Info sur le jeu
PlateformePC Windows
ÉditeurXbox Game Studios
Développeur
  • Relic Entertainment
  • World's Edge
Date de sortieOctobre 2021

Age of Empires IV

Thématique
29 octobre
2021

L'heure est grave.

Je ne veux plus entendre une seule mouche voler.

Age of Empires IV ne se teste pas comme n'importe quel jeu de survie indé ou un énième battle-royale bas du front : on parle d'Age of Empires.

J'ai besoin de toute ma concentration. Age of Empires, c'est Age of Empires. Ce n'est pas un jeu, c'est un mythe. Non, je n'en fait pas des caisses.

Un forum, six villageois. Ça fait combien de temps que j'attends Age of Empires IV ? Seize ans. Seize longues années depuis Age of Empires III qui, n'en déplaise aux pignoufs qui l'ont conspué sans même y avoir touché, était très loin d'être mauvais.

Allez me construire un moulin, et ensuite abattez-moi ces chevreuils, là. Oui, donc, comme je disais, Age of Empires et moi, c'est pratiquement sexuel. C'est que beaucoup d'enfants d'hier et d'aujourd'hui ont grandi avec cette série. Et leurs propres enfants pourraient bien faire de même, maintenant que Microsoft s'est rappelé qu'ils avaient dans leurs cartons une licence phare de la stratégie d'il y a vingt ans. Un jeu codé par 27 personnes dans des bureaux aussi exigus que puant la clope, à l'époque de Warcraft II ou de Command & Conquer.

Age of Empires IVD'abord le gibier : c'est nourrissant, et ça évite de dépenser tout de suite du bois pour mettre des fermes en culture.

Deux maisons de plus pour continuer à produire des villageois, et magnez-vous d'installer un camp de bûcherons. Il y a intérêt à ce que ça soit un sans-faute. C'est dire si l'annonce du jeu avait soulevé des sourcils, parce que confier une suite aussi attendue à un studio qui s'était complètement gaufré avec Dawn of War III, leur dernier titre, c'était... audacieux.

Mais après tout, ce sont aussi les mêmes qui ont donné vie à Company of Heroes. Et d'ailleurs, tout à l'air d'être au rendez-vous, et le jeu me prend par les sentiments en me susurrant aux oreilles le thème original de la série. Quatre âges, quatre ressources à exploiter, je vois que les éléments sont là, pour mener chacune des huit civilisations à la victoire.

Tradition française oblige, la première que je m'emploie à réduire en cendres est celle de ces tristes individus qui font bouillir la viande avant de la manger : les archers longs britanniques sont aussi redoutables qu'avant. Toujours dévastateurs à distance, les arcs d'ifs sont maintenant améliorés avec les palis, des pieux de bois que les formations plantent devant eux afin de briser la charge de ma chevalerie, qui a stupidement chargé droit devant au lieu de la contourner.

Si Relic est allé fouiller dans les cartons pour chercher tout ce qui faisait le confort d'un Age of Empires, ils n'ont malheureusement pas oublié d'y coller une IA qui tousse du sang et qui se fait vite mener à la baguette, même si elle sait se montrer suffisamment relevée pour opposer un défi sérieux dans les niveaux les plus difficiles.

Age of Empires est toujours Age of Empires : on passe des âges comme auparavant, on s'enferme dans une forteresse imprenable, on court de ressources en ressources, on ramasse des reliques avec ce ding-ding-dong iconique et l'on lance des raids meurtriers sur les villageois de l'ennemi pour asphyxier son économie. Relic a fait les choses avec le plus grand soin pour proposer un gameplay très bien rodé et équilibré, empruntant aux dernières extensions d'Age of Empires III l'innovant système consistant à bâtir des mini-merveilles pour passer d'un âge à l'autre.

Age of Empires IVNe tentez pas d'y aller frontalement : d'autres ont essayé à Azincourt, ils ont eu des problèmes.

Pour celui ou celle qui sort d'une partie intense d'Age of Empires II, c'est du terrain connu, auquel on a ajouté bon nombre de petites améliorations, et servi avec un superbe moteur graphique qui s'épargne heureusement 99% des bugs graphiques alarmants constatés sur la version de test d'il y a quelques semaines.

Et c'est la première qualité d'Age of Empires IV, c'est de proposer un monde tout à fait cohérent. Les habitations s'entourent automatiquement de jardins et de chemins de circulation, les moutons paissent tranquillement ; nous pouvons désormais bâtir de véritables forteresses garnies de donjons, de tours et de chemins de rondes parcourus par des patrouilles de gardes, et mon dieu, que cette campagne est belle.

J'ai rarement vu dans un STR un paysage aussi agréable à regarder, aussi naturel, aussi organique, où les praires semblent plus vraies que natures et où les arbres paraissent vraiment pousser. C'est bucolique, même quand 150 cavaliers mongols surexcités passent par là en faisant trembler la terre et l'écran.

Age of Empires IV  Age of Empires IVJe ne sais pas si ça en a l'air, mais c'est presque reposant de bâtir son petit village médiéval. / Pas de quartier !

C'est donc dommage de n'avoir que quatre campagnes pour explorer tout cet environnement. D'abord l'histoire de la conquête normande de l'Angleterre, puis celle de la guerre de Cent Ans, avant d'aller vers l'est et de revivre la naissance de la Rus' et la déferlante mongole.

Plutôt bien menées même si certaines missions sont franchement courtes, là aussi Relic évite un écueil, celui de la répétitivité. Tenir contre un siège, en organiser un, faire des chevauchées dans la campagne pour affamer l'ennemi, livrer une bataille décisive ; il y a donc du choix.

Mais, je ne sais pas, il y a quelque chose qui ne tourne pas tout à fait rond là-dedans. C'est peut-être ces cinématiques qui sont systématiquement filmées en gros plan, ou bien à l'aide de drones, où se superposent des images contemporaines de ruines historiques et des halos fantomatiques dorés de batailles passées. Oui, madame la narratrice, l'histoire du siège d'Orléans en 1429 est passionnante, mais je vous avouerai que ça serait encore plus prenant si je ne voyais pas un embouteillage de voitures et de camions klaxonner au fond du plan.

Age of Empires IVTiens, je vois ma maison d'ici.

Parce que là, ça me sort de l'histoire plus qu'autre chose, et ô surprise, c'est pour l'Histoire qu'on joue à un Age of Empires. D'autant que ledit récit est franchement médiocrement écrit avec tout un tas de pléonasmes ronflants et de répétitions, et souffre d'un gros défaut de narration ; c'est qu'au lieu de suivre un personnage, ou tout au moins une aventure particulière, les campagnes d'Age of Empires IV sautent complètement du coq à l'âne de plusieurs décennies presque à chaque fois, pour couvrir deux siècles d'Histoire. Donc, oubliez l'agréable randonnée à travers bois, à la place, vous faites une pause-pipi tous les 100 kilomètres sur l'autoroute, en ne s'arrêtant que pour entendre le récit d'une bataille avant de passer au chapitre suivant. Impossible donc de s'attacher à des personnages historiques qui deviennent donc particulièrement distants, et qui de toutes façons sont totalement muets.

Quatre campagnes, c'est donc très peu, d'autant qu'elles ont le défaut de faire s'affronter deux fois les mêmes civilisations, à de très rares exceptions près : Anglais contre Français, Français contre Anglais, puis Russes contre Mongols et enfin Mongols contre Russes ; créant une redondance dont le jeu n'avait vraiment pas besoin.

En l'absence d'autres campagnes ou même de batailles historiques, il faudra se rabattre sur l'escarmouche contre cette IA toujours incapable de construire une ville cohérente ou des fortifications, ou sur le multijoueur, pour découvrir les autres civilisations.

Elles ne sont que huit, mais toutes différentes, j'te jure ! Claironnait Microsoft en me vendant son jeu. Alors, quid ? Eh bien, la réponse n'est pas aisée. Oui, c'est vrai, elles sont notablement différentes, beaucoup plus qu'au temps d'Age of Empires II. Chacune a sa spécialité, comme la cavalerie lourde française ou les éléphants de guerre indiens. Les Chinois doivent passer de dynastie en dynastie, utiliser des fonctionnaires impériaux pour ramasser l'or généré par tous les bâtiments de production, construisent des villages qui confèrent 40 de population d'un coup.

Age of Empires IVLes Abbassides progressent en ajoutant des ailes à leur Palais de la Sagesse.

Les Mongols ne s'embêtent pas avec ce concept ringard de limite de population, avec des campements intégralement démontables et de terribles cavaliers qui génèrent des ressources en pillant tout leur soûl (bon courage pour les affronter en multijoueur). Les Russes ont de meilleures palissades, obtiennent des primes en chassant les animaux sauvages qu'ils dépècent dans des cabanes de chasses qui génèrent de l'or près des forêts.

Et ainsi de suite : oui, chaque civilisation d'Age of Empires IV est unique, beaucoup plus qu'auparavant. Mais est-ce qu'elles le sont suffisamment pour justifier qu'il n'y en ait que huit ? Eh bien, c'est à vous de juger en jouant, mais personnellement, la comparaison avec les treize civilisations de départ d'Age of Empires II m'a quand même fait souffler du nez.

Age of Empires IVPour barrer une route, rien de mieux qu'un donjon.

Ça m'agace de reprocher un manque de contenu aussi flagrant à un jeu qui prend la suite d'une Definitive Edition qui était presque à l'extrême inverse. Et puis, il faut quand même avouer que la sauce prend. Les biomes conçus par Relic varient agréablement chaque carte et chaque partie. Bâtir sa forteresse et sa cité sont bien plus plaisants qu'avant, et il est plus que bienvenu de pouvoir commercer avec des marchés neutres sur chaque carte, de camoufler ses unités dans la forêt pour des embuscades mortelles, ou de capturer ici et là des lieux saints dont le contrôle donne un revenu d'or régulier, car rappelez-vous les fins de partie d'Age of Empires II où le manque d'or obligeait chaque belligérant à se finir à coup de hallebardiers et de tirailleurs.

Ah, mais je n'ai pas parlé des mécaniques de sièges, elles aussi agréablement repensées. Foin de l'atelier de siège (enfin, si, vous avez tout de même un arsenal, mais qui sert plutôt d'université militaire), car dorénavant c'est la troupe qui assemble des béliers et des tours de siège avant de les lancer à l'attaque des murailles ; murailles qui s'effondrent naturellement et créent des brèches difficiles à combler.

Age of Empires IV  Age of Empires IVImpossible de rebâtir les murs tant que le combat fait rage, prenez-en note. / Les éléphants sont toujours aussi efficaces.

Chaque assaut devient enivrant, surtout en entendant sa horde brailler à plein poumons en chargeant. Les bâtiments prennent feu, assurant leur destruction au-delà d'un certain seuil. J'ai aimé piétiner cette bourgade teutonne sous les pieds de mes éléphants indiens.

Suffisamment pour relancer chaque jour Age of Empires IV avec un intérêt renouvelé, malgré ces animations pas folichonnes ou ces erreurs de pathfinding. Je me suis finalement rendu compte qu'il a su se faire suffisamment addictif pour être relancé avec intérêt, et suffisamment bien réalisé pour que l'on prenne du temps à construire sa base « pour que ça soit joli ». On pourra lui reprocher un manque d'automatisation de certaines actions, ou l'inexplicable absence de mode de fonctionnement pour ses unités (agressif, passif, défensif, etc.), faisant évoluer le STR avec son temps, mais est-ce que c'est ce qu'on demandait à Age of Empires IV ? Moi non, mais peut-être que vous, oui.

Maintenant, reste le problème, ou plutôt LES problèmes, de finitions et de manque de contenus. Oui, bientôt l'ouverture aux mods apportera un peu plus de contenus, et Microsoft a prouvé avec les Definitive Editions du II et du III que de nouveaux DLC gratuits et payants ajoutaient des missions, des modes de jeux et des campagnes. On aura le droit de dire que tout ça peut être réglé avec le suivi à long terme du jeu, une voie que l'éditeur et les développeurs se sont déjà engagés à suivre, mais parlant d'Age of Empires, on ne devrait pas avoir à faire ce pari-là.

7.0
Age of Empires IV

Le retour de la vengeance, ou presque
Est-ce que je suis déçu ? Non. Suis-je comblé, alors ? Non plus. C'est à vous de voir, mais ce STR-à-papas coche toutes les cases de ce que l'on attendait de lui, entre modernité et tradition, et c'est bien la première fois que l'on utilise cette expression là où elle est véritablement pertinente. Les fans de la première heure seront à l'aise, ceux qui veulent s'y mettre dès aujourd'hui le seront aussi. Reste un manque de finition évident et un contenu correct mais franchement radin pour un titre qui ne devrait pas avoir à se faire ce genre de reproche. Maintenant, il faut voir quel suivi Relic va assurer à son bébé, car tout repose là-dessus.
Intérêt historique :Même si on aurait aimé en voir plus, Age of Empires IV est toujours au rendez-vous sur ce point et même si elles sont mal racontées, ses histoires permettent de se replonger dans un Moyen-âge qui prouve que malgré la colossale quantité d'histoires déjà racontées par Age of Empires II, cette période n'a pas dit son dernier mot.
  • +C'est beau, magnifiquement beau
  • +Civilisations bien différenciées
  • +Très immersif et ergonomique
  • +Les sièges bien repensés
  • +Bonne variété de gameplay
  • -Narration des campagnes à la rue
  • -Seulement quatre campagnes et deux modes de jeu IA, c'est trop peu, surtout pour le prix.
  • -Quelques options manquantes
  • -Problèmes de pathfinding et de rares bugs graphiques, mais rien d'alarmant
9
Direction artistique

Le superbe moteur d'Age of Empires IV fait parfaitement bien son office et ses paysages sont criants de vérités. Les artistes ont su trouver un équilibre en utilisant des couleurs suffisamment appuyées pour différencier ses unités, sans que l'ensemble ne soit trop cartoon.

8
Technique

Aucun plantage n'a été constaté au cours de la version testée. La version présentée aux joueurs lors du « stress test » d'il y a quelques semaines étaient constellés de bugs graphiques, de clipping et autres saletés, heureusement quasiment absentes ici. Et le jeu tourne très bien, même sur une configuration vieillissante.

7
Jouabilité

Suffisante mais incomplète, on trouvera difficilement des excuses à l'absence d'automatisation de certaines tâches ou de modes de comportement pour ses unités. Être un vétéran de la série aidera grandement à prendre le jeu en main, cependant, pour avoir les bons réflexes.

5
Durée de vie

Vous l'aurez compris, c'est LE défaut du titre. En tout cas à la sortie. Un seul mode de jeu IA (avec trois conditions de victoires différentes) et quatre campagnes de huit à dix scénarios, c'est trop peu, même avec des civilisations bien différentes. Le studio a grand intérêt à apporter du contenu à tout ça, et vite.

9
Ambiance

Il m'est arrivé, en jouant à Warcraft III, de lancer des parties sans adversaire IA, juste pour le simple plaisir bucolique de bâtir un petit village dans la campagne et de le faire grandir en une cité prospère. Age of Empires IV a su me redonner exactement la même envie, avec une foule de détails qui rendent l'ambiance excellente en jeu.

8
Scénario

Le choix des sujets des quatre campagnes est décidément étrange, participant à un effet de redondance qu'on aurait aimé s'épargner. Mais même si elles sont plus ou moins correctement écrites, les histoires de la Horde ou de la conquête normande sont prenantes.


  • Cernunnos Testeur, Rédacteur
  • "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach