Récit

Seconde Guerre mondialeFront de l'Ouest

Campagne de France

Gungauss

Le 1er septembre 1939, l'armée allemande franchit la frontière germano-polonaise sans déclaration de guerre. Cette attaque force les gouvernements français et anglais, après plusieurs ultimatums envoyés à Berlin, à déclarer la guerre à l'Allemagne le 3 septembre. En moins d'un quart de siècle, un nouveau conflit opposant les puissances occidentales à l'Allemagne éclata. Lors de la campagne de Pologne, facilitée par le pacte de non-agression germano-soviétique, l'armée allemande met en application la stratégie de la Blitzkrieg. De vastes Panzerdivisionen percent en plusieurs points la ligne de front, soutenues par une aviation composée essentiellement de bombardiers en piqué.

Chez les Alliés, et notamment en France, quelques officiers, dont le Colonel De Gaulle, prônaient cette stratégie depuis plusieurs années. Mais les officiers des États-Majors Alliés étaient pour la plupart assez vieux, et étaient presque tous des anciens de la Grande Guerre. Ils ignorèrent donc l'évolution de l'art de la guerre pour rester cantonner à la stratégie de la guerre des tranchées, confortée par la célèbre et soi-disant invulnérable Ligne Maginot, où l'infanterie est la ''reine des batailles''. Le temps devait leur montrer l'inefficacité de cette pensée pour ce conflit. Mais la France a-t-elle perdue la guerre sans combattre, comme le laisse croire une idée largement répandue ? Dans un premier temps, nous allons faire l'état des lieux sur le front occidental, puis nous étudierons l'attaque allemande lancée le 10 mai 1940.

L'état des lieux sur le front occidental

Carte de la ligne Maginot

Dès septembre 1939, la "Drôle de guerre" s'installe. La stratégie française, basée sur la défense, ne permet qu'une offensive limitée aussi bien dans la puissance que dans la durée dans la Sarre. Cette dernière commence le 9 septembre 1939. Les troupes françaises sont étonnées de voir que la résistance est quasi-inexistante. Malgré cela, le Général Gamelin stoppe l'offensive et donne l'ordre de retraite le 21 septembre, après une avance de seulement 8km en Allemagne. Il faudra attendre le 17 octobre pour que les dernières unités quittent l'Allemagne. Cela montre bien l'état d'esprit du commandement français, face à un état-major allemand entièrement tourné vers la Blitzkrieg.

Les armées

En Mai 1940, sur le théâtre d'opérations du Nord-Est, la France aligne 72 divisions d'infanterie, 5 divisions légères de cavalerie (camions + chevaux), 3 divisions légères mécanisés, 3 divisions cuirassées de réserve et 4 brigades de cavalerie (chevaux) soit un total de 83 divisions. De plus, elle est renforcée par le Corps Expéditionnaire Britannique, composé de 10 divisions d'infanterie et une division blindée. On peut ajouter à cela les 22 divisions belges (en valant 12 en effectifs) et les 8 divisions hollandaises. Les Alliés ont donc un total de 124 divisions opérationnelles.

L'armée allemande, quant à elle, regroupe à l'ouest 10 Panzerdivisionen, 6 divisions motorisées et 120 divisions d'infanterie.

Cet approximatif équilibre est trompeur. En effet, l'intégralité des blindés allemands sont regroupés au sein des 10 divisions blindées, ce qui donne entre 220 et 320 chars par division. Côté Alliées, les divisions blindées françaises sont composés en moyenne de 130 chars, alors que les blindés les plus moderne et les plus puissants sont éparpillés au sein de brigades et de compagnies le long du front au sein des divisions d'infanterie; et la division blindée anglaise se compose de 284 chars légers, le reste des chars étant eux aussi éparpillés dans les divisions d'infanterie.

La logistique

Outre les lacunes en terme d'effectifs et de composition des unités, les divisions françaises manquent de logistique et d'organisation. En effet, les blindés français sont peu nombreux à être équipés de radio, forçant les officiers à courir de char en char pendant les combats pour transmettre les ordres. De plus, l'infanterie n'a pas été entièrement rééquipé. On voit ainsi des soldats français encore équipés des Berthier modèle 07-15, ou encore des Lebel 1886. En effet, le fusil censé être en dotation standard, le MAS-36, n'a pas encore remplacé tous les fusils de la Grande Guerre sur les râteliers. De plus, le MAS-36 étant de calbre 7,5mm, et le Berthier de calibre 8mm, de graves problèmes de logistique se font ressentir lors de la livraison des munitions.

Côté allemand, le fusil en dotation est le Karabiner 98K, avec lame chargeur 5 coups de calibre 7,92x57mm. De plus, cette munition était la même pour les mitrailleuses et les anciens modèles de fusil Mauser 1898, facilitant ainsi la logistique.

Le plan jaune (Fall Gelb) de Mainstein

La stratégie

Stratégie militaire française : défense derrière la Ligne Maginot. Avancée des meilleures unités françaises et du CEB britannique en Belgique. Ardennes jugées infranchissable : très peu de défenses. Commandant en chef : Général Gamelin. L'Armée Française doit faire face aux problèmes de son réarmement, qui n'est pas achevé. En effet, la Ligne Maginot n'est pas totalement terminée, et l'industrie française n'a pas réussi à produire tout le matériel commandé par l'État avant le début du conflit. Ainsi, les unités françaises sont parfois encore équipés comme en 1918, et les unités blindées n'ont pas leurs effectifs au complet.

Stratégie militaire allemande : attaque de la Belgique et des Pays-Bas servant de feinte pour attirer les divisions alliées le plus au nord possible. Percée des blindés par les Ardennes, attaque de Sedan, et course à la mer pour couper les unités alliées en Belgique de leur logistique et de leur commandement. Plan Jaune (Fall Gelb). Commandant : Keitel (OKW), Mainstein (créateur du plan). Les officiers allemands ont pu utilisé la campagne de Pologne pour mettre en application la Blitzkrieg. Ils ont ainsi obtenu une expérience non négligeable, face à des officiers français dont la majorité reste attaché à la guerre d'infanterie et de position.

L'attaque allemande

La Belgique et la Hollande

Le 10 mai, les forces allemandes des groupes d'armée A et B attaquent le Benelux. Les parachutistes allemands sautent sur les ponts hollandais, et l'infanterie allemande approche du fort belge d'Eben Emael. Hitler justifie cette attaque comme un mouvement défensif pour protéger la neutralité de la Belgique et de la Hollande, menacée par la France et la Grande-Bretagne.

À 4h30 du matin, l'aviation allemande commença les bombardements de la Belgique et de la Hollande. À 5h, le fort d'Eben Emael, réputé imprenable et moderne, tombe aux mains d'une centaine de parachutistes allemands, alors qu'il était défendu par plus de 7000 soldats belges. La surprise a été totale. Cela reflète bien la situation sur tout le front. Les Allemands avancent avec une rapidité surprenante, et percent les lignes de défenses avant même que les appelés n'aient eu le temps de rejoindre leurs unités. Néanmoins, certaines unités belges mènent une résistance acharnée en attendant les troupes alliées, comme la résistance de la 1ère division de chasseurs ardennais, qui combat les unités allemandes jusqu'à l'ordre de repli ou jusqu'à ce que l'ennemi menace les unités belges d'encerclement. Dès le début de l'attaque allemande, les troupes françaises et britanniques entrèrent en Belgique.

En application du plan du Généralissime Gamelin, la 7ème Armée Française devait rejoindre Anvers (Belgique) et Breda (Hollande) pour se porter au secours de la Hollande. Cette manoeuvre était symbolique, car il était impossible, même aux yeux de Gamelin, que la Hollande soit défendue par la France. Les armées belges et britanniques avancèrent devant Bruxelles, pour utiliser la Dyle comme défense naturelle. La 1ère Armée Française se plaça entre la Dyle et Namur. La faible 9ème Armée devait défendre une ligne Namur-Mézier, et la 2ème Armée était placé en France face aux Ardennes. Ces deux dernières armées étaient composées essentiellement de réservistes et d'hommes âgés. De plus, les divisions d'infanterie de ces armées n'étaient pas complètes, et elles manquaient de matériel antichar.

En Hollande, malgré l'arrivée de la 7ème Armée Française au sud-ouest du pays dans la région de la Zélande, les faibles forces hollandaises sont balayés, et l'État-Major estime que le pays sera occupé dès le 14 mai. Malgré la Forteresse Hollande, ligne de fortification autour d'Amsterdam, les Pays-Bas sont battus en quelques jours, et le 14 mai, le commandement capitule, après le bombardement de Rotterdam, alors déclaré ville ouverte. La Reine Wilhelmine des Pays-Bas se réfugie le 13 mai avec son gouvernement à Londres. Les Pays-Bas sont tombés.

En Belgique, les forces alliées mènent une résistance acharnée contre les troupes allemandes. A Hannut, du 12 au 14 mai, la première bataille chars contre chars a lieu, opposant les unités de la 2ème et de la 3ème Division Légère Motorisée du Général Prioux aux unités Panzer du Général Hoepner. Cette bataille est une victoire française, avec 164 chars allemands détruits pour 105 chars français perdus, la moitié uniquement à cause de l'aviation, ce qui montre l'efficacité des blindés français dans des combats chars contre chars. Cette victoire retarde légèrement les unités allemandes, permettant aux forces franco-anglo-belges de continuer le renforcement des lignes de défenses.

Dans un même temps, et malgré la résistance des forces alliées en Belgique, les Panzers allemands percent le 12 mai les lignes de défenses de la 2ème Armée à Sedan.

L'effondrement des unités franco-anglo-belges

Alors que le meilleur des unités françaises se bat dans le centre et le nord de la Belgique, les Allemands commencent à appliquer le Plan Jaune le 13 mai, une fois la percée de Sedan effectuée. Les Panzers de Guderian commencent donc leur avance vers le nord-ouest afin de couper les unités alliées du reste de la France.

Alors que les unités blindées allemandes avancent en France vers la Manche, le commandement français tente d'organiser une contre-attaque afin de dégager les unités alliées de la Belgique. Le 21 mai 1940, les unités anglaises du secteur d'Arras, épaulés par une soixantaine de chars de la 3ème DLM, tentent une contre-attaque pour stopper la Blitzkrieg allemande. Le résultat de la contre-offensive est mitigé, mais les panzers allemands sont forcés de stopper leur avance, permettant aux unités françaises de Dunkerque de fortifier un peu plus leurs positions. Le 28 mai, le Général Weygand, qui remplace le Général Gamelin à la tête des armées françaises, veut dégager une route de repli pour les unités alliées à Abbeville. Il ordonne au Colonel De Gaulle, mis à la tête de la nouvelle 4ème Division Cuirassée de Réserve, et à la 2ème DCR du Colonel Perré, de contre-attaquer les Allemands à Abbeville. Cette opération a aussi pour but d'établir une ligne de défense sur la Somme, et de couvrir la défense de Dunkerque. Cette bataille est en partie un succès pour l'Armée Française. Les troupes allemandes sont temporairement repoussées, mais par manque de réserves et de logistique, le Colonel De Gaulle ne peut exploiter la percée pour dégager la poche de Dunkerque. De plus, le Général Gort, commandant du Corps Expéditionnaire Britannique, ordonne le repli des divisions anglaises vers les plages et les ports autour de Dunkerque, laissant les unités belges sans soutien. Cela entraîne en partie la capitulation du Roi Léopold III et de ses unités le 28 mai face aux Allemands.

Alors que Dunkerque semble proche de la capitulation, les blindés allemands stoppent leur avance le 24 mai devant la ville. Ordre a été donné à la Luftwaffe de réduire à elle seule la poche de Dunkerque. Elle échoue, et les blindés allemands reprennent leur avance le 27 au soir. Cela aura néanmoins permis aux unités alliées de préparer leurs positions. Grâce à une résistance acharnée des forces françaises, l'Opération Dynamo permet l'évacuation de 338 226 combattants, dont 123 095 Français. Néanmoins, 35 000 soldats français sont capturés, et on compte plus de 11 000 morts côté allié. Le 4 juin, la croix gammée flotte sur le port de Dunkerque.

L'écroulement de la France et de la IIIème République

La défaite des forces alliées dans le Nord et la Belgique, et l'avancée allemande, provoque un exode sans précédent. Entre le 15 mai et le 10 juin, on dénombre environ 6 000 000 de Français sur les routes. Cet exode ruine la logistique française et ralentit les mouvements des troupes. De plus, les colonnes de civils sont souvent bombardés par la Luftwaffe.

L'offensive allemande reprend le 5 juin vers le sud. Le Général Weygand a constitué une ligne de défense le long de la Somme, de l'Aisne et de l'Ailette pour retenir les forces allemandes. Mais malgré une résistance farouche de la part des unités françaises, les Allemands percent le 7 juin sur la Somme et le 10 sur l'Aisne. Rouen est occupé le 9 juin, et Paris, déclaré ville ouverte, est occupée sans combats de 14 juin. Le 18, la chute de Belfort finit l'encerclement des unités françaises de la Ligne Maginot, mais ces dernières continuent pour certaines le combat jusqu'à après l'armistice.

