Info sur le jeu |
PlateformePC Windows |
ÉditeurXbox Game Studios |
DéveloppeurOxide Games |
Date de sortieSeptembre 2024 |
Ara : History Untold
S'il y a bien une chose que j'envie aux divinités, c'est probablement cette capacité qu'ils doivent avoir à nous observer à la loupe comme nous le faisons devant des fourmis dans leur terrarium. C'est un peu ce qu'Ara : History Untold offre de faire pendant plusieurs milliers d'années d'histoire humaine, et sans l'implication de Peter Molyneux. Incroyable.
Il faut le dire : c'est le premier plaisir d'Ara : History Untold, que d'offrir à la vue du joueur une nature sauvage, indomptée, vierge de toute pollution aux microplastiques et de lignes électriques. Dans cette nature, je commence par envoyer promener mon éclaireur ; histoire qu'il m'avise des dangers et des opportunités qu'offrent les environs. Pendant ce temps, j'ai le temps de resituer les choses dans leur contexte : ce 4X est l'œuvre d'Oxide Games, studio à l'origine d'Ashes of the Singularity, un STR spatial plutôt pas mal sorti il y a huit ans, et fondé par des anciens... de Firaxis Games. Donc, enfonçons les portes ouvertes avec la délicatesse d'un hippopotame dans un magasin de cristal : oui, cela fait immédiatement penser à Civilization, c'est normal et, ai-je envie de dire, c'est plutôt assumé.
Une fois notre civilisation choisie entre 41 possibilités différentes, évidemment chacune avec ses doctrines, ses bonus spéciaux et son ou sa dirigeante (qu'on peut personnaliser avec deux skins alternatifs au premier), tout reste à faire. Catapulté au commencement des âges sur une carte générée aléatoirement, il faut se développer. Aucune date historique n'est donnée, mais nous sommes visiblement à la fin du Néolithique. Comme le fait son illustre modèle, Ara : History Untold me donne donc un éclaireur qui va reconnaître le terrain ; charge à moi de mettre en valeur mon territoire.
Dans Ara : History Untold, foin de cases hexagonales ou carrées : toute la carte est divisée en de grandes régions, qui s'articulent autour des côtes et au-delà de manière joliment organique. Chacune de ces régions peut accueillir une ville, et se divise elle-même en plusieurs zones, qui accueillent le cas échéant une ressource spéciale ou/et un prédateur… ou une tribu sauvage avec qui il faudra traiter ou combattre.
Le temps de choisir une technologie à rechercher, mettons par exemple la fermentation, car mon peuple aimerait certainement savoir stocker ses céréales... même si moi, je préfère apprendre à picoler des bières avant tout, en toute modération. Le temps de choisir donc, et voici déjà quelques zones qui accueillent maintenant une amélioration chacune. Ici, une ferme. Ici, des habitations permettant à ma ville de grandir. Et là, un camp de chasse ou de bûcherons.
Dans Ara : History Untold, tout tourne autour de quatre ressources : la nourriture, l'argent, le bois et les matériaux. Sachant que les pénuries de l'une ou l'autre ressources peuvent avoir des conséquences plus ou moins graves, il est alors de la première importance d'équilibrer les comptes en permanences en ne construisant pas n'importe quoi au hasard, car chaque bâtiment construit nécessite un entretien en or, en matériaux pour son fonctionnement ou en approvisionnement alimentaire.
À cette première couche, s'en ajoute une autre : les bâtiments constructibles vont apporter à votre cité deux choses : un bonus de production à la production globale de la ville et de son territoire - qui s'agrandit régulièrement en revendiquant de nouvelles régions limitrophes - en fonction de sa nature, ainsi que la possibilité de fabriquer un ou plusieurs objets spéciaux, appelés commodités.
Par exemple, construire une boutique de céramiques permet de buffer une première fois la production de la ville et de fabriquer des vases décoratifs ou des pots en céramiques. C'est la troisième couche : ces objets de commodités, particulièrement nombreux sachant qu'on trouve des dizaines de bâtiments différents et que chacun peut construire un ou plusieurs objets, servent soit de consommables pour produire des unités militaires ou construire d'importants monuments, soit de consommable utilisés par vos villes. La consommation d'un objet de parfum par exemple, apporte 15 points de bonheur supplémentaire à la ville pour dix tours.
Ces villes se basent sur cinq indicateurs : le bonheur, satisfaction générale du peuple indiquant un bonus ou un malus de production, la santé, permettant à la population de croître, la connaissance qui accélère la recherche scientifique, la sécurité qui renforce les armées issues de la ville, et la prospérité, qui permet de générer plus d'impôts. Ce jeu de bonus déblocables et s'interpénétrant entre eux en permanence pour développer toujours plus loin et plus vite son territoire s'appréhende plutôt bien, même si l'avalanche d'objets finit par être déconcertant tant il faut microgérer chaque bâtiment.
Ara : History Untold n'écrème pas sa liste avec le temps et les âges qui passent, générant une interminable liste de ressources et de produits dans laquelle on se perd assez facilement, comme quand il faut gérer la production de poudre à canon, prérequis indispensable à la formation de mousquetaires à partir de la Renaissance.
Car parfois, on ne peut pas tout régler par la voie diplomatique, même si Ara : History Untold propose comme son aîné les habituelles alliances, accords commerciaux, accords de recherche ou dénonciations. Il arrive que le meilleur moyen de régler les litiges frontaliers et de s'emparer de cette zone spéciale de vignes, soit de dévaster la moitié du continent et massacrer des villes à la chaîne.
Pour se dédier à cette saine activité, Ara : History Untold propose un système plus fin que dans les derniers Civilization : chaque unité militaire recrutée est conservée dans un ensemble de réserves, qui sont ensuite déployables n'importe où. Bien pensé, le système permet alors notamment de faire construire des trirèmes par des agglomérations loin à l'intérieur des terres, ou de ne pas arrêter en catastrophe la construction d'un monument pour recruter rapidement des troupes sur la même ville.
Avant d'être déployé, le jeu offre de former une grande unité militaire avec plusieurs d'entre elles ; comme une légion, une division ou un bataillon, sachant que la formation déterminera le nombre d'unités pouvant y prendre part et la tactique, les bonus qu'elle confèrera à telle ou telle unité. Une fois les armées engagées, il n'y a plus qu'à admirer le résultat, avec des cinématiques de bataille assez jolies mais dont on finira peut-être par passer rapidement au bout de 25 heures de partie.
Les siècles défilent ainsi avec tranquillité, et chaque partie permet de voir son territoire grandir petit à petit, en développant chaque terroir zone par zone, en défrichant la nature et en y renforçant l'emprise de chaque civilisation. Les empires se rencontrent, s'allient, se déchirent, parfois tout ça à la fois en peu de temps car l'intelligence artificielle est plutôt lunatique.
Tout cela est rythmé par des évènements aléatoires qui permettent de prendre des décisions occasionnelles. C'est alors que l'implacable couperet tombe : celui des actes. Les différentes époques se succèdent, mais elles se divisent en trois grands actes, au terme desquels, seules les civilisations ayant accumulé suffisamment de points de prestige sont conservées dans la partie.
Évidemment, ravager systématiquement les pays voisins est un bon moyen d'en accumuler, mais l'Histoire ne se résumant heureusement pas à une succession de carnages, il est aussi possible d'en accumuler en développant certaines technologies-clés, en réalisant des chefs-d'œuvre produits par les parangons que vous recrutez de temps en temps pour les assigner à des postes de ministres ou à la création artistique pure ; ou bien en construisant de puissants monuments démontrant le savoir-faire et la capacité de votre peuple à survivre.
Mais quand le décompte à rebours arrive à expiration, c'est alors un impitoyable jeu de chaises musicales : toutes les civilisations se situant en-dessous du seuil requis sont alors... éliminées d'office, leur peuple disparu, ses cités fondues en ruines. Dés lors, chaque partie se transforme en course contre la montre au développement militaire, culturel et économique, et plutôt tout cela à la fois.
Je peux adopter de nouvelles formes de gouvernement, fonder une religion et la renforcer avec de nouveaux dogmes périodiquement, piller des aménagements et fouiller des ruines antiques, explorer le monde : malgré l'ombre du géant dans lequel il marche et qui le condamne à reproduire son interface et ses grandes lignes, Ara : History Untold essaie de toutes ses forces de s'en démarquer et de reproduire cette sensation d'accomplissement unique aux 4X, lorsque l'on part de quelques huttes de paille au fond d'une savane pour parvenir à une superpuissance planétaire prête à se catapulter aux étoiles. Il y parvient, et c'est bien l'essentiel.
Ara : History Untold
Le goût des bonnes choses
- +La gestion du territoire en zones, innovante
- +Interface plutôt bien pensée et l'apprentissage est bien servi par les infobulles
- +Système d'empilement de bonus de ressources et de production assez intelligent
- -Relations diplomatiques rendues instables par l'IA faiblarde
- -Un peu trop de microgestion entre les ressources très -trop- nombreuses et les bâtiments
- -Volet militaire toujours un peu limité au niveau tactique
Direction artistique
Particulièrement ravissant, le Nitrous Engine est très agréable à regarder et incite à scruter ses villes et ses paysages en continu.
Technique
Le jeu est généralement fluide, bien qu'il ait tendance à faire un peu trop ronfler une configuration moyenne et que certains bugs de texte soient présents. Ces derniers pourront cependant être vite patchés.
Jouabilité
La patte des pères des Sid Meier's se voit indéniablement dans chaque aspect d'Ara, condamné par la force des choses à reprendre beaucoup de l'interface et de certaines mécaniques de Civilization. Mais Ara parvient à se démarquer avec des mécaniques originales, qui auraient pu gagner en clarté par moment en réduisant le nombre d'objets à fabriquer.
Durée de vie
Excellente comme tous les 4X du même style, elle se mesure en plusieurs dizaines d'heures de jeu, avec une excellente rejouabilité.
Ambiance
Pourtant bien pensé, le système de zone incite à développer au cas par cas ses régions, transformant votre territoire en une énorme zone périurbaine relativement dispersée plutôt qu'en un véritable pays composé d'agglomérations distinctes. Ce genre de petits couacs n'empêche cependant pas de se plonger dans le titre.
Scénario
Absent par le caractère aléatoire de chaque partie, le scénario ne se pose pas vraiment pour Ara. Reste qu'il est toujours aussi agréable de planifier des rencontres agréables entre civilisations qui ne se sont jamais connues.
- Cernunnos Testeur, Rédacteur
- "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach