x 311cm, Château de Versailles, Paris.

« Soldats, songez que du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent ». Ces paroles furent prononcées par Napoléon Bonaparte lors de la "Bataille des Pyramides" le 21 juillet 1798, à Embabèh, à quelques kilomètres des pyramides de Giza.

Les pyramides de l'Egypte ancienne fascinent, interrogent, passionnent et frappent l'imagination populaire.

Que se cache-t-il donc derrière cette architecture monumentale ? Par quels moyens ont-elles été érigées ? Quelle fonction leur était rattachée ? Une multitude de questions viennent à l'esprit, tout comme les abondantes et éparses réponses dans lesquelles il est nécessaire d'y démêler le vrai du faux.

A quoi sert une pyramide ?

La conservation du corps constituait pour les anciens égyptiens une condition indispensable à la survie dans l'au-delà. Cela s'exprime aussi bien à travers le procédé de la momification que par la tombe permettant le maintien physique et spirituel de la personne du roi. La tombe devient son palais d'éternité. Les pyramides n'étaient aucunement de quelconques greniers à blé qu'aurait construit Joseph, fils de Jacob dans l'Ancien Testament.

Le terme de "pyramide" semble avoir été inventé par les Grecs. Les pyramides ressemblaient fortement à un gâteau de blé qu'ils nommaient "pyramis". Ce terme désignant un dessert culinaire fut ainsi employé pour qualifier ces tombeaux royaux. L'ancien égyptien utilise quant à lui le terme "mr".

Pyramide isolée ou complexe pyramidal ?



Carte de l'Egypte: Le Nil divise le pays en deux du sud vers le nord.Carte de l'Egypte: Le Nil divise le pays en deux du sud vers le nord.

Contrairement aux idées reçues, une pyramide funéraire royale n'est jamais isolée et fonctionne avec d'autres bâtiments. Ainsi, on nomme l'ensemble un complexe pyramidal orienté d'est en ouest. Cette orientation est due à la géographie de l'Egypte, le Nil divisant le pays en deux du sud vers le nord. L'Est du pays, aussi appelé l'Orient, est considéré comme le monde des vivants. L'Ouest, également appelé l'Occident, est considéré quant à lui comme le monde des morts. Ainsi, cette orientation d'Est en Ouest résulte d'une conception liturgique relative à la renaissance cyclique, à la résurrection du défunt, comparable au lever du soleil à l'Est et à son coucher à l'Ouest.

Le complexe pyramidal canonique est constitué d'un temple bas pourvu d'un bassin et d'un débarcadère. Ce temple est destiné à recevoir la dépouille du souverain menée en barque depuis la résidence royale dans la perspective de la momification et aux cérémonies funéraires pour des centaines d'années. Ensuite, une chaussée montante couverte et décorée de bas-reliefs conduit au temple haut où se pratique le culte du roi défunt. Sur la face Nord de la pyramide se trouve une petite chapelle avec une entrée permettant d'atteindre, par une descenderie, la chambre funéraire à l'intérieur de la pyramide.

Plan d'un complexe pyramidal canonique.
Plan d'un complexe pyramidal canonique.

Après l'enterrement, la pyramide était scellée. Seuls les prêtres avaient accès aux différents espaces de culte du complexe pyramidal protégé des éléments néfastes par une ou plusieurs enceintes de briques ou de pierres. Une pyramide satellite, dont la fonction n'est pas encore claire, est située à l'angle sud-est de la pyramide.

La première pyramide !

En Egypte, la première pyramide construite en pierre est celle du roi Djéser (IIIe dynastie) au tout début de l'Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.), à Saqqara. Edifiée par l'architecte Imhotep, celle-ci est au coeur d'un immense complexe funéraire de 15 hectares qui est en réalité une scène de théâtre cultuelle, éternelle, afin de maintenir le rôle d'intercesseur du roi entre le monde des hommes et le monde des dieux.

Il s'agit de la plus ancienne construction monumentale du monde. Cette pyramide dite à degrés, pour la première fois en pierre, marque un tournant dans l'histoire de l'Egypte ancienne.

Plan du complexe pyramidal de Djéser à Saqqara, Ancien Empire, IIIe dynastie.
  Pyramide de DjéserPlan du complexe pyramidal de Djéser à Saqqara, Ancien Empire, IIIe dynastie (à gauche). - Pyramide de Djéser (à droite).
Pyramide de Khéops à Giza, Ancien Empire, IVe dynastie.Pyramide de Khéops à Giza, Ancien Empire, IVe dynastie.

La majorité des pyramides sont à faces lisses. La taille démesurée de la célébrissime pyramide de Khéops (IVe dynastie) à Giza est de 147 mètres. Elle n'est pas représentative de la taille moyenne habituelle qui est de 52 mètres.

Une pyramide, outre sa fonction funéraire primaire, est également le moyen d'assurer une certaine légitimité par son emplacement aux abords de la pyramide d'un glorieux prédécesseur. Elle peut aussi témoigner d'un renouveau politique par son établissement dans une nouvelle localité, marqueur de l'autorité royale, comme ce fut le cas d'Amenemhat Ier (XIIe dynastie) à Licht.

Malédictions, pièges dissimulés ?



Appartements funéraires de la pyramide inachevée de Saqqarah sud, XIIIe dynastie.
Les herses latérales et sur plans inclinés ainsi que le caveau monolithique sont en quartzite (en orange sur le plan).Appartements funéraires de la pyramide inachevée de Saqqara sud, XIIIe dynastie.
Les herses latérales et sur plans inclinés ainsi que le caveau monolithique sont en quartzite (en orange sur le plan).

Les pièges complexes, les portes se refermant derrière le voleur, le sable emplissant les pièces, les plafonds s'écroulant, les pierres énormes écrasant tout sur leur passage, les scarabées grouillant dans tous les sens et se glissant sous la peau jusqu'à atteindre le coeur du voleur, les malédictions proférées contre quiconque osant s'aventurer dans le dédale de couloirs aux inscriptions mystérieuses et menaçantes ne sont que pures fictions cinématographiques !

En effet, aucun piège n'était prévu mis à part des protections symboliques telles que les gros blocs de quartzite rouge ou de granit rose qui permettaient d'entraver les couloirs. À la XIIIe dynastie, l'infrastructure intérieure des pyramides est cependant plus complexe comparée aux autres dynasties se caractérisant par de nombreux escaliers et couloirs menant à des chambres et antichambres obstruées par d'énormes herses de granit. La protection du sarcophage en est d'autant plus impressionnante qu'il s'agit d'un caveau en quarztite de 50 à 60 tonnes.

Construction et ouvriers

Les avis diffèrent quant aux méthodes employées pour la construction des pyramides. Des données archéologiques suggèrent l'utilisation de rampes de briques pour hisser les pierres jusqu'au sommet mais il reste cependant difficile de se faire une idée précise du déroulement des opérations.

Rampes de briques ou de pierres pour la construction des pyramides.  Rampes de briques ou de pierres pour la construction des pyramides.  Rampes de briques ou de pierres pour la construction des pyramides.Rampes de briques ou de pierres pour la construction des pyramides.

Une grande avancée technologique que l'on peut assimiler à une "révolution industrielle" à l'époque est le passage des outils en cuivre, métal "mou", aux outils en bronze au Moyen Empire (2033-1710 av. J.-C.) permettant de travailler les pierres dures avec plus d'aisance et de rendement.

Une idée largement véhiculée est celle d'esclaves travaillant sur les chantiers royaux. En réalité, quelques centaines de spécialistes et d'ouvriers qualifiés étaient épaulés d'un grand nombre d'ouvriers pour la plupart en charge du transport.

Transport et taille de la pierre.  Transport et taille de la pierre.Transport et taille de la pierre.

La notion d'"esclave" en français n'est pas applicable en Egypte dans le sens où il n'y avait pas d'hommes "libres", de "citoyens" comme c'était le cas chez les Grecs ou les Romains. Il n'y a aucune attestation d'un mot pour "liberté" en ancien égyptien. Les ouvriers étaient des paysans corvéables.

Le papyrus du Ouadi el-Jarf, plus ancien journal de bord connu dans le monde (vers 2560 av. J.-C.) découvert par Pierre Tallet en 2013, explique l'activité de l’équipe et offre de précieuses informations sur l'approvisionnement des chantiers. Mais ceci est une tout autre histoire.

Toujours est-il qu'il est surprenant de remarquer que nous sommes plus proches de Cléopâtre VII, dernière reine d'Egypte, qu'elle ne l'est des premières pyramides de la civilisation pharaonique.

Pyramides d'Egypte : entre fabulations et réalité

Pour approfondir

  • André Legleye, Khéops, la fin du secret, éditions du temps, 2008.
  • M. Lehner, The Complete Pyramids, Londres, 1997.
  • Jean-Philippe Lauer, Le mystère des pyramides, Presses de la Cité, 1988.
  • G. Posener (dir.), Dictionnaire de la civilisation égyptienne, éditions Hazan, Paris, 2011.
  • A. Schnapp (dir.), Préhistoire et Antiquité, Des origines de l'humanité au monde classique, Flammarion, 2011.
  • R. Schulz et M. Seidel, L'Egypte, sur les traces de la civilisation pharaonique, éditions Könemann.
  • Crobate Contributeur
  • "Que ton coeur ne soit pas altier à cause de ce que tu sais; n'emplis pas ton coeur du fait que tu es un savant. Discute avec l'ignorant de la même façon qu'avec de l'homme ayant des connaissances; car on n'a jamais atteint les limites d'un art, et nul artisan n'est pourvu d'excellence. Une parole heureuse peut être dissimulée plus que l'émeraude, on peut la trouver parmi les servantes penchées sur la meule." - (Max. 1). L'art de vivre du vizir Ptahhotep.