Info sur le jeu |
PlateformePC Windows |
ÉditeurHandyGames |
DéveloppeurPaintbucket Games |
Date de sortieJanvier 2020 |
Through the Darkest of Times
Annoncé il y a presque deux ans, Through the Darkest of Times n'avait pas manqué de nous interpeller sur HistoriaGames, principalement en raison de la thématique qu'il se propose de traiter, à savoir la résistance interne au nazisme et son organisation en Allemagne dès 1933, immédiatement après qu'Adolf Hitler ait accédé au pouvoir.
Car oui, c'est bien d'un moment de l'Histoire maltraité et méconnu du grand public qu'il s'agit, la mémoire collective préférant habituellement mettre l'accent sur les réseaux clandestins extérieurs ayant clairsemé les pays d'Europe occupés par les nazis. Exit la Résistance française ou l'Armia Krajowa polonaise. Through the Darkest of Times vous propose cette fois-ci de prendre la tête d'un réseau de résistance s'organisant dès 1933 au plus près du danger, à Berlin.
Sorti le 30 janvier 2020, soit 87 ans jour pour jour après la nomination d'Hitler au poste de chancelier par le président Hindenburg et trois jours après le 75ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, le titre se présente comme un émouvant morceau d'une histoire douloureuse avec laquelle l'Allemagne peine encore parfois à composer : en témoigne sa position ambigüe vis-à-vis de la représentation des symboles nazis dans les œuvres vidéoludiques. Pourtant, il est le fruit d'un studio allemand, Paintbucket Games, ce qui le rend doublement intéressant.
Si le choix fait par les développeurs de nous présenter cette période est à saluer, une thématique peu traitée ne suffit pas à faire un bon jeu vidéo. Aussi, que vaut ce « Through the Darkest of Times » ? Verdict avec notre test.
Un témoignage vibrant d'une époque méconnue
D'entrée, le jeu nous plonge avec justesse et efficacité, dans le contexte de l'époque qu'il entend représenter. La mise en situation est des plus réussie et elle est sublimée par une réalisation très propre, avec notamment la possibilité de mettre des voix allemandes avec des sous-titres français pour augmenter l'immersion.
À travers une courte cinématique qui nous permet de remarquer la patte graphique et la direction artistique de toute beauté, les enjeux sont présentés au joueur. Hitler vient d'être nommé chancelier par Hindenburg et l'Allemagne accueille cette nouvelle avec un optimisme qui se propage rapidement au sein de la population. Fini le chômage de masse et l'inflation galopante provoqués par le krach boursier de 1929. Terminées les humiliantes réparations de guerre imposées par le diktat du traité de Versailles : l'Allemagne va retrouver sa grandeur, c'est en tout cas ce que le peuple pense.
Pour une poignée d'individus, l'heure n'est toutefois pas au triomphe. Vous et vos camarades prenez en effet rapidement conscience qu'Hitler est dangereux et qu'il risque bel et bien de mener l'Allemagne à sa perte. Très vite, vous décidez donc d'organiser une résistance face au pouvoir qui se met en place. C'est à ce moment précis que vous entrez dans le vif du sujet.
Vous incarnez un résistant doté d'une sensibilité politique, d'une profession et de caractéristiques renvoyant à des compétences spécifiques telles l'empathie, l'intellect, la force ou encore la capacité à mobiliser les masses. En reprenant le système de la feuille de personnage dans un jeu de rôle, le jeu vous permet ainsi de choisir le passif et les origines de votre personnage.
Si la chose parait anodine de prime abord, elle permet toutefois de prendre conscience des parcours de vie et des trajectoires très différentes qu'ont pu connaître les individus amenés à rapidement se regrouper pour combattre le pouvoir nouvellement mis en place par les nazis. Ainsi, dans cette coalition hétéroclite, vous retrouverez des libéraux, des sociaux-démocrates mais aussi des chrétiens démocrates... voire même des communistes... si le cœur vous en dit.
Placé à la tête de votre petit groupe, vous serez rapidement amené à vous pencher sur la carte de Berlin pour mener des missions aux objectifs variés prenant place dans les différents quartiers de la ville selon une logique similaire à ce que l'on peut trouver dans des titres comme WARSAW ou encore This War of Mine. Le jeu fonctionne selon un découpage temporel hebdomadaire. Chaque semaine, vous aurez la possibilité d'envoyer vos leaders en mission afin de remporter des soutiens et de l'argent.
Une tension palpable tout au long du jeu
Puisque l'heure n'est pas à la rigolade, il vous faudra rapidement mettre en place une stratégie afin de développer l'influence de votre réseau et de gagner des partisans. L'une des mécaniques intéressante mise en place par le gameplay réside alors dans cet équilibre et dans cette gestion du temps : vous pourrez être tenté d'agir vite pour vous développer très rapidement à une époque où les nazis sont encore loin d'avoir la mainmise totale sur l'appareil d'Etat mais ce faisant, vous risquez d'attirer rapidement l'attention sur vous et de faire face à une riposte implacable. À l'inverse, vous pourrez prendre moins de risques, mais ce faisant, il se peut que vous ne soyez pas assez puissant au moment où le régime hitlérien mobilisera toute sa puissance afin de soumettre entièrement le pays.
Ainsi, jusqu'où serez-vous prêt à aller dans votre prise de risque ? Pensez-vous pouvoir sauver tout le monde ? Le jeu n'en vaudra pas forcément la chandelle à tous les coups. Autant de dilemmes et d'arbitrages très intéressants qui placent le joueur dans une situation délicate, mais qui retranscrit avec pertinence la difficulté de s'opposer au raz-de-marée nazi en Allemagne dans les années 1930.
Du fait de votre position précaire, vous devrez composer avec des moyens limités face à la puissance d'un État et de son gouvernement. Aussi, Through the Darkest of Times vous oblige à faire profil bas et à être astucieux, en plus de choisir les combats qui seront utiles à mener. La chose peut parfois être frustrante : choisirez-vous de prendre tous les risques pour sauver une personne en sachant que vingt autres peuvent être libérées si vous faites profil bas ? Autant de moment passionnant à vivre grâce au gameplay bien huilé de ce titre.
Les missions auront pour principaux objectifs de vous rapporter des partisans, des moyens financiers ou des chefs résistants, comprendre par là d'autres personnages jouables que vous pourrez également envoyer en mission selon une logique exponentielle. En plus de cela, diverses missions thématiques vous permettant de mener des coups de force contre le pouvoir en place ou encore d'imprimer et de distribuer des tracts de propagande seront également disponibles afin d'augmenter votre influence. Attention toutefois car selon les caractéristiques de vos résistants, les missions seront plus ou moins risquées, avec des chances de succès dépendantes de divers facteurs.
Par exemple, envoyez un de vos chefs doté de peu d'empathie tenter de convaincre des ouvriers de se rejoindre à votre cause et il y a de fortes chances pour que la mission tourne au vinaigre. Derrière cette logique assez basique, le jeu nous oblige en permanence à faire des choix.
Au-delà de la réussite ou de l'échec de la mission, le facteur « risque » est également à prendre en compte vis-à-vis des autorités. Au début du jeu, le risque sera encore relativement faible, les nazis n'ayant pas encore eu vent de vos agissements, ni même connaissance de votre existence. Toutefois, plus la partie avancera et plus vous devrez faire face à d'importants risques, tout en étant contraint de continuer à aller en mission pour faire vivre la résistance et son esprit. Si vous ne le faites pas, le moral de vos troupes tombera au plus bas et la cellule finira par se désagréger, vous plaçant en situation de défaite.
Rassurez-vous car vous disposez d'un inventaire et d'objets utiles qui vous permettront de diminuer les risques de vous faire arrêter par les nazis. Par exemple, si vous équipez la bicyclette ou bien que vous disposez de quoi payer un pot de vin, vous augmenterez vos chances d'échapper à un contrôle qui tournerait mal.
Néanmoins, à l'inverse de WARSAW ou de This War of Mine, tous deux précédemment évoqués, vous ne « jouerez » pas ici la mission et les résultats de cette dernière seront simulés.
En dehors des phases de mission, vous aurez accès à des scènes de vie qu'il vous sera proposé de vivre via une narration très subtile. Vous serez alors confronté à une situation et vous aurez plusieurs choix de réponses à y apporter. Par exemple, un couple d'amis que vous fréquentez à l'Eglise devient soudainement fanatiquement favorable aux actions du NSDAP... comment allez vous réagir face à ce revirement ?
Si ces moments de gameplay n'ont pas de forte incidence sur votre réseau, ils n'en restent pas moins très intéressants et contribuent également à retranscrire avec pertinence l'état d'esprit de la société allemande à cette époque.
Quelques limites venant contraster le tout
Vous l'aurez donc compris, Through the Darkest of Times est un jeu dans l'ensemble réussi. Toujours juste et pertinent, il s'appuie sur des mécaniques basiques, mais maitrisées, pour nous délivrer son propos. Néanmoins, et c'est là le principal défaut que l'on peut lui porter, il dispose d'une rejouabilité limitée et il s'avèrera assez vite répétitif et redondant dans son gameplay.
Plus le jeu avancera, plus vous devrez faire face à des risques importants, la vigilance des nazis augmentant avec le temps. Toutefois, une fois cette épée de Damoclès prise en compte, le joueur constatera assez vite qu'il a fait le tour du sujet, alternant entre missions et scènes de vies, tout en gérant le développement de sa cellule en parallèle et en évitant de voir ses membres se faire arrêter par les nazis.
Il reste malgré tout très intéressant de mener l'aventure à son terme afin de découvrir tout ce que le jeu a à nous proposer, d'autant plus que lorsque les Allemands nous racontent eux-mêmes leur propre histoire, c'est en général très instructif.
Je ne saurais donc que trop vous recommander de vous lancer dans cette résistance clandestine, surtout pour la somme modique de 14,99€ qui constitue un rapport qualité-prix plus qu'honnête vis-à-vis de la qualité du jeu.
Through the Darkest of Times
Un bel hommage
- +Une présentation juste et pertinente de la société allemande en 1933
- +Une thématique relativement méconnue et bien mise en valeur par un gameplay intuitif et accessible
- +Une direction artistique magnifique
- +Des voix allemandes et des sous titres français
- +Un petit prix
- -Un gameplay assez vite redondant et limité
- -Une rejouabilité à l'intérêt relativement faible
- -Quelques aspects gadgets
Graphismes
Difficile de noter les graphismes du jeu, mais la patte artistique est des plus réussies et la gamme des couleurs utilisées contribue à renforcer notre immersion dans cette Allemagne opprimée par le nazisme.
Technique
Aucun bug et le jeu est très fluide, bien qu’assez basique dans son gameplay.
Jouabilité
Through the Darkest of Times est simple et intuitif à prendre en main afin de plonger au plus vite le joueur dans la gestion de sa cellule de résistance.
Durée de vie
C’est là où le bas blesse. Le jeu se termine relativement rapidement et il n’est que peu rejouable. Ajoutez à cela des répétitions dans le gameplay...
Ambiance
On est plongé avec justesse et pertinence dans le Berlin de 1933 où l’on sent progressivement le pays basculer dans la folie et le totalitarisme. Brillant.
Scénario
Les différentes missions, ainsi que les morceaux de vie sont très bien rédigées et présentées. Ils permettent une immersion totale et pertinente dans l’Allemagne de 1933.
- Zog Chroniqueur, Historien, Testeur, Youtubeur
- « Une Europe fédérée est indispensable à la sécurité et à la paix du monde libre. » par Jean Monnet en 1952