Récit

Époque moderneGuerres napoléoniennes

Campagne de Russie

Maréchal de l'Empire

1812, c'est l'année de l'apogée de l'Empereur Napoléon Bonaparte. Toutes les nations de l'Europe (du moins continentales) sont sous le contrôle de Napoléon. Les autres monarchies se sont pliées au petit Corse. De plus, il a épousé une princesse d'Autriche et a eu un fils qui lui assure sa descendance, comme il l'avait souhaité.

Lorsque les deux souverains de l'Europe, le tsar Alexandre Ier et l'Empereur des Français s'étaient rencontrés à Tilsit pour y signer un traité, le dirigeant de la Russie espérait que la Pologne ne soit rétablie. Mais malheureusement pour lui, Napoléon créa le Grand-Duché de Varsovie.

En 1809, après la seconde campagne d'Autriche et la rude bataille de Wagram, le traité de paix avec l'Autriche notifie que la Galicie soit annexée au profit du Grand-Duché de Varsovie. Cela aggrava les relations entre les deux puissances et le tsar de toutes les Russies refusa de participer au mariage de l'Empereur avec Marie-Louise d'Autriche.

C'est Alexandre 1er, après une décision de sa part, qui lança les hostilités. La Russie possédait certes une industrie de manufacture faible mais avait beaucoup de matières premières. Le simple fait de voir ses routes commerciales bloquées avec l'Angleterre la pénalisait. Le tsar décida donc de faire stopper le blocus continental prôné par la France. Peu de temps après, les premiers navires aux pavillons britanniques entrèrent dans les ports russes.

Le 22 juin 1812, la guerre est déclarée entre l'Empire Français et l'Empire Russe. Après une dernière tentative de paix - en vain - envoyée à Saint-Pétersbourg, le 24 juin 1812, la Grande Armée franchit le Niémen.

À ce moment, l'armée Française est forte d'environ 600 000 hommes et de quelque 2 200 canons. L'armée est divisée en 10 corps d'armée :

  • 1er Corps d'Armée Français commandé par le maréchal Davout
  • 2ème Corps d'Armée Français commandé par le maréchal Oudinot
  • 3ème Corps d'Armée Français commandé par le maréchal Ney
  • 4ème Corps d'Armée Français commandé par le prince Eugène de Beauharnais
  • 5ème Corps d'Armée Français commandé par le maréchal Poniatowski
  • 6ème Corps d'Armée Français commandé par le maréchal Gouvion-Saint-Cyr
  • 7ème Corps d'Armée Français commandé par le général Reynier
  • 8ème Corps d'Armée Français commandé par le général Vandamme
  • 9ème Corps d'Armée Français commandé par le maréchal Victor
  • 10ème Corps d'Armée Français commandé par le maréchal Mcdonald

Le tout accompagné par la Vieille Garde dirigée par Lefebvre, et la Jeune Garde menée par le maréchal Mortier. Dans cette grande armée figure des centaines de milliers d'étrangers. Ainsi, parmi les 600 000 soldats, environ 270 000 sont Français, l'autre part est constituée d'alliés de Napoléon (italiens, Prussiens, Autrichiens, Croates…).

En ce qui concerne l'armée russe, elle compte environ 360 000 hommes répartis en deux corps d'Armée, un dirigé par Bagration  et l'autre par Barclay de Tolly.

Le jeu du chat et de la souris et la politique de la terre brûlée

L'Armée française arrive à Wilna (ou Vilnius, en Lituanie) où les Russes ont brûlé les magasins de nourritures, habillements, fourrages et bien d'autres... Les forces françaises rencontrent très peu de résistance ennemie car Barclay de Tolly dirigeant en chef de l'armée russe, refuse le combat face aux Français, car il sait d'avance qu'une bataille rangée lui serait fatale. Nombreuses ont été ses tentatives pour établir des positions défensives, mais l'armée française avance bien trop vite, ce qui ne lui permet pas de se préparer. Il doit par conséquent se replier. Mais dans sa fuite, il pratique la politique de la terre brûlée, laissant ainsi peu de ressources aux Français.

Le 28 juillet, les Français arrivèrent à hauteur de Vitebsk. Les Russes continuent de se replier pour fuir l'affrontement, ou selon maintes théories, pour attirer les Français dans un piège. Peu de temps après, l'armée de Napoléon arrivent devant la ville de Smolensk, protégée par des murailles que gardaient 30 000 soldats russes sur les deux rives du Dniepr.

Barclay de Tolly perd sa place de dirigeant en chef de l'armée russe car il est toujours réticent à attaquer les troupes françaises. Koutouzov prend sa place, mais cela ne change pas grand-chose, puisqu'il suit les mêmes directives que Barclay de Tolly, à savoir la retraite. Cependant, il jure de protéger coûte que coûte Moscou, la ville sainte. Du 16 au 18 août, le vieu général met en place des positions défensives à Borodino.

Dès le début de l'après-midi du 17 août, l'assaut est lancé sur Smolensk. Les faubourgs, les remparts et les hommes en position le long des rives sont littéralement anéantis. Malgré quelques héroïques résistances des Russes, ces derniers fuirent, en mettant le feu à la ville. De nombreux magasins furent cependant encore indemnes et ont pu être utiles pour la Grande Armée.

Après cela, Napoléon se lance à la poursuite des Russes. Il les repousse jusqu'à Valoutina-Gora (Loubino pour les Russes). L'arrière-garde russe était postée là, prêt aux combats. Les maréchaux Murat et Ney attaquèrent cette dernière et infligèrent de lourdes pertes aux troupes russes et les mirent de nouveau en déroute.

Après que Ney et Murat aient vaincu les Russes à Valoutina-Gorat, il se remettent une nouvelle fois à la poursuite des Russes. Entre-temps, l'armée française arrive à Gjatsk (Gagarine aujourd'hui) où  - enfin - elle se repose avant une grande bataille particulièrement meurtrière.

Bataille de Borodino

Le 7 septembre 1812 a lieu la bataille de la Moskowa, nom donné par les français. L'Empereur entama un discours devant ses troupes :

"Soldats ! Voilà la bataille que vous avez tant désirée. Désormais la victoire dépend de vous ; elle nous est nécessaire, elle vous donnera l'abondance, de bons quartiers d'hiver et un prompt retour dans la patrie. Conduisez-vous comme à Austerlitz, à Friendland, et que la postérité la plus reculée cite avec orgueil votre conduite dans cette journée ; que l'on dise de vous : Il était a cette grande bataille livrée sous les murs de Moscou.". Soudain, le soleil fit son apparition après une averse, il s'exclama : "Soldats ! Voilà le soleil d'Austerlitz !"

Situation de la bataille de Borodino le 7 septembre 1812

Les soldats crièrent : "Vive l'Empereur ! Vive l'Empereur". Sa présence sur un champ de bataille valait 40 000 hommes d'après le Duc de Wellington, mais ces paroles étaient suffisantes pour donner des poussées d'adrénaline et du courage aux soldats de la Grande Armée.

Les deux armées comptent chacune en moyenne 120 000 hommes (les Russes étaient un peu plus nombreux). Les premiers mouvements commencèrent à 3 heures du matin, un coup de canon fut tiré par les Français pour marquer le début de la bataille. Sur toute la ligne de front, les combats ont fait rage. Au total, quelque 1 200 canons tirèrent en même temps sur le champ de bataille, y semant la mort partout. Trois redoutes assez fortifiées par les troupes russes furent enlevées par le prince Eugène de Beauharnais et les maréchaux Ney et Davout. La redoute la plus solidement tenue est enlevée par les charges des cuirassiers français.

Après avoir semé la mort à coup de mitraille, Napoléon fait donner l'ordre au 8ème Corps d'armée français et toute la droite de se tourner vers la dernière position des Russes. La Garde Impériale ainsi que la cavalerie soutiennent les troupes dans cette manœuvre. Eugène de Beauharnais se porte vers la Kalatsha. La victoire est à coup sûr française.

Dans la nuit du 7 septembre, les Russes se replièrent en très bon ordre jusqu'à Mojaïsk, à 110 km à l'ouest de Moscou. Lors de la bataille, ils auront perdu environ 55 000 hommes, 50 généraux et 70 canons. Alors que les Français ont perdu 20 000 hommes, 2 généraux de division et 6 de brigades.

La bataille de la Moskowa ou Borodino, est une des batailles les plus sanglantes du Premier Empire. Ensemble, les deux camps totalisent environ 75 000 morts ou blessés sur le champ de bataille. Après les combats du 7 septembre, Napoléon donne de multiples ordres pour porter secours aux blessés, aussi bien Russes que Français.

Le lendemain, les Russes se replièrent et Koutouzov donna l'ordre d'évacuer la ville sainte de Moscou. L'Empereur français donne l'ordre de se lancer à leur poursuite et décide également de porter son État-major à Mojaïsk, ville que les Russes ont incendié juste avant de l'abandonner.

Le 14 septembre 1812, la Grande Armée fait son entrer dans Moscou. Mais la ville est quasiment déserte, les magasins ont été vidés sur ordre du gouverneur Fiodor Rostopchine. Napoléon s'installe au Kremlin, le palais des Tsars. Le maréchal Mortier est nommé gouverneur et doit absolument empêcher les pillages. Mais un autre problème surgit, celui des blessés russes et de l'armée française. Les hôpitaux sont très vite débordés par le nombre de soldats en mauvaise postures.


Napoleon's retreat from Moscow par Adolf Northern

La retraite et l'Hiver russe

Alexandre Ier ne se rend toujours pas. Bien que Napoléon ait conquis Moscou et que selon les règles, le gouvernement doit se rendre au vainqueur. Une armistice est signée, l'Empereur des Français tente de proposer la paix mais en vain. Les deux camps cherchent du temps, l'un pour renforcer son armée, l'autre pour attendre l'hiver russe...

Dans la journée du 15 septembre 1812, de nombreux incendies sont provoqués volontairement à Moscou. Cela dura jusqu'au 20 septembre. Les forces de l'empereur Napoléon se trouvent dans une impasse, dans une ville en ruines, sans magasins pour nourrir et rhabiller les soldats. Ces derniers n'ont pu se reposer car ils ont dû essayer de stopper les incendies. Les restes de l'Armée Russe stationnés non loin de là, la décision de la retraite est prise.

Dès le 18 octobre, les premières manœuvres commencèrent, Mortier a pour ordre d'abandonner le Kremlin et de le faire sauter le 23 octobre, en ne laissant ni malades, ni blessés.

Alors que la Grande Armée se replie, cette dernière se fait très souvent harcelée par des groupes de cosaques, ce qui est très dangereux pour les « traînards ». La retraite est catastrophique, de gros problèmes surviennent… Nourrir l'armée française était déjà très difficile, mais pour ce qui concerne les chevaux, c'est une autre histoire. Il manque du fourrage et pratiquement tous les chevaux qui avaient commencés la campagne de Russie sont morts de froid, de faim ou tués par les hommes affamés pour se nourrir. Ainsi tous les canons et chariots tirés par les chevaux sont laissés le long des routes de Russie.

Au mois de novembre 1812, nombreux sont les soldats qui désertent à cause des maladies ou des famines. Pour couronner le tout, le terrible hiver russe est là, la température est d'environ -28°.

Napoléon met au point une organisation qui permet de faire avancer l'armée. Malgré les souffrances endurées par tous les soldats, beaucoup ont encore de courage à suivre le mouvement. Après avoir réussi à faire distribuer des vivres/armes et autres, l'Empereur redonne ses consignes à l'armée, comme par exemple : punir ceux qui s'obstineraient à marcher isolés. Il ne s'agissait pas de dictature mais plutôt un ordre de sûreté vis à vis des cosaques qui attaquaient les petits groupes isolés.

C'est une Bérézina…

Le 25 novembre 1812, la Grande Armée se trouve face à la Bérézina. Aussitôt, les ordres sont donnés d'y construire des ponts, Bonaparte dirigera lui-même la construction de ces derniers. Évidemment l'armée Russe était sur les talons de l'armée française. Koutouzov juge bon cette fois-ci de faire une bataille rangée. Cependant, celle-ci se soldera par une nouvelle victoire Française. Après cette bataille et même pendant, les troupes franchirent la Bérézina mais malheureusement beaucoup de blessés/civils/malades restèrent du mauvais côté de la rive, car ils étaient trop épuisés pour traverser et refusèrent de traverser la nuit. Malheureusement pour eux, le lendemain matin, les ponts furent brûlés pour couvrir la retraite. Beaucoup de retardataires, dans un dernier espoir, ont voulu traverser le fleuve, mais en vain...

Arrivé à Smorgoni au début du mois de décembre, Napoléon donne de nouvelles directives. Il laisse le commandement des troupes à Murat et annonce qu'il part pour Paris. En effet, en ce moment-même, un complot est organisé par le Général Malet pretextant que Bonaparte était mort en Russie. Joachim Murat ne pu prendre le commandement car il dû partir  « s'occuper » de son royaume d'Italie. Il laissa donc le rôle de dirigeant de l'armée au Prince Eugène de Beauharnais.

Mais l'hiver est rude et nombreux sont les morts chaque jours, l'armée diminue à vue d'œil. Le 14 décembre, la Grande Armée avait enfin quitté le territoire russe.

Une campagne ratée ?

Dans les rangs français on compte 200 000 morts, la moitié aux combats l'autre de froid/faim/maladies. Quelque 150 000 prisonniers et 130 000 déserteurs, dont étonnamment 60 000 sont restés en Russie. Ce qui fit une perte énorme d'environ 480 000 pour la Grande Armée... Du côté Russe, on compte 300 000 morts, un chiffre tout aussi monstrueux.

On pourra se poser maintes questions. Napoléon avait-t-il pensé au climat Russe, chaud puis très froid ? Avait-il également envisagé la politique de la terre brûlée perpétrée par les Russes ? Avait-il prévu d'y rester longtemps après la conquête de Moscou par rapport à l'approvisionnement et à la logistique qu'il avait emmené ?

Quelles que soient les raisons, ce fût une campagne particulièrement éprouvante pour les deux camps. Pour les Russes, on pourra parler d'une Grande Guerre Patriotique.


Un graphe par Charles Minard montrant les effectifs de la Grande Armée à l'aller et au retour de Moscou.
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  • "Ce qui ne me tue pas me rend plus fort." Alexandre III le Grand
    "Du sublime au ridicule, il n'y a qu'un pas." Napoléon Bonaparte