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Bataille pour la Pointe du Hoc

Les commémorations sont l'occasion, pour un certain nombre de corps de métier, en particuliers les historiens et archivistes, de travailler leurs domaines respectifs afin de donner une nouvelle vie, une lecture actualisée des événements ayant jalonnés notre histoire. Ils nous rappellent ainsi à notre mémoire collective.

Alors que le brûlant bicentenaire de la mort de Napoléon se termine en laissant retomber la fièvre des polémiques historiques et idéologiques, et trois ans à peine après la fin des commémorations de la Première Guerre mondiale, on peut se demander où se dirigera l'esprit de ces prochaines années. La question est bien sûr rhétorique : le centenaire de la Seconde Guerre mondiale approche à petits pas.

Le débarquement de Normandie fait partie de ces événements majeurs, de ces journées à jamais gravées dans la mémoire des Hommes. Ce débarquement n'est pas une bataille unique, sur un champ limité et opposant deux armées régulières. Il s'agit au contraire d'un affrontement titanesque ayant donné lieu à un nombre considérable de batailles sur des dizaines de kilomètres. C'est sur le théâtre de l'une d'entre elles, parmi les plus mémorables du D-DAY, que nous emmène Hubert Groult dans son livre « Bataille pour la Pointe du Hoc » publié récemment aux éditions Heimdal.

Dire que ce livre est un grand livre serait un euphémisme, dans tous les sens du terme. Nous laissons aujourd'hui les essais classiques derrière nous pour pénétrer le territoire des beaux livres. D'un format respectable (21,4 x 30,4), l'ouvrage est d'abord un plaisir pour les yeux. Sa composition est pensée pour ne jamais laisser le lecteur dans le flou des données parfois techniques qui lui sont présentées : photographies, documents d'époques, cartes et plans sauront rassasier les plus fins amateurs. Les photos en particulier sont omniprésentes et on ne saura s'empêcher d'admirer la profondeur de certaines doubles-pages. Alors que l'été approche, je n'ai pu m'empêcher d'imaginer un été sur les plages normandes, livre en main, à parcourir les lieux rendus immortels par le travail photographique.

Mais la proposition de cette « Bataille pour la Pointe du Hoc » ne s'arrête pas là. Jeune professeur d'Histoire, Hubert Groult a bien compris le bénéfice pédagogique à tirer d'une présentation aussi fascinante pour le regard. Le texte, qui semble d'abord léger, se trouve être d'une épaisseur certaine et bénéficie d'une documentation considérable. Appuyant son propos sur des références solides et une connaissance quasi exhaustive de la littérature, y compris anglo-saxonne, qui entoure l'histoire du débarquement, l'auteur nous emmène dans les camps d'entraînements, avant de nous présenter dans le détail le moindre véhicule, avion et péniche de débarquement ayant participé aux affrontements du 6 juin 1944.

Les Rangers américains sont bien entendu au centre de cette histoire et on ne boudera pas l'introduction qui nous ramène à leurs origines. Première force militaire organisée pendant la "French and Indian War", équipée pour le camouflage et les longs périples dans la nature, ils étaient notamment armés d'un mousquet, d'un couteau et d'un tomahawk. Un texte datant de cette époque détaille les directives que chaque Ranger doit suivre en permanence. On peut y lire ce conseil : "Laissez l'ennemi venir jusqu'à ce qu'il soit suffisamment prêt pour être atteint, puis abattez le et sautez pour l'achever avec votre hache.". Comment ne pas penser à Connor, l'inoubliable protagoniste d'Assassin's Creed III ? Disparaissant suite à la guerre de sécession, autant en raison d'une efficacité douteuse durant le conflit qu'en raison du ralliement important des Rangers aux états confédérés, il faudra attendre 1942 pour voir le retour de ces soldats très particuliers.

L'étude des procédures de recrutement et la rencontre avec quelques-uns de ces hommes très particuliers donnent lieu à des descriptions parfois drôles, souvent cassantes. Ainsi ce soldat refusé à l'examen médical car il portait un dentier. Le voici qui s'énerve et exige de voir l'officier en charge : « Je ne veux pas les manger, je veux les combattre ! » ou cet autre, trop petit, à qui l'on demanda : « Et si je vous demandais d'ouvrir la gorge de quelqu'un, le feriez-vous ? » Réponse : « Non, pourquoi le ferais-je ? J'ai juste à tirer sur ce bâtard. » Il faut dire que le gringalet savait loger une balle entre les yeux d'un taureau à 275 mètres... neuf fois d'affilié. Tout deux devinrent des Rangers particulièrement précieux.

Bien entendu, le cœur du texte réside dans la description des événements qui eurent lieu sur la Pointe du Hoc et, passé les préparatifs, il devient difficile de se résoudre à poser le livre. L'on ne saurait que conseiller cet ouvrage qui constituera une parfaite lecture estivale.