Interview avec Zoran Stanic, créateur du studio Maxim Games, concernant Klotzen! Panzer Battles
Créateur du studio Maxim Games, Zoran Stanic développe actuellement Klotzen! Panzer Battles, un wargame à l’ancienne qui s’inspire entre autre du vieux Panzer General datant de 1994.
Dans un segment où la concurrence se veut parfois rude, il nous explique la vision qu’il se fait de son jeu et en quoi il vaut la peine d’être joué. Entretien avec ce passionné qui ne lésine pas sur les détails dans ses réponses.
1. Bonjour Zoran et merci pour cette interview. La première question n’est clairement pas la plus difficile : peux-tu te présenter toi et le jeu Klotzen ?
Bonjour, mon nom est Zoran Stanic, directeur de Maxim Games. Nous sommes un studio basé à Zagreb mais nous travaillons tous à distance et la plupart du temps en durée partielle. De ce fait, l’équipe change souvent. Klotzen, j’en ai eu l’idée à la base, elle est faite de mon désespoir principalement (rires) !
En fait j’ai tellement joué à Panzer General que je connaissais la plupart des cartes par cœur et que je voulais du coup désespérément un jeu avec un gameplay similaire, mais davantage de scénarios différents, ainsi que quelques changements dans le gameplay. L’idée est de créer quelque chose d’amusant et de stimulant, mais avec de nombreuses options et stratégies différentes pour que chaque partie soit une expérience nouvelle. Nous avons donc fait un jeu doté d’une bonne rejouabilité dans son esprit.
2. Depuis quand développez-vous ce jeu ? Avez-vous plusieurs sources d’inspirations ?
J’ai retrouvé un vieux projet que j’avais fait en 2009 en utilisant C# et XNA avec des icônes de tanks... donc l’idée est assez ancienne. Mais je n’ai réuni une équipe qu’à la fin de l’année 2015. Klotzen est surtout le fruit de mes réflexions pour trouver une façon de rapprocher Panzer General de la façon dont la Seconde Guerre mondiale s’est vraiment déroulée. Panzer General en est donc la plus grosse influence, et de loin. Unity of Command en est une autre, avec son intelligence artificielle à la pointe de la technologie, capable de capturer l’essence même des fantastiques batailles de manœuvres du second conflit mondial.
3. Quelles nouvelles fonctionnalités allez-vous amener dans le genre du wargame avec Klotzen ? Quelles sont vos ambitions et qu’est-ce-qui pourrait concrètement attirer les joueurs fans de jeux de stratégie vers votre titre ? Tentez-vous de vous différencier de la concurrence ?
L’idée derrière Klotzen, c’est d’avoir des mécaniques de combats accessibles et de les additionner avec des systèmes plus complexes qui se rapprochent des dynamiques réelles de la Seconde Guerre mondiale. Quand j’ai commencé à m’intéresser en détails au déroulement du second conflit mondial, j’ai été surpris de voir combien de mécaniques importantes de ce conflit étaient ignorées et mises de côté dans plusieurs wargames existants.
L’idée de Klotzen est donc née de cela. Par exemple, l’idée derrière la Blitzkrieg, c’est d’atteindre le plus rapidement possible et avec le moins de pertes humaines les buts de guerres afin de ne pas s’enliser comme lors de la Grande Guerre dans des carnages coûteux en vies humaines. En gros, détruire l’organisation et le ravitaillement de l’ennemi sans forcément, ni nécessairement le détruire entièrement. Dans Klotzen, nous allons donc introduire un système développé de logistique basée sur le ravitaillement de villes via le réseau ferré. Les unités au combat perdent rapidement leur ravitaillement et il faudra donc s’assurer de l’existence d’une chaine de logistique viable afin de maintenir l’efficacité de ses unités. Il sera par ailleurs possible de détruire les lignes de ravitaillement de l’ennemi via des attaques avec vos unités terrestres ou des bombardements stratégiques avec votre aviation sur les rails ou sur les villes. Il sera donc très difficile de défendre partout à la fois.
Mais la chasse de l’adversaire couvrira les airs. Ainsi, il faudra faire un choix entre attaquer un grand nombre de villes et de lignes de ravitaillement sans escortes ou alors se concentrer sur quelques cibles précises en offrant de la protection à vos bombardiers. Cela me fait penser à vous parler d’une autre mécanique implémentée dans le jeu qui est celle de l’interdiction aérienne. Si les avions ennemis survolent vos unités terrestres, le fait de déplacer vos unités terrestres provoquera une attaque et les avions auront alors un énorme bonus d’attaque si vos unités sont surprises en terrain découvert. Au final, les avions ne seront pas très efficaces contre les unités enterrées, mais ils pourront quand même paralyser des armées ennemies, les contraignant à laisser l’initiative au camp qui dispose de la suprématie aérienne.
Il sera par ailleurs possible de bombarder les aérodromes ennemis afin de prendre la suprématie aérienne par surprise. Cela a également été très utilisé durant la Seconde Guerre mondiale et c’est l’une des mécaniques dont j’ai l’impression qu’elle n’était pas utilisée jusqu’alors dans les jeux du genre. Tous ces éléments combinés devraient avoir pour effet de vous rapprocher de la bataille via son déroulement global et continu, et de vous faire ressentir ce qu’elle était réellement. La puissance aérienne offre ainsi de nouvelles options pour remporter le scénario en cours.
Au niveau de la campagne, nous avons énormément d’évènements qui feront bouger les choses dans différentes directions. Par exemple, il existe une chance que la France attaque la ligne Siegfried alors que les troupes allemandes sont occupées en Pologne. Je dois admettre que j’ai augmenté les chances que cela se produisent de 0 à 30%, juste parce que je trouve personnellement ce cas de figure historique très intéressant, opposant une armée française très forte mais pas nécessairement organisée contre les garnisons de la ligne Siegfried soutenues par l’aviation allemande.
En bref, nous aurons des règles du jeu de base similaires au jeu Panzer General, mais avec une expérience beaucoup plus dynamique créée par une combinaison des deux camps qui luttent pour conserver leurs lignes de ravitaillement ouvertes tout en tentant de déranger celles de l’autre. Ajoutez à cela des attaques aériennes imprévisibles sur certaines villes, sur des aérodromes et sur des unités ainsi qu’une IA qui va agressivement contre-attaquer les objectifs... En outre, une réflexion importante a été menée concernant le degré de rejouabilité du titre, que nous voulons maximal, et je pense que les joueurs apprécieront.
Les scénarios commencent avec des conditions de départ variables. Il y a beaucoup de petites différences mineures qui peuvent parfois changer l’expérience de jeu du tout au tout. Par exemple, il y a des commandants d’unités et des généraux différents ayant chacun leurs compétences uniques… Nous allons bientôt faire une série de vidéos de gameplay visant à expliquer les différents systèmes. Donc si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à visiter notre site web et à vous abonner à la newsletter.
4. Vous appréciez énormément l’Histoire alternative. Comment créez-vous ces scénarios ? Quels types de sources avez-vous utilisé ? Pourquoi est-ce si amusant de jouer avec l’Histoire de la sorte ?
Je pense que l’Histoire alternative est ce pourquoi nous jouons à ces jeux. En apprenant des choses à propos de ces batailles, on se demande souvent ce qui se serait passé si l’Histoire avait pris une autre direction. Par exemple, l’histoire la plus folle que j’ai entendue concerne un escadron de bombardiers en piqué lors de la bataille de Midway. Ils étaient à court de carburant et ils ont repéré un destroyer isolé. Le commandant de l’escadrille a simplement supposé qu’il partait retrouver les porte-avions, alors au lieu de se replier, ils ont volé dans cette direction et sont tombés sur les porte-avions japonais. Ils en ont coulé trois au final. Alors comment se serait déroulé la guerre dans le Pacifique si le Japon avait eu ces porte-avions et ces pilotes ? Comment aurait tourné la bataille de Midway avec ces trois porte-avions supplémentaires du côté japonais ? Presque toutes les batailles ont des histoires similaires.
Je pensais avoir une bonne connaissance globale de la Seconde Guerre mondiale... jusqu’à ce que je commence à creuser plus en détail. J’ai été surpris du nombre de choses que je pensais savoir et sur lesquelles je me trompais totalement ou du nombre de choses importantes dont je n’étais pas nécessairement conscient. Je pense que nous voulons tous avoir des outils à disposition pour explorer l’orientation et la tournure que les choses auraient pu prendre si elles s’étaient déroulées autrement, et c’est pourquoi ce genre est si populaire. J’ai surtout utilisé des forums d’histoires alternatives, mais aussi quelques livres, dont le plus important est : Si les Alliés étaient tombés : soixante scénarios alternatifs de la Seconde Guerre mondiale.
J’ai été impressionné par la quantité d’arguments que les gens postent sur ces forums. J’ai ainsi été tenté de faire plier l’Histoire à plusieurs endroits pour obtenir des choses intéressantes. Par exemple, en faisant perdre aux Russes la bataille de Khalkhin Gol (NDLR : contre les japonais en 1939), cela entraine comme conséquence que Staline n’attaque pas la Pologne, et par conséquent Barbarossa commence plus près de Moscou. D’autres scénarios intéressants concernent l’opération Sealion et l’attaque française sur la ligne Siegfried, pour n’en nommer que quelques-uns.
5. Aurons-nous dans le jeu une faction française jouable, avec des unités françaises ? Un scénario présente-t-il par exemple la France tenir bon face à l’Allemagne ?
La campagne se jouera du point de vue des Allemands. Tout simplement parce qu’une campagne dans le rôle du défenseur n’est pas possible. Le but serait de gagner en stoppant l’Allemagne dès 1940 et par conséquent on mettrait un terme directement à la guerre... Vous pourrez jouer les français et tenter de tenir la ligne dans différents scénarios autonomes se concentrant sur une bataille précise. Nous avons un total de six scénarios où un défenseur / attaquant majeur est la France. Deux standards : Ardennes et France et quatre d’histoires alternatives : Attaque sur la Ligne Siegfried, Pays-Bas (dans lequel l’Allemagne réapplique le plan Schlieffen au lieu de couper au niveau des Ardennes), un troisième où la France ne se rend pas et où les Allemands doivent pousser jusqu’à la Côte d’Azur avant de continuer à affronter les forces françaises depuis le Maroc, et enfin Felix, qui simule une opération allemande contre Gibraltar et le Maroc. L’attaque sur la Ligne Siegfried aurait pu constituer une mini-campagne à 4 scénarios, mais cela a finalement été supprimé.
En ce qui concerne les unités, nous avons 31 types d’unités françaises différentes dont 4 aériennes, 6 maritimes et 21 terrestres. Certaines sont visibles sur la capture d’écran ci-jointe.
6. Quels sont les scénarios que vous adorez le plus parmi la liste de ceux que vous avez créé ?
Ils sont tous contrefactuels. J’aime la plupart des branches différentes de la campagne que nous avons faites, avec différentes séries de batailles connectées. Par exemple, traverser la Belgique, puis la France jusqu’à la Côte d’Azur, avant de retarder Barbarossa pour se battre en Espagne et au Maroc... possiblement prendre la Suisse et attaquer l’Egypte et la Palestine pour obtenir une frontière avec la Russie au niveau du sud du Caucase… Ils ne sont pas encore tous testés, mais je pense qu’un scénario comme Felix, présentant l’assaut allemand sur Gibraltar peut être très amusant, avec une bataille navale contre le Portugal… un débarquement britannique dans le nord de l’Espagne ou encore une attaque amphibie contre le Maroc. Il y en a plein d’autres, mais avec plus de 60 scénarios, je crains de m’emballer !
7. Klotzen aura également des unités aériennes et navales donc. Auront-elles un rôle majeur ou constitueront-elles uniquement une sorte de soutien vis-à-vis des unités terrestres ?
Nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir et à redessiner la puissance des unités aériennes afin de les faire fonctionner de façon réaliste vis-à-vis de leur emploi durant la Seconde Guerre mondiale. Je crois que Klotzen a la meilleure représentation de la puissance aérienne et de son emploi dans le genre. Les unités terrestres seront toujours les plus importantes, mais l’utilisation appropriée de la puissance aérienne sera également capitale. Autant dire qu’avec quelques bombardiers qui ne sont pas attaqués, on pourra paralyser l’essentiel des armées ennemies dans un scénario. Les avions patrouillant bloqueront pour leur part tout mouvement pour le camp en situation d’infériorité aérienne. La guerre en Europe étant surtout terrestre, la marine y a eu une influence moindre par rapport au Pacifique. Les navires seront donc des unités de soutien dans la plupart des scénarios, à l’exception des quelques batailles d’invasions navales comme la Norvège, Sealion ou encore la Crète.
8. Avez-vous un message pour la communauté française et pour les potentiels futurs joueurs de Klotzen ?
Le plus important des conseils : si vous travaillez dans une usine et que vous êtes sur le point de vous faire attaquer par l’Allemagne : rationalisez votre production ! Cela vous aidera à gagner la guerre dès 1940 et à faire gagner un peu de temps à des gens qui tentent de faire un jeu à ce sujet 70 ans plus tard (rires) ! Cela signifie que ces gars n’auraient pas eu à modéliser le Hotchkiss H35, et le H39 et le Renault FT et le R35 et le Somua S35 et les chars B1 et D1... En vrai, cela n’aura sans doute pas suffit à faire la différence.
Là où 40 millions de Français travaillaient 40 heures par semaines, 60 millions d’Allemands en bossaient 60... On parle beaucoup du désastre des armées françaises et britanniques de 1940 et j’ai lu beaucoup de choses à ce sujet et bien que la plupart des raisons de la défaite soient désormais connues, j’ai le sentiment qu’un facteur important est négligé. D’après ce que j’ai lu, il y a une énorme différence entre un soldat inexpérimenté et celui qui a tué, même une seule fois. Le meilleur des as japonais, Saburo Sakai, l’a décrit dans son autobiographie.
L’Allemagne a eu son baptême du feu en Pologne où elle a pu compenser son manque d’expérience par une supériorité matérielle pure. Guderian mentionne comment les troupes inexpérimentées sous ses ordres ont pu se comporter étrangement durant les premiers échanges de feu. Je pense donc que c’est un facteur majeur qui a eu son incidence, notamment dans les airs. Un certain nombre de pilotes allemands étaient des vétérans, endurcis par la guerre civile espagnole, la Pologne et la Norvège. Nous essayons de modéliser ce différentiel d’expérience dans le jeu où les troupes allemandes commenceront avec davantage d’expérience.
Il y a aussi une anecdote amusante que j’ai apprise seulement après avoir commencé mes recherches. Je suis sûr que vos lecteurs sont déjà au fait de ceci, mais je ne l’étais pas : La Ligne Maginot a en effet fonctionné et bien rempli la mission qui était la sienne en 1940, à savoir contraindre les Allemands à effectuer une manœuvre de contournement et à violer la neutralité belge pour gagner du temps afin que les armées françaises puissent stratégiquement être placées en position idéale pour lancer une contre-attaque. Cela m’a surpris, car j’ai longtemps pensé que la Ligne Maginot avait été établie afin de gagner simplement la guerre pour la France…
Quoiqu’il en soit, si vous êtes intéressés par Panzer General et les jeux au gameplay similaire durant la Seconde Guerre mondiale, je suis impatient d’échanger avec vous via la communauté Steam et de discuter du jeu ou de la Seconde Guerre mondiale en général. Nous recherchons également des béta testeurs alors si le cœur vous en dit, n’hésitez pas à rejoindre notre liste de testeurs, disponible sur notre site web et à souscrire à la newsletter gratuite pour vous tenir au courant des progrès réalisés par le jeu. Merci beaucoup !
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