Et si un volcan d'Alaska avait participé à la chute de la République romaine

Thématique
Antiquité
30 juin
2020

La nature est bien souvent surprenante et peut avoir des impacts majeurs sur les Hommes et les sociétés. Les problèmes climatiques actuels nous le prouvent au quotidien, mais ce n'est pas la première fois dans l'Histoire que la nature à un impact décisif sur une société. On avait déjà évoqué le cas du volcan Tambora et de la bataille de Waterloo. Cette fois-ci c'est la République romaine qui en aurait fait les frais à son crépuscule.

Le travail d'une l'équipe internationale de scientifiques et d'historiens a permis récemment de mettre en exergue l'impact déterminant d'une éruption massive d'un volcan d'Alaska – le volcan Okmok – qui a participé à créer une période de froid jusqu'alors inexpliquée sur l'ensemble de la planète, et notamment en Italie où la République romaine connaissait alors d'importants troubles.

Et si un volcan d'Alaska avait participé à la chute de la République romaineVue aérienne de la caldeira Okmok.

En 44 avant notre ère, alors que Jules César vient d'être assassiné par une conspiration de sénateurs d'alors, une période de froid inexpliquée - marquée par les mauvaises récoltes, la famine, la maladie et les troubles – a alors lieu sur l'ensemble du bassin méditerranéen. À cela s'ajoute de nombreux phénomènes visuels surprenants alors interprétés par les prêtres comme la marque de la colère de Dieu. Cette éruption volcanique aurait ainsi participé à la chute de la République romaine et au début de près de 20 années de conflit pour le pouvoir. Elle aurait également été fatale à l'Egypte ptolémaïque.

Longtemps soupçonnée, la responsabilité d'un volcan quant à cette période de froid intense n'avait pu être jusqu'alors confirmée ni imputée à un quelconque volcan sur la planète. On doit cela aux recherches menées en Arctique par une équipe de recherche dirigée par Joe McConnell, Professeur au Desert Research Institute de Reno, au Nevada. C'est leurs analyses des cendres volcaniques présentes dans des carottes prélevées en Arctique qui ont permis de relier la période de climat extrême inexpliquée en Méditerranée avec l'éruption formant une caldeira du volcan Okmok en Alaska en 43 avant notre ère.

Et si un volcan d'Alaska avait participé à la chute de la République romaineVue aérienne du cône D d'Okmok, né au cours de l'éruption de 2008.

C'est un véritable travail d'enquêteur auquel s'est livrée l'équipe en analysant des carottes prélevés en Arctique mais aussi au Groenland et en Russie, dont certaines ont été forées dans les années 90. Leurs travaux ont ainsi mis en évidence deux éruptions volcaniques du même volcan Okmok, l'une courte et intense en 45 avant notre ère et l'autre qui est désormais considérée comme l'une des plus grandes éruptions des 2500 dernières années.

C'est cette deuxième éruption qui est considérée comme responsable des retombées de cendres sur le bassin méditerranéen en 43 avant notre ère et ayant provoqué la période de froid alors observée.

En collaboration avec des collègues du Royaume-Uni, de Suisse, d'Irlande, d'Allemagne, du Danemark, de l'Alaska et de l'Université de Yale dans le Connecticut, l'équipe d'historiens et de scientifiques a rassemblé des preuves à l'appui de partout dans le monde – en Scandinavie, en Autriche, en Californie ou encore en Chine – qui leur ont permis de modéliser le système terrestre afin de comprendre l'ampleur de l'événement volcanique de cette époque et de ses effets sur le climat.

C'est ainsi que les chercheurs ont pu déterminer que les deux années suivant l'éruption du volcan Okmok furent parmi les plus froides des 2500 dernières années. Ils estiment ainsi que c'est une baisse de près de 7°C par rapport aux normales saisonnières qui eut lieu pendant l'été et l'autonome de l'année 43 av JC, mais aussi que les précipitations estivales de cette année-là furent entre 50% et 120% plus élevées que la normale en Europe du Sud et que pour l'automne ces précipitations furent jusqu'à 400% plus élevées.

Et si un volcan d'Alaska avait participé à la chute de la République romaineAnomalies climatiques globales simulées des années 43 et 42 av.J.-C. à la suite de l'éruption d'Okmok II formant une caldeira dans les Aléoutiennes en hiver 44/43 av.J.-C. (Crédit: Woon Mi Kim, Uni. Berne).

C'est toute l'agriculture du secteur méditerranéen qui eut à pâtir de ces conditions climatiques extrêmes avec des rendements plus faibles entraînant famines, maladies et pénuries en tout genre, qui ont participé à l'aggravation des troubles politiques que connaît alors le bassin méditerranéen. Le royaume Ptolémaïque d'Egypte fut notamment en première ligne face à ces difficultés avec une quasi absence de crue du Nil l'année de l'éruption du volcan d'Alaska. Ces difficultés agricoles coïncidant avec une période charnière de l'histoire de ce royaume ont ainsi contribué à sa chute.

Plusieurs phénomènes atmosphériques observés à cette époque semblent aussi trouver leur explication dans l'activité volcanique d'alors. Ces phénomènes furent alors interprétés comme des présages divins par leurs contemporains.

Bien que la chute de la République romaine soit due à de multiples facteurs, les puissantes éruptions successives du volcan Okmok ont, pour les scientifiques, indéniablement été un facteur déterminant. Leurs découvertes permettent ainsi de répondre à plusieurs interrogations que chercheurs et historiens n'arrivaient jusqu'alors à expliquer. Malgré la période de troubles initiale, la chute de la République romaine a ainsi entraîné l'émergence de l'empire romain qui a su perdurer des siècles après cet évènement.

L'étude est à retrouver dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.