La chute de Paris, doublée de la déclaration de guerre de l'Italie reçue le 10 juin, entraîne un vent de panique au sein du monde politique et militaire français. Le gouvernement se divise en deux : ceux qui sont favorable à l'armistice et ceux qui souhaitent continuer le combat depuis l'Empire. Weygand, Pétain, Laval et Darlan soutiennent l'idée d'un armistice avec l'Allemagne, alors que Reynaud ou De Gaulle sont prêts à continuer le combat depuis l'Empire. C'est le premier camp qui gagne, et Reynaud, Président du Conseil, choisit la démission le 16 juin 1940. Le Président de la République Albert Lebrun appelle alors Pétain au poste de Président du Conseil. De Gaulle, alors Général de brigade à titre temporaire et sous-secrétaire d'État à la Défense, s'envole pour Londre le 17 juin, et lance un appel à continuer le combat le lendemain. Il ne sera que très peu écouté, notamment à cause du chaos régnant en France. Le 21 juin, plusieurs députés, dont Mendès-France et Daladier, montent à bord du Massilia pour rejoindre l'Afrique du Nord. Ils seront tous arrêtés le 24 à Casablanca, et seront bloqués dans le port sans possibilité de retour vers la France pendant plusieurs jours, et ce malgré leurs protestations.

Le 22 juin 1940, alors que Pétain avait lancé lui aussi un appel aux Français pour faire cesser les combats, la délégation française, dirigée par le Général Huntziger, se rend dans la clairière de Rethondes, où les Allemands ont replacés le Wagon de Foch, là où l'Empire Allemand signa l'armistice de novembre 1918. Pour Hitler, cela permet d'effacer la défaite de 1918 et d'humilier la France. On peut retenir quelques points importants de ce texte d'armistice, qui contenait 24 articles :

  • Les prisonniers de guerre français restent en captivité jusqu'à la signature d'un traité de paix.
  • La moitié nord, ainsi que la côte atlantique, passent sous occupation allemande.
  • La France devra payer les frais d'occupation, s'élevant selon l'Allemagne à 400 millions de marks par jour.
  • L'armée française est limitée à 100 000 hommes, sans blindés, sans armes antichar, sans artillerie et sans DCA.
  • La souveraineté de Vichy s'exerce sur tout le territoire, même la zone occupée, sauf en Alsace et en Moselle, mais l'administration française devra coopérer avec l'administration d'occupation allemande.

Lors de la signature, le Général Huntziger appelle le gouvernement et demande l'ordre de signer ce traité, car il ne souhaite pas le faire. Cet armistice devra s'appliquer 6h après la signature d'un armistice avec l'Italie. Du fait que les forces italiennes n'ont pas réussi à pénétrer en France et ont été retenus par l'Armée des Alpes, Mussolini doit abandonner ses revendications sur la Savoie, Nice, la Corse, la Tunisie, Djibouti et les grandes villes d'Algérie. L'armistice s'applique donc le 25 juin à 00h35.

La campagne de France, plus souvent appelé Bataille de France, prend donc fin le 25 juin 1940, après la signature de l'armistice avec l'Allemagne, et la signature de l'armistice avec l'Italie. Malgré l'idée reçue, l'Armée Française a donc combattu héroïquement les armées de l'Axe. Ces armistices mettent un terme à la IIIème République, avec la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 qui offre les pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Son gouvernement, à Vichy, entamera une politique de collaboration avec l'Allemagne.

Suite à ces armistices, Churchill, ayant peur de voir la Royale (marine française) tomber entre les mains de l'Axe, ordonne à plusieurs escadres de rejoindre les ports d'Afrique du Nord, où la Flotte s'est réfugiée, et de leur envoyer un ultimatum afin de les forcer à rejoindre l'Angleterre ou à se saborder. Cela entraîne à Mers-El-Kébir le bombardement de la flotte française, et la perte pour la Royale des cuirassés Provence et Bretagne, et du croiseur de bataille Dunkerque, ainsi que la mort de près de 1300 marins français. Cette attaque sera utilisée par la propagande vichyste et allemande pour dénoncer la volonté de l'Angleterre de continuer la guerre alors que Hitler avait proposé la paix. De plus, cela relance l'anglophobie en France, et notamment chez les Français d'Algérie, qui voient ainsi un des seuls moyens de protection des colonies se faire détruire. Malgré cette attaque, quelques Français pensent qu'il faut continuer la lutte et rejoigne le Général De Gaulle à Londres.

  • Gungauss Ancien membre d'HistoriaGames.