Info sur le jeu |
PlateformePC Windows |
ÉditeurTHQ Nordic |
DéveloppeurLogic Artists |
Date de sortieJanvier 2022 |
Expeditions : Rome
Il paraît que tous les chemins mènent à Rome. Bon nombre de jeux vidéo aussi, et notez bien que ce n'est pas moi qui m'en plaindrait, car rien n'est aussi beau que de voir un manipule de légionnaire former la tortue ou défiler en triomphe jusqu'à la colline du Palatin.
C'est aussi le chemin que le troisième Expeditions a décidé de prendre. Après Conquistador et ses aventures américaines, et Vikings il y a cinq ans, cette fois nous remontons le temps jusqu'à l'Antiquité. Les Danois de Logic Artists ont décidé de prendre le cadre enchanteur de la Méditerranée pour trame de fond, mais pas n'importe quand. Car d'après ce que m'expliquent mes compagnons de voyage sur le pont de cette galère qui file vers l'Asie Mineure, le perfide roi Mithridate VI continue de briser les globulos de Rome, ne respecte pas les accords passés, et s'évertue à retourner contre nous autant de peuples qu'il lui est possible de persuader.
Il faut croire que les échecs précédents ne lui ont pas suffi : au début du Ier siècle avant notre ère, l'Asie mineure est effectivement déchirée de conflits d'influence entre le Pont, royaume indépendant du nord qui s'est difficilement émancipé de la vieille tutelle séleucide, et Rome, la jeune cité qui monte malgré le silence des médias, et qui repousse sans cesse les frontières des terres qu'elle entend dominer, par l'influence, le clientélisme ou la conquête pure et simple.
Depuis 88 avant J.-C., Mithridate VI a entrepris d'attaquer la Grèce et d'en mettre les Romains à la porte, notamment en jouant habilement sur l'exaspération des provinces orientales face à l'impôt romain et son administration. Après plusieurs campagnes et une défaite face à l'intervention musclée du consul Sylla, il signe une trêve, mais la viole une nouvelle fois en 74 avant J.-C., et écrase le consul romain Cotta à la bataille de Chalcédoine.
Et comme il n'est pas question d'en rester là, par Jupiter, Rome expédie de nouvelles légions en Asie, avec l'intention de régler le problème définitivement. C'est précisément à ce moment-là de l'histoire que le héros –ou l'héroïne- du jeu se retrouve à bord de cette galère à destination du front, galère qui est d'ailleurs abordée par une bande de pirates.
Expeditions : Rome a l'immédiate qualité de nous entraîner très vite dans son histoire, grâce à une qualité d'écriture remarquable. Certes, comme me rappelle mon patrone (le consul Lucullus, commandant des forces romaines en Asie), je me suis retrouvé à la guerre pour, paradoxalement, rester en vie. Car, pendant que les légions combattent, les serpents de la politique continuent de tisser leur toile à Rome, et mon propre père a été assassiné par un sénateur rival, ce qui a obligé ma famille à se disperser et s'exiler. Mais avant de faire justice à sa cause, il va d'abord falloir remporter la guerre.
À la tête de la petite troupe que chaque épisode de la série nous confie, il va s'agir de crapahuter d'un bout à l'autre de l'Asie mineure et plus loin encore, afin de vaincre par tous les moyens. Comment pourrait-on remporter la victoire contre le perfide Mithridate, qui mène plus de 300 000 hommes ? Impossible n'est pas romain, pourtant, et avec mes prétoriens, je peux relever n'importe quel défi. Au choix, le jeu permet de s'entourer de lourds princeps, redoutables légionnaires à l'épais bouclier qui permet avantageusement de dévier les coups ; de triarus, lanciers qui peuvent frapper par-dessus l'épaule de leurs compagnons, de sagittarius, les archers qui frappent de loin, repèrent l'ennemi et peuvent éliminer les ennemis retranchés, ou encore les veles, combattants plus légers qui ne s'embarrassent pas de boucliers, mais sont rapides et mortels pour attaquer sur les flancs.
Autant vous dire que de voir les efforts que déploie Expeditions : Rome pour être pointilleux sur les détails, respecter soigneusement les uniformes d'époque, utiliser du vocabulaire latin et suivre la trame historique, il y a de quoi avoir des gazouillis de bonheur dans le ventre.
Avec ces compagnons, on nous envoie alors tendre des embuscades à des convois de ravitaillement pontiques ou éliminer des brigands, afin de pacifier les régions conquises.
Ah oui, car il va falloir livrer bataille : le joueur va se retrouver rapidement catapulté à la tête de la légion Victrix, et recevoir l'ordre de reprendre un maximum de terrain à Mithridate. Bien sûr, pas question d'affrontements dantesques à la Total War, aussi il faut attaquer les avant-postes ennemis et les cités, et livrer bataille grâce à un astucieux système de commandants et de stratagèmes offrant divers bonus et conséquences lors de plusieurs phases de la mêlée, stratagèmes qu'on peut améliorer en en créant de nouveaux au camp. Ce superbe camp qui sert de hub central pendant toute l'aventure fourmille de détail et est bien sûr améliorables en vivant sur le pays et en s'emparant de certaines ressources. On peut ainsi enrichir sa légion d'une tente de speculatores qui renouvelleront les objets spéciaux comme les grenades incendiaires ou les lourds pilums qui permettront de briser les boucliers adverses.
On peut aménager de petits thermes qui relaxeront vos prétoriens stressés, car chaque personnage possède des caractéristiques bien précises et ne s'accommodera pas toujours de ses compagnons, et de vos décisions, selon que vous vous montriez plus ou moins clément, arrogant, conciliant, brutal ou malhonnête. Avec un atelier de forgeron, vous pourrez fondre le butin récolté sur les dépouilles des pontiques et fabriquer du nouveau matériel ; et cette infirmerie permettra de faire de la bobologie plus que bienvenue, car gare aux blessures non soignées : en ce Ier siècle avant notre ère, pas d'antibiotiques, et les afflictions peuvent rapidement mener un de vos combattants au cimetière.
Au fur et à mesure de la campagne, vos prétoriens grimpent en compétence et deviennent de plus en plus redoutables, chacun dans sa classe et dans la spécialité choisie. Et c'est heureux, car la difficulté d'Expeditions : Rome n'est pas à prendre à la légère, même si elle reste juste. Vous serez ainsi couramment submergé par le nombre et contraint d'adopter une formation défensive. Mais heureusement, tout ne peut pas se résoudre à coup de gladius dans le ventre ; l'aventure sera alors l'occasion de phase d'enquête et de recherche afin de résoudre certains conflits pacifiquement et forcer les puissances mineures de la région à faire défection à Mithridate, l'affaiblissant de plus en plus. Ainsi, on demandera à notre troupe d'aller délivrer un personnage important, d'espionner un camp ennemi, ou de détruire des documents permettant des renversements d'alliance. Le choix est également laissé au joueur de résoudre certaines épreuves diplomatiques en choisissant la bonne option de dialogue : ethos, logos et pathos, soit l'autorité, la logique et l'empathie, ce qui apportera une variation bienvenue.
Les heures filent comme les flèches, et la recette des précédents Expeditions fonctionne toujours aussi bien, prouvant que c'est dans les vieux chaudrons qu'on fait le meilleur garum. On se surprend à croiser les doigts anxieusement avant de résoudre certains tours ennemis où plusieurs alchimistes vous encerclent et embrasent tous vos personnages ; et l'on jubile lorsqu'une embuscade bien préparée terrasse par le poison vos adversaires. Bien que le décor ne soit que peu interactif et que les développeurs de Logic Artists soient un peu trop permissifs avec certains effets, comme le feu qui permet de brûler n'importe quoi et même de la pierre, bloquant ainsi des pans entiers de la carte lors des affrontements, ou les armes de jets qui ne peuvent pratiquement jamais rater leur cible, chaque combat est une épreuve que l'on remporte de haute lutte.
Toutefois, ces combats pourraient être plus ardus encore, si l'intelligence artificielle avait le réflexe de regrouper les adversaires avant de les faire se ruer sur vos troupes : il arrive parfois que vos ennemis n'arrivent qu'au compte-goutte, rendant leur élimination un peu trop facile ; mais que vous soyez ensuite submergé par le nombre et percé de javelots.
Le conflit contre Mithridate est long et connaît de nombreux rebondissements, et se trouve émaillé par les nombreux évènements aléatoires rencontrés tout au long du récit ; les changements d'alliances, échanges de personnages et quêtes secondaires, qui permettent à cet Expeditions de ne pas être une simple suite de combats à coup de lance et de scutum, qui serait alors trop fade, d'autant que la trame géopolitique est constamment doublée d'une autre, plus personnelle, qui se rappelle au joueur en permanence avec le complot qui vise notre famille. C'est presque dommage que le conflit et la conspiration aient une fin : j'aurais pris plaisir à arpenter cette Asie du Ier siècle avant notre ère pendant encore quelques heures. Et ça, c'est la marque d'un grand jeu.
Expeditions : Rome
Presque impérial
- +Système de combat au tour par tour très au point et équilibré
- +Récit prenant
- +Grande authenticité de l'univers
- +Le système de gestion de la légion et du camp
- +Le système d'artisanat
- -Bouclier un peu trop efficaces, archers trop précis...
- -Une VF incomplète par moments
- -Quelques rares bugs techniques
Direction artistique
Disons-le sans détours, Expeditions : Rome est beau. Vraiment très beau, sans être un triple A, et sa palette colorée convient très bien au cadre méditerranéen, et renforce agréablement l'ambiance et l'immersion.
Jouabilité
Excepté les rares erreurs d'équilibrage, le gameplay d'Expeditions est au point, ayant pu être peaufiné sur les deux titres précédents. On aurait quand même aimé que les boucliers ne soient pas aussi efficaces, pouvant parer presque tout ; tout comme les alchimistes pontiques qui peuvent vous balancer de trop nombreuses fioles de feu grégeois, incendiant la moitié de la carte.
Ambiance
C'est vraiment le souci du détail qui caractérise l'ambiance de cet Expeditions, et c'est un effort à saluer : sur les costumes, sur le vocabulaire latin, les fonctions, les noms, les informations, les usages militaires et même civils, tout est fait pour restituer une antiquité qu'on aimerait voir plus souvent aussi bien faite que celle-ci.
Technique
Fonctionnel, Expeditions : Rome a montré quelques bugs occasionnels, comme des personnages bloqués dans le décor ou des lignes de code visibles dans le texte de dialogues, mais cela reste très occasionnel, et probablement résolu avec un patch.
Durée de vie
Avec plusieurs dizaines d'heures au compteur en comptant les quêtes secondaires, le jeu vous occupera un bon moment et mérite largement son prix.
Scénario
Passionnant, le jeu suit de près le cours de la troisième et dernière guerre contre le rusé Mithridate VI en respectant la chaîne des évènements ; un conflit qui s'impose au premier plan devant la quête personnelle de vengeance du joueur, forcément mise de côté à certains moments, mais jamais oubliée.
- Cernunnos Testeur, Rédacteur
- "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach