Info sur le livre |
Titre originalCampagne d'Italie - 1796-1797, de Nice à Leoben, autopsie de la première campagne de Napoléon |
AuteurMichel Molières |
ÉditeurÉditions Pierre de Taillac |
GenreMémoires, essais, biographies |
SortieJuillet 2020 |
Nombre de pages799 |
Campagne d'Italie
Jean Tulard, le fameux historien de l'ère napoléonienne, a coutume de dire que plus d'ouvrages ont été écrits sur l'empereur, que de jours se sont écoulés depuis sa mort !
L'épopée militaire, mais aussi l’œuvre politique et sociale, ce monument si prodigieux que nos institutions en portent encore la marque et notre territoire les traits, ne pouvaient laisser les auteurs, historiens et penseurs de tous horizons indifférents.
Dans cette fantastique pagaille, comment choisir quoi lire ? Vers où porter notre regard et comment dilapider nos maigres économies ? À cette question, je ne peux vous proposer de réponses.
Ce que je peux faire cependant, c'est vous parler d'un ouvrage et d'un auteur que j'ai eu le plaisir de découvrir cet été, constituant par cette découverte mon meilleur achat littéraire de ce premier semestre 2020.
Qui veut se pencher sur la carrière militaire de Napoléon Bonaparte doit commencer par étudier la première campagne d'Italie. Il ne s'agit pas de ses premiers faits d'armes ; les Combats sous Paoli, Toulon, Paris, qui auront fait de Bonaparte le « Général Vendémiaire », ont largement participé à la formation du jeune officier corse et à la constitution de son réseau d'influence naissant. Mais rien d'exceptionnel dans cette carrière, à l'heure de la révolution française. On ne peut saisir l'émergence du futur empereur sans observer la précision, la détermination, la témérité parfois et l'autorité implacable que lui conféra cette année 1796.
Voici l'invitation que nous propose Michel Molières dans son dernier ouvrage : Campagne d'Italie, de Nice à Leoben, autopsie de la première campagne de Napoléon, paru le 10 juillet 2020 aux éditions Pierre de Taillac.
L'auteur est un habitué de son sujet. Il a déjà publié plusieurs ouvrages dont une analyse de la campagne de 1809. Diplômé de Saint-Cyr (école militaire fondée, rappelons-le, par Napoléon Ier), officier d'infanterie avant d'intégrer la gendarmerie, aujourd'hui colonel honoraire, il a exercé plusieurs postes de commandement, d'état-major ou diplomatique.
C'est donc un militaire qui nous parle et c'est en cette qualité qu'il se propose de nous livrer, non pas une histoire de la première campagne d'Italie, mais plutôt une analyse, une « autopsie » pour reprendre son sous-titre, des événements d'ordre tactiques, stratégiques, politiques et diplomatiques ayant contribué à cette victoire française, fameuse entre toutes, qui mettra un terme aux guerres de la première coalition.
Beaucoup d'ouvrages ont été écrits sur cette campagne. On ne peut passer sur le traité de Clausewitz, ni sur celui de Jomini. Napoléon a donné sa propre version des faits (version à regarder d'ailleurs avec beaucoup de prudence) aussi bien dans ses mémoires que dans le Mémorial. Rappelons aussi qu'un certain nombre de mémoires des protagonistes ont été publiés, entre autres ceux de Marmont et de Masséna. Enfin, plus important peut-être, la Correspondance Générale de Napoléon est aujourd'hui publiée par la Fondation Napoléon. Cette œuvre monumentale doit être consultée et son premier volume, dans lequel on trouvera les lettres de Bonaparte en Italie, est un ajout plus que recommandé pour accompagner n'importe quelle lecture sur la période.
Quel avantage a le nouveau livre de Michel Molières sur les précédents ? Et bien, tous. Les ouvrages historiques, M. Molières les étudie, les cite, les compare. Encore au-delà, c'est dans les archives du Service historique de la Défense qu'il puise l'abondant matériel sur lequel il bâtit son travail. Le lecteur, qui n'a plus qu'à suivre la chronique de la campagne, trouvera dans ce monstre de près de 800 pages absolument toutes les informations qu'il cherche, d'une part, mais surtout un déroulé clair, très lisible et narré avec talent de cette année de guerre vécue au jour le jour.
Rien n'est épargné, rien n'est oublié. Organisation de l'armée, soucis de ravitaillement, rapport avec les généraux, moral de la troupe ; mouvement, feinte, assaut ! Repli, siège, parlementation, reddition enfin, sans oublier la négociation des conditions ! Vous saurez tout. Très vite, vous accompagnerez votre lecture de Google Maps pour suivre en direct les marches, pour comprendre la logique qui préside aux décisions de ces hommes de guerre.
Le livre est d'ailleurs agrémenté de nombreuses cartes et schéma (car souvent un dessin vaut mieux... Vous connaissez la chanson !), sans parler des portraits et tableaux qui ajoutent à l'immersion dans cette Italie de fin du XVIIIème siècle.
Attention pourtant, il n'est pas question ici de faire un énième portrait grandiose de Bonaparte devenant Napoléon. Si ses traits de génie sont décrits, analysés, discutés, il en va de même pour ses doutes, ses erreurs, voir ses crimes. Ainsi on verra régulièrement Bonaparte ordonner à ses généraux de faire fusiller leurs troupes en exemple après un pillage (parfois jusqu'au zèle pourrait-on penser, lorsqu'on le voit reprocher à Bernadotte, arrivé du Rhin, de ne pas faire assez fusiller sa troupe alors que les soldats du Rhin sont connus pour leur respect et leur tenue, quand les soldats de l'armée d'Italie traînent une réputation de brigands !). On ne pourra ignorer non plus le racket systématique des États italiens à qui prendre des millions ne suffit pas et qui seront dépouillés sans vergogne de leur patrimoine artistique.
La légende aussi en prend un sacré coup : la fameuse proclamation de Bonaparte prenant son commandement (« Soldats, vous êtes nus, mal nourris, etc. ») est un mythe, tout comme la tentative de traverser, drapeau au vent, le pont d'Arcole, et j'en passe. Mais derrière la légende, on trouve un homme qui marche avec la troupe jusqu'à l'épuisement, travaille inlassablement, un général qui demande au simple soldat de bien vouloir partager avec lui sa ration de pain et qui, quelques semaines plus tard, parlera d'égal à égal avec le frère de l'empereur d'Autriche. Les anecdotes sont légions et permettent de souffler entre les descriptions et analyses stratégiques très pointues.
C'est ainsi qu'on rencontrera certaines figures qui imprimeront à l'histoire leurs noms, et qui ne sont alors que de petits officiers travaillant au succès des armées révolutionnaires. Voici Lannes qui, blessé et apprenant Arcole, court jusqu'au champ de bataille et se jette dans le combat ! Le même Lannes qui, à l'occasion, tombe sur la cavalerie autrichienne, se fait passer pour un officier de cette armée et s'en sort en ordonnant aux cavaliers de baisser les armes et de retourner d'où ils viennent ! Voici Marmont, l'éternel jaloux qui ne cesse de descendre ses compagnons dans ses mémoires au point que cela en devient presque un gag. Voici Murat, voici Lasalle, qui feront craindre à toutes les cavaleries d’Europe la fougue des cavaliers français.
Voici enfin Bonaparte qui, avec un millier d'hommes, se fait encercler au hasard par cinq milles Autrichiens. L'officier autrichien ordonne aux Français de se rendre. Bonaparte, avec une assurance absolue, entame ce bluff à peine croyable : il se présente comme le général en chef. Pourquoi les Autrichiens croient-ils être parvenus jusqu'ici sans encombres ? La bataille a déjà été livrée et remportée par les Français. Ces cinq milles Autrichiens sont perdus au milieu du dispositif français ! C'est à eux de se rendre, sans quoi on les fera fusiller ! L'officier autrichien demande un instant pour discuter avec ses subordonnés, Bonaparte s'impatiente et fait prendre les armes à ses hommes. Il reçoit alors sans délai la reddition. Voici comment on fait cinq milles prisonniers. Comment les armées autrichiennes, habituées à « la guerre en dentelle », auraient pu faire face à de tels hommes ?
Rétablir la vérité, c'est finalement rendre les honneurs que mérite cette figure extraordinaire de notre histoire. Maître de la propagande, génie tactique, Bonaparte n'est presque rien lorsqu'il arrive à Nice en mars 1796. Un an plus tard, il dicte sa politique au Directoire, force la paix avec l’Autriche, contrôle l'Italie et commande une armée dont l'admiration sans borne pour leur général en chef préfigure déjà le culte impérial.
La campagne d'Italie n'est rien d'autre que l'histoire de la naissance de Napoléon. Comment un simple officier corse, qui avant la Révolution passait son temps en congé, devient en quelques mois le premier général d'Europe ? L'histoire commence avec une attaque éclair sur le petit village de Montenotte, niché dans les contreforts des Apennins. Je vous laisse découvrir la suite par vous même...
- Discab Contributeur
- "D'abord, apprenez que je ne suis point le défenseur du peuple ; jamais je n'ai prétendu à ce titre fastueux ; je suis du peuple, je n'ai jamais été que cela, je ne veux être que cela ; je méprise quiconque a la prétention d'être quelque chose de plus." Maximilien Robespierre