Info sur le jeu |
PlateformePC Windows |
ÉditeurPQube |
DéveloppeurCrazy Goat Games |
Date de sortieJuin 2024 |
Republic of Pirates
Ah, enfin un jeu vidéo qui s'intéresse aux pirates ! Après la succession de titres récents qui alternèrent entre le moyen et le « bien mais pas top », Skull & Bones non compris car le terme de catastrophe industrielle ne rentre pas dans cette catégorie, peut-être que Republic of Pirates va se démarquer.
Tout d'abord, un cadre : la république des pirates, apparemment. Si si, vous vous souvenez, c'est cette expérience de simili-zadistes de la flibuste qui aboutit au début du XVIIIe siècle à l'établissement d'un proto-état quelque part dans les Bahamas, peuplé de tout ce que le coin pouvait rassembler de boit-sans-soif et de rats des mers.
Dans le sillage de la guerre de Succession d'Espagne, le coin était particulièrement mal famé, entre les flottes de guerre européennes, les marchands, les pirates, les renégats et les corsaires de tout poil qui reprenaient la piraterie en règle quand ça les arrangeait. Des centaines de flibustiers s'agglutinèrent dans le coin et vivotèrent avec les moyens du bord sous la direction des capitaines Hornigold, Jennings et Teach « Barbe-Noire » pendant douze ans, jusqu'à ce que le roi d'Angleterre Georges Ier décide de mettre fin à cette comédie en accordant un pardon officiel à ceux décidés à se ranger définitivement, et le gibet pour les autres.
L'affaire est évidemment entrée dans la culture populaire et servit de toile de fond à Assassin's Creed : Black Flag ou bien à la série Black Sails. Eh bien, Republic of Pirates ne va pas plus loin que ça : votre aventure commence juste après l'écrasement de ladite république. On ne sait pas trop comment ni pourquoi, mais l'expérience a visiblement raté, et votre père, lui-même capitaine pirate, a été trahi par plusieurs de ses collègues, ce qui est quand même renversant quand on parle d'individus pourtant capables de brader leur mère pour un fond de bouteille de rhum.
Il faut donc maintenant tout rebâtir de zéro sur un nouvel archipel. On commence par revendiquer une île, en y bâtissant un quai, une place de marché et quelques bicoques bricolées hâtivement pour loger nos premiers marins. Il va leur falloir du bois : bâtissons donc une scierie, puis un entrepôt. Puis un quai de poissonniers pour aller pêcher ; et il leur faudra aussi picoler. Il faut donc construire un champ de cannes à sucre, une distillerie, une taverne, un bordel… bref, vous connaissez la chanson, et si ça vous rappelle furieusement quelque chose, sachez que c'est normal, car vous avez déjà construit des dizaines de villes similaires dans n'importe quel épisode d'Anno.
On en retrouve donc ici le fond et la forme, dans les moindres aspects. Chaque niveau de population (travailleurs, journaliers, façonniers, artisans) comprend ses catégories sociales, plus rémunératrices via les taxes mais aussi de plus en plus exigeantes, ce qui nécessitera la construction de chaînes d'approvisionnement toujours plus complexes : d'abord la proximité d'un marché, du poisson pour manger et de la corde (ne me demandez pas en quoi c'est plus indispensable que d'avoir des vêtements, je n'en sais rien), puis de la viande, des bougies et des vêtements, puis l'aménagement d'une prison ; et le niveau suivant exigera du ragoût, des prothèses et des remèdes… bref, vous voyez le tableau.
L'équilibre économique étant difficile à trouver et le commerce franchement rare en-dehors des quelques offres occasionnelles de vos partenaires gérés par l'IA, il faut entretenir une population toujours plus importante sur chacune de vos îles pour avoir un solde positif, tout en maintenant une certaine part de la population dans chaque catégorie pour que tous les emplois soient occupés.
Bon. D'accord. C'est du déjà vu, mais d'accord : on suppose donc que toute la subtilité de la construction et de la gestion de son petit royaume pirate reposera sur l'impossibilité d'avoir toutes les ressources au même endroit, et donc de devoir établir des lignes logistiques entre les îles ?
Eh bien non. Allez savoir pourquoi, mais contrairement à l'illustre modèle qu'il s'acharne à recopier au millimètre, Republic of Pirates mutualise toutes les ressources produites, dans toute la carte. C'est-à-dire que votre île principale, qui pour une raison aléatoire est incapable de faire pousser des patates douces mais peut produire du coton avec un bonus de 250%, va entasser dans vos entrepôts 50 tonnes de patates au bout de quelques minutes, patates qui seront donc disponibles à l'autre bout de l'archipel, sans besoin de les y amener pour la traditionnelle raclette pirate du dimanche. Difficile de se prononcer : certains y verront une simplification bienvenue des mécaniques de gameplay d'Anno, d'autres pourront dire que ce dernier est ainsi vidé d'une partie de sa substance. Peut-être les deux en fin de compte ; d'autant que les bateaux ne jouant par conséquent strictement aucun rôle dans le transport des marchandises, ils n'en jouent pas non plus pour ce qui est de faire du commerce. Vous pouvez bien répondre à une requête commerciale d'une faction extérieure (compagnies britanniques, françaises, espagnoles, négociants libres), mais la marchandise qu'ils tenteront de vous extorquer à vil prix sera choisie de manière totalement aléatoire et surtout pas en adéquation avec les quantités que vous avez besoin d'acheter ou de vendre.
En l'absence de système commercial digne de ce nom ou d'un besoin réel de lignes de transports entre les îles, on se demande quel est l'intérêt, du coup, de situer l'action de Republic of Pirates sur un archipel ? La gestion en devient particulièrement facilitée, en se résumant à construire le maximum de bâtiments de production là où les bonus sont les plus intéressants, ces derniers se chargeant ensuite d'approvisionner toute votre population par magie.
Reste qu'il y a bien du trafic maritime dans Republic of Pirates. C'est beaucoup dire qu'il est agréable à regarder tant les navires semblent constitués de carton amidonnés -et tous vides du moindre équipage- surfant sur une mer où l'on remarque très vite l'usage répété de l'outil de texture. Mais les Caraïbes y sont parcourues en permanence de navires des différentes factions, qu'il s'agisse des trois pirates constituant vos rivaux, des négociants ou des puissances européennes, qu'il vaut mieux ne pas frôler de trop près, car leurs trois-ponts ont tendance à émietter les vôtres en quelques instants. La destruction d'un navire pirate contentant à peu près tout le monde, il n'est pas difficile de s'attirer les faveurs des puissances européennes en positionnant une petite escadre sur une route maritime, qui se mettra a couler le moindre sloop pirate jusqu'à la dernière chaloupe, et ce même en l'absence d'ordres de patrouille ou de prise de position, qui eussent été bien pratiques comme dans n'importe quel STR.
Les navires coulés rapportent des points diplomatiques, quelques maigres ressources et des doublons qui s'ajouteront à votre trésorerie. Pas de quoi renflouer une situation économique désespérée, mais toujours utile en début de partie. C'est ce qui constituera le quart, voire le tiers du jeu dans Republic of Pirates : une fois vos îles lancées, vous allez devoir aller d'îles en îles avec votre escadre de bateaux (vous pouvez en construire de six types différents) pour courir après telle ou telle flottille pirate qui s'est mise en tête de ravager vos côtes, vos défenses finissant toujours plus ou moins par céder.
Malgré ce manque de profondeur et un rythme vite répétitif, Republic of Pirates n'en devient pourtant pas déplaisant pour autant. Même si Crazy Goat Games n'a visiblement pas pu développer son titre sur un moteur graphique aussi performant que les derniers Anno, le tout reste agréable à l'œil et pas dénué d'intérêt, agrippant le joueur dans la boucle de gameplay de l'expansion économique permanente , et de la construction de nouveaux quartiers. Ça fonctionne, on ne peut pas le nier. Mais il manque quelque chose à tout ça, un peu plus de profondeur et d'âme que la succession de quêtes soporifiques à base de « produit tant de ressources et va les apporter à machin pour qu'il te donne le contact d'un vieil alcoolique unijambiste sur l'autre île » n'arrive à le faire. Pour le dire autrement : oui, j'aime beaucoup jouer à Anno chez les pirates… mais il manque quelque chose qui mette en valeur l'histoire de cette république des pirates. Même si la vraie fut aussi brève que chaotique, il aurait été possible d'extrapoler un peu et de mettre en place un système diplomatique singeant un gouvernement de flibustiers, avec des accords et des lois appliquées moyennant bonus et malus.
En dehors d'un modeste système de personnalisation de vos navires (appliquer une texture de voile ou de coque différente) et d'assigner à ces derniers des capitaines dont le nombre est limité, on cherche ce qui permet à Republic of Pirates de se démarquer réellement de sa concurrence en l'absence de phase d'abordage, de système politique ou commercial digne de ce nom. Il devient rapidement plus intéressant de renier la piraterie - un comble pour un jeu nommé Republic of Pirates - et d'exterminer à vue tous les porteurs de pavillon noir, pour prévenir leurs attaques et s'accorder les bonnes grâces des factions européennes, qui auront en plus le bon goût de vous envoyer des escadres entières pour défendre vos ports quand votre flotte n'y suffira pas. Au moins les développeurs ont l'air de s'efforcer à peaufiner leur titre, car ils ont récemment publié une feuille de route et patchent peu à peu le jeu pour en améliorer les raccourcis, l'interface et rectifier certaines erreurs.
Republic of Pirates
Mais on n'a plus de rhum !
- +Gameplay bien rodé, même s'il est intégralement repompé ailleurs
- +Un petit système de personnalisation de bateaux
- +Quelques simplifications de gameplay par rapport à Anno, qu'on appréciera ou pas
- -Aucune interaction commerciale des îles entre elles
- -Interface utilisateur a revoir
- -Quêtes peu intéressantes
- -Malus de production arbitraires sur les îles
Graphismes
Exception faite des magnifiques dessins de conception qui sont eux aussi dans le plus pur style d'Anno 1800, RoP ne casse pas franchement des briques question graphisme si on le scrute d'un peu trop près, avec des textures visibles, des bateaux artificiels et des rues manquant un peu de vie. Il reste suffisamment agréable à regarder néanmoins.
Technique
Le jeu est stable et peu gourmand, et suffisamment convaincant lorsqu'on survole ses îles.
Jouabilité
Espérons que ces défauts de jeunesse seront rapidement patchés, mais RoP gaffe par une interface peu claire par moment en mélangeant des bâtiments, et en omettant d'introduire des commandes plus efficaces pour ses navires.
Durée de vie
Comme tous les jeux de son genre, elle est relativement élevée, en se mesurant en dizaines d'heures, qui ne seront pas foncièrement désagréables.
Ambiance
Une république des pirates ? Franchement, on se demande en quoi ; l'absence de système politique et la diplomatie réduite à sa plus simple expression étant tout ce qui peut vous y amener. La piraterie ne pousse pas plus loin, en se limitant à des combats de bateaux très basiques là aussi.
Scénario
En faisant démarrer son action visiblement APRÈS la fin de la république des pirates, le jeu se prive de tout ce qui aurait pu faire son sel. Votre personnage, éternel anonyme, passe son temps à courir après des contacts de contacts qui connaissent un type qui connaît un autre type, pour en fin de compte se venger de quelques ex-capitaines de l'anciennes république qui ont expédié votre père à la potence.
- Cernunnos Testeur, Rédacteur
- "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach