Supremacy 1914 et Call of War, le Hearts of Iron 0% au bifidus actif
Vous voulez vous mettre au wargame ? Vous avez certainement entendu parler de cette catégorie vidéoludique réservée à une élite barbue, pour qui les tableurs Excel détaillant le pourcentage de chances qu’une panzerdivision enfonce le front de Sébastopol font figure de mantra. Et vous vous dites que c’est long et compliqué, et de toute façon Hearts of Iron IV est encore trop cher ?
Pas un mot de plus, j’ai ce qu’il vous faut. Voici venir sur leurs chevaux blancs, les teutons de Bytro Labs, qui ont sorti il y a quelques années deux fort bons wargame sur navigateur : Supremacy 1914 et Call of War. Pourquoi les traiter en même temps, me direz-vous ? C’est simple : ils sont conçus par les mêmes développeurs et bien qu’ils n’aient pas tout à fait le même gameplay, les grands principes restent les mêmes dans les deux cas.
Comme dans tout bon wargame, il va donc s’agir de prendre en main votre pays, catapulté que vous êtes dans la redingote présidentielle, le trône royal, ou sous la casquette dictatoriale, en fonction des cas.
Mais, quel pays ?
N’importe lequel. Prenons tout d’abord Supremacy 1914 : comme son nom l’indique, il va s’agir de faire survivre votre nation à l’épreuve de la guerre des tranchées ; et il faut commencer par choisir un scénario, qui déterminera les pays représentés : l’Europe en 1910 ? Ou en 1914 ? Si c’est trop académique pour vous, Supremacy 1914 a le bon goût de proposer des cartes au Moyen-Orient, en Amérique du Sud, en Asie du sud-est, ou encore dans les Balkans, ou bien à la frontière mexicaine.
Vous pouvez même prendre en main un scénario « Monde en feu » ou « La Grande Guerre », qui proposent pas moins, respectivement, de 100 et 500 places disponibles. Bien entendu, il n’y a pas 500 pays dans le monde, mais par souci évident d’équilibrage, les pays du monde sont généralement divisés par province : les USA commenceront partagés entre la Californie, la côte Est..., et la Russie impériale se divise de la même façon entre les provinces de l’Amour, d’Okhotsk du nord et du sud, d’Irkoutsk...
Chaque joueur étant à la tête de l’état sur la partie à laquelle vous êtes connecté, il va falloir ensuite conclure des alliances. La plupart du temps, on assiste étrangement aux regroupements historiques : la France est régulièrement alliée aux Russes et aux Anglais contre l’Europe centrale. C’est à vous de contacter chaque joueur pour proposer des pactes d’alliance, des laisser-passer et des échanges commerciaux, et discuter des plans à suivre en cas de guerre.
Et comme dans tout bon wargame qui se respecte, la première phase de chaque partie se doit d’être consacrée au renforcement de l’économie, qui conditionne toute votre puissance militaire : outre le papier-monnaie, Supremacy 1914 gère la production de blé, de poisson, de minerai de fer, de bois, de charbon, de pétrole et enfin de gaz. Sachant que chacune de vos provinces est spécialisée et produit une ressource en particulier.
Petite nuance entre les deux jeux, Call of War ne possède pas tout à fait les mêmes ressources : l’argent, les minerais rares, le fer, le pétrole, la nourriture, les marchandises et la main-d’œuvre (qui sert à recruter).
Et comme votre pays produit, mais aussi consomme, il va falloir équilibrer soigneusement chaque production, et également passer rapidement à l’offensive, car chaque bâtiment coûte cher en ressources, et la formation d’unités militaires aussi, sans parler de son coût d’entretien.
À partir de là, beaucoup de régions deviennent des objectifs stratégiques. La France, par exemple, a des idées mais ne produit aucun point de pétrole. Impossible d’entretenir une flotte de guerre ou des formations de chars dans ce cas, il va donc falloir tout importer à grands frais... ou attaquer la Lybie pour s’emparer de ses gisements.
Chaque chef-lieu de province peut accueillir différents bâtiments :
Le bureau de recrutement permet de former de manière automatique des régiments d’infanterie, l’unité de base du jeu. La caserne et son amélioration forment ces unités beaucoup plus rapidement, en contrepartie d’une consommation accrue de blé. La forteresse apporte un important bonus défensif, très utile sur les provinces stratégiques ou situées près du front. La capitale permet de délocaliser cette dernière en cas de blitzkrieg incongru. L’atelier et ses améliorations successives en usine permettent de fabriquer des chars et des canons. La voie ferrée améliore votre production et la vitesse de déplacement dans les provinces ; le port votre production de poisson et la fabrication de navires de guerre, et enfin l’aéroport, dont vous devinez la finalité.
Qu’en est-il de la chose martiale ? Eh bien, c’est là que les choses sérieuses commencent. Avec une différence majeure entre Supremacy et Call of War, car ce dernier possède un système de recherches militaires, contrairement à son aîné.
Call of War se plaçant dans le contexte d’une période où l’on a vu une énorme ramification des unités et des machines, son arbre de recherche se divise entre l’aérien, le maritime, l’infanterie, les blindés et les armes secrètes.
Chaque recherche coûte un certain budget en ressources, et un investissement de temps (et vous ne pouvez en mener que deux à la fois). Comme vous pouvez le voir, les blindés sont divisés entre voitures blindées, chars légers, moyens, lourds, chasseurs de chars, artillerie automotrice, chars antiaériens, canons antichars.... De la même façon, l’arbre aérien se divise en chasseurs légers, bombardiers stratégiques, tactiques ; l’arbre des fantassins entre milices et infanteries mécanisées, motorisées, etc.
Chaque unité est différente : le char moyen de niveau 1, par exemple, est représenté par le M3 Lee chez les américains, tandis qu’au niveau 2, ils deviennent des M4 Sherman.
Mais surtout, ils possèdent des caractéristiques détaillées en consommation de ravitaillement, de carburant, en valeurs d’attaque et de défense, ainsi que leur efficacité en milieu urbain, montagneux, marécageux, et même leur vitesse. Les voitures blindées sont avantagées dans ce dernier cas, permettant de longues chevauchées rapides en territoire ennemi.
Dans l’arbre secret, on trouve les unités de commandos, les canons sur rail, les missiles guidés et non guidés, sans oublier la chaîne de bâtiments et de technologies permettant (en fin de jeu, ne vous inquiétez pas) de débloquer les terribles armes nucléaires.
Dans Supremacy 1914, les choses sont relativement plus simples : les marines se divisent entre cuirassés, croiseurs légers et sous-marins ; les avions entre chasseurs, dirigeables et bombardiers, et l’armée de terre comporte l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, les chars légers et lourds et les véhicules blindés.
Une partie de Supremacy 1914 ou de Call of War se joue donc sur plusieurs semaines la plupart du temps. On commence par renforcer son économie et l’infrastructure de quelques provinces, on rassemble ses armées avant de passer des accords avec quelques puissances étrangères avant de déclarer la guerre.
Le jeu se jouant en temps réel (selon la vitesse de telle ou telle unité, les mouvements de troupes prennent du temps), on planifie donc le samedi une offensive majeure dans les Pays-Bas pour le lundi avant de s’apercevoir que l’Axe vous a surpris en ralliant à son côté l’Espagne franquiste, qui a franchi les Pyrénées.
Je me suis ainsi retrouvé, au terme d’une partie d’un mois, à me connecter à six heures du matin pour lancer au petit jour une vaste attaque surprise italienne sur le Reich, à coups de V2, à laquelle mon adversaire n’a pu réagir que plusieurs heures plus tard, alors que ses raffineries de Hambourg et Kiel étaient détruites et l’Autriche enfoncée par mes divisions blindées.
Petit plus : Free-to-play oblige, les deux jeux possèdent un système de monnaie premium apportant divers avantage, comme d’acheter des ressources qui vous manquent, ou d’accéder à certaines parties spéciales. Mais les bonus ainsi débloqués n’apportent pas d’avantage trop déséquilibrant ; et de toute façon l’éditeur offre régulièrement d’assez grandes quantités de cette monnaie, que l’on gagne également en remportant une partie.
Supremacy 1914 et Call of War réussissent à constituer des wargames simples et accessibles, mais pas simplistes pour autant. La stratégie y tient une place primordiale et on y retrouve tous les éléments-clé du wargame, pour un prix inexistant. Et à ça, on rajoute une composante multijoueur qui apporte une tension renouvelée à chaque partie, les joueurs humains étant parfois plus redoutables que l’IA, mais aussi plus faciles à surprendre.
L’intérêt des deux jeux n’est pas la reconstitution historique précise des deux guerres mondiales, et pourtant ils s’en approchent très convenablement. Les unités représentées sont crédibles et le jeu de rôle est assez récurrent, permettant de s’immerger relativement bien dans l’un des deux conflits mondiaux.
- Cernunnos Testeur, Rédacteur
- "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach