Chronique : L'histoire des templiers - 3ème partie
13 décembre 2012 par Orochti | Chronique historique | Moyen-âge - Les Croisades
Troisième partie du dossier sur l'Histoire des Templiers. Retrouvez les précédentes parties par ici : Chronique des Templiers.
À la fin de la 1ère croisade, un nouvel ordre est apparu, celui des Templiers. Cet ordre nouveau, qui mélange les codes de la chevalerie guerrière à la sainte vie monastique, est né par la volonté de plusieurs hommes de protéger les pèlerins en terre sainte. Parmi ces hommes, nous retrouvons Hugues de Payns, et Geoffroy de Saint-Omer.
Cependant, la création de l'ordre en lui-même ne suffisait pas, les Templiers, comme nous pouvons les appelés désormais, retournèrent en Occident, et se présentèrent à la fois devant le pape Honorius II et devant le concile de Troyes. Durant ce concile, la Règle des Templiers fut établie, et la reconnaissance officielle de l'ordre était réalisée. Désormais, l'ordre du Temple pouvait s'agrandir, accueillir de nouveaux membres afin de défendre les terres latines d'Orient.
Aujourd'hui, nous allons étudier tout d'abord le voyage en Occident fait par les six compagnons, afin de recruter le plus grand nombre. Puis, nous verrons l'entrée dans l'ordre même, ce rite de passage obligatoire pour chaque futur Templier.
- La tournée européenne d’Hugues de Payns
- L’entrée dans l’ordre
- Bibliographie
Hugues de Payns, et ses compagnons, partirent le lendemain du concile de Troyes pour un long voyage autour de l'Europe, dans le but de renforcer au mieux le nouvel ordre. En effet, la situation en Orient face à de puissants musulmans, se préparant à une future vengeance, demandait aux Templiers d'être aussi puissants que leurs ennemis. Ils ont besoin alors d'hommes, chevaliers de préférence, mais ils n'interdirent personne à les rejoindre, même s'il n'avait pas d'expérience. De plus, les Templiers avaient besoin de richesse, pour répondre à différents besoins, qu'il soit d'ordre militaire (armes, chevaux...) ou d'ordre pratique (vivres). Comment partir autour de l'Europe afin de réclamer autour de soi des aides matériels ou humaines ? Il faut dire que les Templiers reçurent une aide bien précieuse, celle de Saint Bernard.
Saint Bernard, abbé de Clairvaux à l'origine, était reconnu dans tout l'Occident chrétien. Il est le principal directeur du mouvement des Cisterciens. Durant toute sa vie, Saint Bernard s'est battu pour construire de nombreux monastères, et pour rallier la papauté à sa cause. Il joue également un grand rôle dans la réforme grégorienne, grand mouvement dans l'Église à partir de la fin du Xème - début XIème siècle. Saint Bernard écrivit un célèbre texte (De Laudae novae militae, Eloge de la nouvelle chevalerie) qui permit à l'ordre du Temple d'être reconnu, et surtout compris par la majorité de la population. Entre outre, il conclut par :
« J'hésite à les appeler moines ou chevaliers. Comment mieux les désigner qu'en donnant ces deux noms à la fois à ceux qui ne manque ni de la douceur du moine ni le courage du chevalier. »
Hugues de Payns suivit le parcours suivant : de la Champagne où présidait le concile de Troyes, il gagna l'Anjou et le Maine. Puis, il prit la direction du Poitou et de la Normandie. De là, il put prendre la mer, afin d'arriver en Angleterre et en Écosse. À la fin de son parcours, il fit demi-tour, en se dirigeant en Flandres où il rejoignit son compagnon Geoffroy de Saint-Omer. Hugues Rigaud, une nouvelle recrue, recruta dans les régions du Sud de la France (Languedoc, Roussillon). Ces dernières étaient très enthousiastes à la vocation des moines-soldats.
D'autres rejoignirent la péninsule ibérique (l'actuel Espagne) qui, à ce moment là, était en pleine Reconquista. En 1131, Alphonse Ier dit le Batailleur, roi d'Aragon et de Navarre, n'ayant pas d'héritier direct, donna de par son testament ses terres aux trois ordres religieux de la Terre sainte (Temple, Hôpital et Saint-Sépulcre de Jérusalem). Cependant, cette donation est refusée par les trois ordres, ne pouvant accepter un tel cadeau.
À ce niveau-là, les Templiers furent gâtés. Tous le monde voulait aider le nouvel ordre. Certains donnèrent leur cheval, d'autre leurs vignes, celui-ci son armure... Les plus riches donnèrent leurs domaines, les plus pauvres apportèrent une mesure de froment, une barrique de vin etc... Certains même, ne pouvant donner de biens, se donnèrent, corps et âme, à l'ordre. C'était devenu alors un honneur de faire parti de ces hommes défendant les reliques du Christ en Terre sainte. Plus encore, rejoindre l'ordre du Temple pouvait assurer une certaine sécurité et du prestige. Ainsi, de nombreuses personnes voulurent rejoindre l'ordre aux portes de la mort afin d'être enterré dans le cimetière d'une commanderie templière ! Une sorte de sésame pour les portes du Paradis, devant le tribunal du jugement dernier...
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y avait aucun secret autour du rituel d'entrée dans l'ordre du Templier. En effet, la légende a toujours voulu exagérer, et accuser les Templiers sur de nombreux points, que l'image aujourd'hui en est faussée. Tout est écrit parfaitement dans la règle. Cette cérémonie n'avait rien d'étrange, et était très proche du rite de vassalité entre le vassal et le suzerain. Enfin, beaucoup de précautions étaient prises pour s'assurer de la volonté même des nouvelles recrues. Personne n'est forcé d'entrer dans l'ordre.
Le futur moine-soldat devait se rendre devant le chapitre (l'assemblée de tous les frères) d'une commanderie templière. Avec lui se tenait le commandeur de maison, qui présidait toute la séance. Tout d'abord, la nouvelle recrue était tenue à l'écart par deux « prud'hommes », généralement les plus anciens de la communauté. Ces derniers étaient chargés d'exposer à la fois les contraintes d'un tel engagement, mais aussi de le questionner sur sa vie et les raisons de son engagement. À la fin de cette entrevue, les deux hommes rendaient compte au chapitre. À ce moment là, si l'assemblée n'y voyait rien à redire, le candidat pouvait entrer.
Agenouillé devant le commandeur, les mains jointes, il devait formuler oralement :
« Sire, je suis venu devant Dieu et devant vous et devant les frères et je vous prie, par Dieu et Notre-Dame, de m'accueillir dans votre maison afin que je devienne à tout jamais serf et esclave de votre maison. »
Le commandeur alors lui répondait, avec une mise en garde, avant de reposer la question confirmant l'engagement. Après ce sermon, le candidat devait à nouveau réfléchir, tandis que le chapitre statuait sur son cas. Si l'avis était positif, le futur frère revenait, et reproduisait les mêmes gestes et paroles lors de sa première entrée. On lui mettait dans les mains les livres des Évangiles, et le commandeur lui posait les ultimes questions :
« Promettez-vous de toujours obéir au maître du Temple et à tout commandeur ? Promettez-vous de vivre chastement ? De ne jamais embrasser une femme, fut-elle votre mère ou votre sœur ou une parente ? Promettez-vous de ne rien posséder ? Promettez-vous de toujours aider à défendre la terre sainte de Jérusalem ? De ne jamais frapper un chrétien ? Avez-vous prononcé des vœux dans un autre ordre ? Avez-vous des dettes ? Avez-vous fait des dons à des frères du Temple pour qu'ils vous acceptent parmi eux ? Avez-vous été frappé d'excommunication ? Beau frère, de toutes ces demandes que nous avons faites, faites bien attention de nous avoir dit la vérité, car si vous nous aviez menti vous pourriez perdre la maison, ce dont Dieu vous garde. »
Après les réponses du postulant, le commandeur fit une dernière déclaration qui acceptait solennellement le nouveau frère :
« De par Dieu et de par Notre-Dame, de par Saint Pierre, de par notre père le pape, et de par tous les frères du Temple, nous vous accueillons dans notre Maison. Vous n'aurez en échange que du pain et de l'eau, la pauvre robe des frères et beaucoup de peine et de labeur. »
Le commandeur prenait le blanc manteau à la croix vermeille, le posait sur les épaules du chevalier, pendant que le chapelain le psaume Ecce quam bonum. Ultime phase de la cérémonie, le baiser fraternel donné par le commandeur sur la bouche. Ce geste n'avait rien de choquant, car c'est une pratique très fréquente durant la période du Haut Moyen-âge.
On se retrouve après les fêtes pour la suite de la chronique.
- DEMURGER Alain, Croisades et Croisés au Moyen-âge, Flammarion, collection Champs, 2006, 410 pages.
- FLORI JEAN, La croix, la tiare et l'épée : la croisade confisquée, Payot & Rivage, Collection Histoire, 2010, 350 pages.
- HUCHET Patrick, Les Templiers de la gloire à la tragédie, Editions OUEST-France, Collection Histoire, 2010, 130 pages.
- BRIAIS Bernard, Les Templiers, France Loisirs, collection Les mémoires du Temps, 2011, 190 pages.
- Source des images : Wikipédia