Le Projet Wunderwaffen : Me-262 "Schwalbe"

Petit Belge
3 octobre
2016

Avion mythique de la Seconde Guerre mondiale, le Messerschmitt 262 Schwalbe « hirondelle » était le premier appareil à réaction de l'Histoire mis en service. Il s'inscrivait dans le programme « Wunderwaffen », littéralement « armes miraculeuses », dans l'espoir de défendre le Reich contre les avions Alliés.

Au final, son utilisation fut tardive, hasardeuse et semée de problèmes techniques en tout genre. Mais passé outre ces défauts, était-ce le dernier atout de la Luftwaffe ?

Détails techniques

Messerschmitt Me 262 "Schwalbe"Messerschmitt Me 262 "Schwalbe"

Construit comme chasseur, le Schwalbe avait une longueur de 10,60 m pour une envergure de 12,65 m ainsi qu'une hauteur de 3,83 m. Le tout propulsé par deux réacteurs Junkers Jumo 004B de 1 800 ch, lui permettant d'atteindre une vitesse de 870 km/h contre les 650 Km/h d'un Supermarine Spitfire.

De plus, avec un plafond s'élevant à 11.500 m d'altitude (650 m de plus qu'un B-17) et avec un armement composé de 4 canons MK 108 de 30 mm1, cet appareil était doté d'une puissance de feu exceptionnellement puissante pour un chasseur monoplace. Le Me-262 sut à la fois s'imposer dans l'Histoire, mais aussi comme pionnier de l'aviation moderne.

Une idée de longue date

L'idée d'un avion à réaction ne date pas de la fin de la guerre, il faut même remonter dans les années 30. En effet, les premiers prototypes allemands datent de 1937-1938 et sont conçus par Hans von Ohain2. Ce physicien inspiré eut le soutien de la société Heinkel. Le premier vol est effectué en août 39 par un He-178 et marque le début de l'histoire de notre Me-262.

Heinkel-178
Heinkel-178

En ce qui concerne sa conception, les difficultés furent nombreuses : souci majeur des réacteurs, changement de directive de la part d'Hitler et de la part du Ministère de l'Aviation du Reich...

Hans von Ohain levant son verre à la réussite des tests du Heinkel 178. À gauche on peut observer Ernst Heinkel.Hans von Ohain levant son verre à la réussite des tests du Heinkel 178. À gauche on peut observer Ernst Heinkel.

Le projet passa dans les mains de Messerschmitt et le premier vol de l'appareil doté d'un moteur à pistons eu lieu le 18 avril 1941. Il fallut ensuite attendre août 1942 pour le voir voler avec ses réacteurs malgré les problèmes récurrents de ces derniers (ils prennaient feu facilement, s'arrêtaient sans raison...).

Mais, en 43, cela n'empêcha pas Adolf Galland, alors le plus jeune général de la Luftwaffe, de pouvoir tester le Me-262 et d'être émerveillé par l'appareil. D'ailleurs, il décrivit son premier vol en ces mots : « c'est comme si un ange vous poussait au derrière ! ».

Conflit entre dirigeants

C'est le 2 novembre 1943 que l'on présenta l'avion à Hermann Göring, il fut ensuite présenté à Hitler le 26 novembre de la même année. Celui-ci montra immédiatement son désintérêt pour un tel chasseur et ordonna aux ingénieurs de le modifier en chasseur-bombardier dans l'espoir illusoire de se venger des bombardements Alliés. Car les Allemands espéraient pouvoir envoyer une trentaine de tonnes de bombes par jour sur la partie sud de l'Angleterre, pendant que les Alliés larguaient environ 3 000 tonnes de bombes par jour sur toute l'Allemagne.

Il se créa très vite une divergence d'avis entre Hitler et tous ses quartiers généraux (OKH, OKL, OKM et OKW3) ainsi que certains dirigeants du Reich comme Göring et Speer. Ces derniers voulaient utiliser cet avion pour intercepter les bombardiers Alliés et protéger le territoire allemand. Pour mémoire, il faut se rappeler que le Me-262 fut conçu dans cette optique. Alors qu'à l'opposé, Hitler voulait l'utiliser comme moyen de vengeance. Mais heureusement pour nous, Hitler ne changea aucunement d'avis et entra dans de véritables rages quand quiconque voulait revenir sur la problématique.

Une icône pas si parfaite

Malgré une avance technologique par rapport aux autres avions de l'époque, son utilisation reste controversée. Par exemple, il était tellement rapide qu'aligner la cible et le viseur devenait un véritable exploit. Mais comme si cela ne suffisait pas, son armement n'était absolument pas adapté à la vitesse des 870 km/h. En effet, les tirs devenaient incroyablement imprécis, et les obus lancés par leur canon MK 108 de 30 mm chutaient de 41 m pour 1000 m parcourus.

Plusieurs solutions avaient été proposées, notamment celle de remplacer les canons de 30 mm par des Mauser MG 151 de 20 mm, ou d'armer le Me-262 avec 24 fusées air-air R4M4, chacune capable d'abattre un B-17 ou un B-24. Mais ces derniers furent opérationnels très tard et utilisés en trop petit nombre pour avoir une véritable influence dans le conflit aérien.

En ce qui concerne sa conception, les difficultés furent nombreuses : souci majeur des réacteurs, changement de directive de la part d'Hitler et de la part du Ministère de l'Aviation du Reich...

Heinkel-178  Heinkel-178
À gauche : Aile d'un Me-262 portant 12 roquettes R4M. À droite : Version antitanks de la R4M

Dans la famille des défauts techniques, nous pouvons aussi citer le train avant qui était extrêmement fragile et ne résistait aucunement à un atterrissage légèrement brutal. Il faut aussi noter que l'appareil était dépourvu d'aérofrein. Il lui était donc nécessaire de disposer d'une longue finale de décélération, moment rêvé pour un chasseur ennemi pour le descendre avec une facilité déconcertante.

Et malheureusement pour le Me, impossible pour lui de ré-accélérer facilement sans risquer de souffler ses réacteurs. Pour « combler » ce monumental problème, les aérodromes accueillant les escadrilles de Me-262 furent renforcés par des batteries aériennes supplémentaires et par des petits groupes de Focke-Wulf Fw 190 pour les escorter jusqu'à l'atterrissage.

Restons dans les problèmes, mais tactiques maintenant. Commençons par dire que sa vitesse, prodigieuse pour l'époque, lui était le plus souvent fatale dans les combats « tournoyants », à cause de son rayon de virage bien plus grand que celui de ses adversaires. De plus, le Schwalbe avait la fâcheuse tendance à perdre beaucoup de vitesse en tournant ou en montant, alors pour éviter de les rendre trop vulnérables, la tactique se borna le plus souvent à voler plus haut que les adversaires, piquer sur eux pour en abattre rapidement quelques-uns, pour en dernier lieu fuir.

La tactique aurait pu être bonne, mais seulement si l'Allemagne fournissait une quantité suffisante d'avions pour répéter la manoeuvre jusqu'à élaguer les escadres alliées (malgré un rayon d'action court, environ 200 km seulement à cause d'une consommation élevée en kérosène).

En conclusion

Environ 1400 unités du Me-262 furent construites, mais seuls 200 au maximum ont finalement été opérationnelles. Et ce petit nombre put détruire, selon les sources, entre 300 et 400 avions Alliés.

Le principal problème est qu'il fut mis en service au pire moment, c'est-à-dire quand la maîtrise du ciel appartenait aux Alliés. À cela s'ajoute quantité de problèmes techniques qui diminuaient grandement son potentiel en de nombreux points, et ce malgré moultes variantes, restées le plus souvent à l'état de prototype. À cela s'additionnent des changements de directives de la part des autorités, ce qui provoqua un énorme retard dans la mise en service.

Alors au final, le Messerschmitt Me 262, était-il bon ou mauvais ? Sur le papier, il était génial. Dans les faits, il cumulait de nombreux problèmes et son implication n'eut aucune influence dans la finalité de la guerre. Mais comment l'Histoire se serait déroulée si l'avion avait pu être utilisé à grande échelle ? Que serait-il advenu si les Nazis avaient résolu les problèmes énormes du Schwalbe ? À ces questions il n'y a aucune réponse, seulement des hypothèses.

Bibliographie

  • Les armes secrètes du IIIe Reich: Hitler aurait-il pu gagner la guerre ?, de Laurent Tironne, Ixelles éditions, 2014.
  • Magazine « Archives de la 2eme Guerre Mondiale » n°14.
  • « Au cœur du Troisième Reich » chapitre 25, Albert Speer

----------------------------------------------------

1 Le Rheinmetall-Borsig MK 108, un canon de calibre 30 mm, conçu en 1940, qui équipa notamment le Focke-Wulf Fw 190. Il avait une cadence de tir de 660 coups par minute.

2 Hans Joachim Pabst von Ohain (1911-1998), un des inventeurs du moteur à réaction avec Frank Whittle.

3 Oberkommando des Heeres, Oberkommando der Luftwaffe, Oberkommando der Marine et Oberkommando der Wehrmacht.

4 R4M (en allemand : Rakete 4Kilogramme Minenkopf), première fusée air-air contre-avions de l'histoire de l'aviation. Déployé pour la première fois en mars 1944.

  • Matthieu Mancuso Chroniqueur, Historien
  • "Si vous traversez l’enfer, continuez d’avancer." Winston Churchill
    "Résiste et mords !", devise des Chasseurs ardennais de l'armée belge