Époque moderneGuerres vénéto-ottomanes
Bataille de Lépante
Le 7 octobre 1571 restera dans l'Histoire comme le jour où l'Empire Ottoman vacilla. Mais ce souffle qui fit vaciller la flamme turque, cette fameuse bataille de Lépante, comment est-il arrivé ? Le prétexte officiel est la prise sanglante de Chypre par les Ottomans en 1570. Mais en réalité, il y a bien deux prétextes : premièrement, la rivalité des sphères d'influence géopolitiques en Méditerranée et deuxièmement la traditionnelle dispute entre la Chrétienté et l'Islam.
Cette rivalité géopolitique est issue du fait que l'Empire Ottoman engage une expansion dans la Méditerranée, mer alors sous domination espagnole et vénitienne, mais aussi du fait que les Ottomans pratiquent les razzias, ces attaques surprises sur les littoraux italiens et espagnols pour piller les villes et emporter les chrétiens en esclaves. Quant aux disputes religieuses, chacun sait que les tensions entre les deux religions ne se sont pas apaisées depuis les croisades finies en 1291.
La bataille de Lépante de 1571. par H. Letter en 1582, Huile sur toile.
Forces en présence
Le Pape Pie V crée donc la Sainte-Ligue, union chrétienne rassemblant l'Espagne, les Républiques de Venise et Gênes, les Etats Pontificaux, le Duché de Savoie et l'Ordre Militaire Souverain Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem ainsi que d'autres puissances méditerranéennes et allemandes. Les puissances unies dans le but de porter un coup dur à l'Empire Ottoman créent une flotte importante de 220 navires portant plus de 23 500 soldats chrétiens à son bord. Cette flotte et cette armée sont commandés par trois chefs chrétiens, principalement d'origine espagnole : le jeune infant Juan d'Autriche, l'amiral Álvaro de Bazán et le duc-condottiere italien Alexandre Farnèse.
De son côté, l'Empire Ottoman prépare une force de 300 navires et 34 000 soldats musulmans. Cette force interarmées est commandée par le grand-amiral Ali Pacha et les amiraux Uludj Ali et Mohammed Sirocco.
La bataille
Et ce 7 octobre 1571, la flotte de la Sainte-Ligue en provenance de Messine intercepte la flotte ottomane dans le golfe de Patras, non loin de Lépante (Grèce). Si la bataille est aujourd'hui connue, ce n'est pas à cause d'une éventuelle difficulté stratégique ou tactique, puisque cet affrontement naval est des plus simplistes ; mais c'est bien parce qu'il fut effroyablement violent et marqua un tournant dans l'histoire de la stratégie navale. En effet, la bataille de Lépante correspond au premier affrontement dans l'Histoire de l'Humanité où des galères affrontèrent à grande échelle des navires plus manœuvrables.
Comme nous le disions, la bataille est simpliste au possible : le grand-amiral Ali Pacha se laisse enfermer dans le golfe de Patras, la flotte de la Sainte-Ligue se lance à l'assaut. La seule originalité sera l'idée de massacrer les marins et soldats ottomans en provoquant de multiples abordages menés par les tercios, formation d'infanterie lourde espagnole pourtant habituée à combattre sur terre. Nous pouvons également souligner l'intervention de la guerre psychologique dans cette violente bataille, du fait que les chrétiens décapiteront la tête du grand-amiral Ali Pacha et la hisseront au mât du navire-amiral ottoman, ce qui provoquera l'effondrement du moral turc.
Au soir de la bataille, la flotte ottomane est anéantie en grande partie. Et si la victoire est chrétienne, les pertes sont effroyables dans les deux camps. Les Turcs ont perdus 179 galères, 13 galiotes, 450 canons, 39 étendards et 38 000 hommes ; l'amiral Uludj Ali, seul officier supérieur ottoman à n'avoir pas démérité durant la bataille et qui a réussi à sauver l'essentiel de son escadre, fait voile vers Istanbul où il apprend la triste nouvelle au sultan ottoman qui le nomme grand-amiral pour avoir sauvé ses navires. Les chrétiens, quand à eux, perdent 27 000 hommes et 12 galères ; ils libèrent 15 000 chrétiens forçats.
Conséquence de la bataille
La bataille de Lépante marque la première victoire chrétienne sur la puissante marine ottomane, jusqu'alors invaincue. L'Espagne et Venise marquent leur détermination à conserver leurs territoires méditerranéens, tandis que la progression ottomane est arrêtée d'un coup sec. Mais la Sainte-Ligue, qui avait prévu de faire débarquer ses troupes aux Dardanelles ou à Istanbul, ne poursuit pas l'offensive. En effet, les alliés chrétiens se disputent à savoir qui a le plus contribué à la victoire et ont des objectifs stratégiques et géopolitiques différents ; l'expédition militaire navale chrétienne doit être stoppée. De plus, Vienne est ruinée par cette guerre et le manque de bénéfices financiers du fait que le commerce vers l'Orient est coupé : la Sérénissime doit négocier avec les Turcs... Et laisse Chypre aux Ottomans par traité le 7 mars 1573, alors que l'île était le prétexte chrétien pour faire la guerre !
On notera deux choses extérieures à la bataille de Lépante. Tout d'abord, parlons littérature. Un jeune espagnol inspiré a combattu à Lépante, où il y perdit l'usage de sa main gauche. Après la bataille, il sera fait prisonnier lors d'une razzia ottomane au large de Barcelone. Miguel de Cervantès sera plus tard relâché et écrira en 1605 une œuvre colossale bien connue aujourd'hui : « El ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha » Parlons désormais jeux, mais pas vidéos. La bataille de Lépante inspirera une tactique bien connue au jeu de stratégie sur plateau « Diplomatie », tout simplement la tactique de Lépante qui consiste à ce que les joueurs jouant l'Autriche et l'Italie s'allient contre le joueur jouant l'Empire Ottoman.
- Kreuzberg Ancien membre d'HistoriaGames