Époque moderneGuerre d'indépendance américaine
Bataille de Yorktown
Yorktown 1781 : quand la France gagne la guerre d’indépendance américaine
La Guerre d’Indépendance américaine ravage le continent nord-américain de 1775 à 1783. De nos jours, cette guerre est présentée comme l’ultime combat pour la liberté... et un des acteurs principaux est parfois oublié : le royaume de France. Loin d’avoir été un simple soutien politique, les troupes françaises ont été un des facteurs les plus importants dans la victoire des « Insurgents ».
Petit retour sur la bataille de Yorktown, où le général britannique Cornwallis est battu, amenant comme inéluctable la défaite des « Redcoats » en Amérique.
Le royaume de France, un allié de choix pour les Treize Colonies
En 1775, lorsque démarre la rébellion des Treize Colonies à cause de la taxation toujours plus haute décidée par Londres, le royaume de France apparaît comme allié de choix. Sa (très) longue rivalité avec l’Angleterre en fait un soutien de facto : l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Les dirigeants américains sont, pour la plupart, très francophiles.
Ainsi, assez tôt, les liens entre la France et les Insurgents sont forts : Benjamin Franklin est d’ailleurs en mission d’ambassade à Paris au début de la révolte. Le roi de France Louis XVI n’hésite pas longtemps : l’occasion de nuire à l’Angleterre est à saisir. Le 6 février 1778, Louis XVI et Benjamin Franklin signent un traité d’alliance offensive et défensive : une somme d’argent conséquente (six millions de livres), des navires de guerre et 10 000 soldats sont envoyés en Amérique.
Manquant cruellement de munitions et d’armes, la France va alors armer en grande partie les forces américaines contre les Anglais. À la tête du corps expéditionnaire est placé Jean-Baptiste-Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, et le comte De Grasse s’occupe de la flotte française.
Un autre Français va faire la liaison avec les Insurgents : le marquis Gilbert du Motier de La Fayette, qui, lors d’un dîner en garnison à Metz le 8 août 1775, s’engage à combattre aux côtés des Américains pour leur liberté.
Dès 1780, les troupes françaises sont engagées en Amérique et participent à des escarmouches. La Fayette, lui, contrôle des troupes américaines, un poste montrant la très haute considération qu’avait Washington pour le marquis. Dès lors, l’objectif des franco-américains était de briser l’armée anglaise, commandée par lord Cornwallis, un général talentueux et estimé.
Les Anglais pris au piège à Yorktown
George Washington, commandant des rebelles américains, avait pour obsession de reprendre New-York aux Anglais.
Mais le comte de Rochambeau lui fit changer d’avis pour le diriger vers le Sud des Treize Colonies et vaincre Cornwallis.
Ce dernier s’était vu couper tous ses mouvements vers le reste du pays : l’armée anglaise était encerclée entre l’Océan Atlantique et les armées franco-américaines.
La baie de Chesapeake, au bord de laquelle est établie la ville de Yorktown, devait servir de point de rendez-vous entre la Royal Navy et les troupes de Cornwallis. Or, cette information arriva aux oreilles de La Fayette, qui la transmit alors à Rochambeau et Washington.
Il était devenu nécessaire d’enfermer l’armée anglaise dans Yorktown : l’amiral de Grasse, stationné aux Antilles, vint alors fermer la baie de Chesapeake avec 28 puissants navires. Le piège était disposé : il fallait maintenant réduire la poche.
Le nombre est à l’avantage des Franco-américains. Lord Cornwallis a dans Yorktown 8000 soldats anglais, alors que Rochambeau aligne 10 800 soldats français et Washington 8845 hommes (miliciens pour la plupart, à faible valeur combative comparée aux soldats français).
Le siège se met en place : la flotte française de l’amiral de Grasse ferme l’accès à Yorktown par la baie de Chesapeake, où lors d’une escarmouche le 5 septembre 1781, la flotte anglaise est mise en déroute.
Les soldats anglais ne prirent pas de risques : coupés de leurs renforts, ils se replièrent alors de leurs postes avancés à l’arrivée des Franco-américains. Ces redoutes capturées vont alors former la base du siège de Yorktown, et les Américains commencent à en bâtir deux nouvelles.
À partir du 4 octobre, le baron de Vioménil, responsable du siège, pousse ses patrouilles jusque sous les fortifications de Yorktown. Les troupes de Cornwallis, apeurées, ripostent au jugé, en tirant quelques coups de canon. Pendant ce temps, des batteries d’artillerie françaises sont amenées pour bombarder la ville. Les redoutes étaient elles terminées, et pouvaient accueillir les canons.
Le 8 octobre, le régiment de Touraine installe sa batterie, qui devient la première prête à tirer. Ce qu’elle fait le 9 octobre : un navire anglais, le Guadeloupe, tente alors de remonter le fleuve. Les boulets rouges sont chargés (pour plus de dégâts sur les navires) mais le Guadeloupe échappe aux tirs en se réfugiant derrière la ville.
Le 9 au soir, une batterie américaine commença à pilonner Yorktown, et des déserteurs anglais firent leur apparition, apprenant aux Franco-américains que Cornwallis était surpris de ce bombardement.
Du 10 au 13 octobre, les Franco-américains construisent des tranchées pour encercler la ville, et des échanges de tirs entre canons et fusils ont lieu sans grands résultats.
Le 14 octobre, l’assaut commence
Le 14 au soir, toutes les positions offensives sont prêtes. Les batteries sont installées et approvisionnées, mais il reste des redoutes, petits points fortifiés en avant de Yorktown.
Le baron de Vioménil prépare les troupes d’assaut : des grenadiers, des chasseurs et de l’infanterie de ligne. Rochambeau fait un discours pour inspirer les troupes du régiment d’Auvergne, et leur promet que s’ils remportent la bataille, il demandera au roi Louis XVI de les honorer (ce que ce dernier fera en renommant le régiment « Royal-Auvergne »).
Le comte de Forbach, Guillaume de Deux-Ponts, eut l’honneur de commander l’assaut. Les troupes françaises ne devaient tirer que lorsqu’elles seraient sur le parapet (c’est-à-dire sur les fortifications anglaises) et que personne ne devait descendre ces fortifications sans ordre.
Trois redoutes étaient visées : celle de gauche devait être attaquée par les Français, alors que la redoute de droite devait être attaquée par les Américains, commandés par La Fayette et Steuben (officier prussien au service des insurgés américains). Le régiment de Touraine devait lui faire diversion et la cavalerie française devait se diriger vers Glocester.
À 23h, six bombes furent mises à feu, donnant le signal de l’attaque. Les Français se dirigèrent le plus silencieusement possible vers la redoute, mais une sentinelle hessoise (des Allemands servaient alors dans l’armée anglaise) les vit et ouvrit le feu. Les Français doublèrent le pas, et se jetèrent sur le parapet, puis l’escaladèrent.
Les troupes hessoises en alerte de l’autre côté ouvrirent le feu et fixèrent leurs baïonnettes, mais pendant ce temps les sapeurs français réussirent à construire des moyens de franchissement. Toutes les troupes françaises étaient sur le parapet ; Deux-Ponts se préparait à faire charger à la baïonnette. Mais les troupes anglaises jetèrent alors leurs armes.
Les Français s’exclament « Vive le roi ! » pour fêter la prise de la redoute. En sept minutes de combat, 46 Français sont tués, et 62 blessés (dont tous les officiers, ayant mené l’attaque en tête).
Du côté des Américains, la redoute est capturée encore plus rapidement. Un cas de jalousie célèbre se déclara : de Vioménil avait dit la veille à la Fayette que selon lui les troupes américaines ne valaient rien. Or, ces bataillons de miliciens prirent la redoute sans tirer un coup de feu, n’utilisant que la baïonnette. La Fayette envoya alors un colonel américain au baron de Vioménil comme camouflet, qui bataillait encore pour prendre la redoute de gauche, pour lui proposer de l’aide des miliciens américains.
Pendant ce temps, les batteries du régiment de Touraine pilonnent les forces de Cornwallis. L’attaque de cavalerie à Glocester, menée par de Choisy, remporta moins de succès. Grisés par leur victoire, les soldats du Soissonnais et de l’Agenais ne furent pas assez vigilants dans la nuit du 14 au 15 octobre, car 600 soldats d’élite furent envoyés par Cornwallis pour faire le plus de dégâts possibles. Repoussée difficilement, cette attaque montre alors que les Anglais ont encore des réserves.
La capitulation de Cornwallis
Dès le 17 octobre, Cornwallis envoie des parlementaires au camp des Franco-américains pour proposer une reddition. Mais les termes sont trop vagues pour Washington, qui donne l’ordre de continuer à tirer. Le vicomte de Noailles représente les Français dans les négociations.Lord Cornwallis demande à sortir avec armes, tambours et étendards de la ville de Yorktown. Les Français sont plutôt d’accord ; mais La Fayette rappelle que lors de la capitulation de Charlestown, les Anglais avaient refusé cet honneur aux Américains. Il est donc décidé d’exercer la même dureté : les troupes de Cornwallis ne recevront pas les honneurs de la guerre.
Le 19 octobre 1781 à midi, les troupes anglaises capitulent. Lord Cornwallis se fait porter malade, ne pouvant supporter l’affront de se rendre à des Américains que lui et ses soldats méprisent.
L’amertume est visible sur les visages des officiers anglais, et le général O’Hara, représentant lord Cornwallis, tend son épée au comte de Rochambeau comme signe de reddition.
Ce dernier refuse et lui désigne le général Washington. Ce geste montre la volonté de la France de faire des Américains les réels vainqueurs des troupes de Lord Cornwallis, bien que la majorité des troupes étaient françaises.
Conclusion
Durant la bataille pour Yorktown, les Français perdirent 60 hommes et 194 furent blessés. Les Américains, eux, virent 28 des leurs tomber et 107 être blessés. Les troupes de Cornwallis subirent 156 morts, 326 blessés, et 7018 hommes furent capturés ainsi que de nombreuses pièces d’artillerie, des chevaux et des provisions.
La défaite de Yorktown marque le début de la fin pour les troupes anglaises en Amérique : les Américains insurgés deviennent trop puissants et la lassitude de guerre gagne Londres. Yorktown ouvre la voie aux négociations de paix, mais scelle aussi l’amitié franco-américaine.
Cette bataille si emblématique et si importante fut en fait gagnée de concert par les alliés, même si sans l’action de la flotte française à Chesapeake l’attaque aurait été plus compliquée. Mais le rôle de la France n’a jamais été aussi important dans la révolution américaine.
Sources
- Pierre Royer, « Yorktown. La France accouche les États-Unis », Conflits, no 13, janv.-mars 2017, p. 36-37.
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, 2016.
- Witz Rédacteur, Testeur, Chroniqueur, Historien
- « L'important n'est pas ce que l'on supporte, mais la manière de le supporter » Sénèque