Les hilotes, peuple soumis aux Spartiates

Da Veenci
Thématique
Grèce antique
14 janvier
2015

Les hilotes, peuple soumis aux Spartiates

« Ahou, Ahou, Ahou ! »

Par ces mots, Léonidas et ses hommes introduisaient une nouvelle onomatopée dans notre vocabulaire, permettant ainsi à ce message pénétrant de traverser les âges et d'arriver jusqu'à nous. On se doute que, pour atteindre cette maîtrise du langage hors du commun, sans compter un vocabulaire si riche et soigné, le Léonidas ne devait pas passer son temps dans les champs. Étudier prend du temps. Bien entendu ses camarades guerriers, ceux qui se moquaient du jeune Roi un peu efféminé, eux non plus ne travaillaient pas dans l'agriculture. Mais qui s'en chargeait alors ? Les femmes ? Non. Les vieux de la communauté ? Non ? Des esclaves alors ? Pas tout à fait.

Bonjour...

Un Spartiate montre un hilote ivre à son fils (peinture de Sabbate, Paris, Ecole des Beaux-Arts)VIème siècle avant J.-C. Dans les champs de Sparte travaille une drôle de main d'œuvre, soumise et corvéable à merci : les Hilotes. Ces serfs antiques, qui sont la propriété de l'État spartiate, sont privés de droits et doivent obéir au bon vouloir des citoyens. Leur origine est floue. Les historiens ont d'abord pensé qu'il s'agissait de peuples soumis à Sparte, mais la thèse actuellement privilégiée dit que ces Hilotes seraient des Lacédémoniens, qui n'auraient pas participé aux guerres de Messénie. Sombre origine en tout cas...

Ils sont attachés à un lopin de terre, le kleros, qui lui-même appartient à un Spartiate citoyen. Il ne peut ni les vendre ni les affranchir, mais peut les prêter à son voisin. Leur statut est proche de celui des esclaves normaux, même si ils ont le droit de vivre en famille, ce qui n'est pas négligeable. Les Hilotes doivent donner une partie conséquente de leur récolte à leur « proprio » qui les remercie en les humiliant sèchement.

Selon la terre qu'ils cultivent, ils peuvent parfois faire plusieurs récoltes à l'année et s'enrichir, même si les Spartiates prennent régulièrement des mesures pour limiter cet enrichissement chronique. D'autant plus que cela leur aurait donné la possibilité de racheter leur liberté contre un montant élevé, mais possible à réunir. Leur rôle était d'autant plus primordial dans cette société guerrière qu'ils étaient méprisés, et humiliés de façon rituelle….

Un de plus, un de moins...

À Sparte les Éphores, sorte de ministres élus par le peuple et qui forment l'exécutif local, entraient en fonction chaque année. Et que faisait un Spartiate pour fêter ceci ? Massacrer des Hilotes pardi. Surtout qu'ils ne risquaient pas de souillure religieuse en ce jour béni. Les jeunes Spartiates qui passaient la fameuse épreuve de la Kryptie se lançaient donc à la chasse à l'Hilote, les massacrant par milliers, pour s'entraîner avant de se mesurer à un gibier plus coriace. L'Hilote ne pouvait répliquer sous peine du massacre de sa famille et périssait sous les coups d'épée des apprentis guerriers. Pauvres diables... Mais ce n'était hélas pas la seule manière de les maltraiter :

  • En effet, les Spartiates qui étaient attentifs à la santé de leurs travailleurs, tuaient les plus « gras » d'entre les Hilotes, dans l'unique but de maintenir un IMC bas parmi leurs serfs (ironie). Aussi on infligera une amende au maître qui les aura laissés grossir !
  • Ensuite, on en fouettait annuellement, histoire de leur rappeler qui sont les maîtres à bord. Sympas, les Spartiates n'en maltraitaient qu'une petite partie...
  • Aussi, on les humiliait lors des Syssities, banquets obligatoires, en les faisant danser ivres, etc.
  • Pour finir, on les obligeait à porter des chapeaux faits de peau de chèvre et/ou de chien pour les distinguer dans la foule.

Le retour de bâton

Il y eut fort peu de révoltes hilotes à Sparte. La plus importante est celle qui eut lieu en 464 av. J.-C.: les Hilotes profitent en effet du terrible séisme qui secoue la ville pour prendre les armes. Ils sont alors soutenus par les Mésséniens, qui étaient alors en guerre avec Sparte. Mais le roi Archidamos II rassemble les Lacédémoniens et leur permet d'échapper au péril hilote. Les Hilotes se retranchent sur l'Ithômé. Les Spartiates appellent leurs alliés au secours, et même Athènes, bien que l'information soit probablement fausse. Une guerre de guérilla commence, s'achevant 10 ans plus tard par une semi-victoire : les Hilotes qui occupent l'Ithômé sont libres et s'installeront à Neupacte. Ce conflit est communément appelé la 3ème guerre de Messénie.

Conséquences démographiques

Les Hilotes deviennent rapidement plus nombreux que les Spartiates, constituants bientôt la majorité des guerriers de Sparte ! En effet, l'une des façons pour un Hilote de pouvoir gambader librement sur les plages grecques était de se distinguer au combat, et de gagner sa liberté par son sang ! On est bien à Sparte hein... Ils surpassent donc en nombre les Omoioi durant les combats. On estime leur nombre à 200 000 au Vème siècle avant J.-C. Il faut noter que les citoyens ne dépassent pas les 1000 individus au temps d'Aristote, pour un maximum de 800 soldats mobilisables. On peut donc comprendre que, peu à peu, les Hilotes prendront leur liberté. Phénomène d'autant plus facilité par le déclin rapide de la population spartiate, entre autres dû au tremblement de terre et à la Guerre Hilotique qui s'ensuivit. Durant toute la durée de leur servage, les Hioltes ont ainsi formé le gros de la population.

L'enfer, c'est les autres

Ce type de servage était présent aussi en Thessalie, où des tribus d'Epire envahirent la région pour réduire la population autochtone à un statut proche des Hilotes, leur nom était les Pénestes. Un type semblable de servage était aussi présent en Crète, les serfs étaient alors appelés « Clarotes ».

Petite conclusion

Le servage était un état terrible pour le serf, un statut souvent proche de celui d'esclave. Il était sans conteste le statut le plus répandu en Europe occidentale au Moyen-Age et jusqu'à la fin du 19ème siècle en Russie. Il est selon moi l'archétype d'une société relativement primitive, où les travaux agricoles étaient réservés à une sorte de sous-classe, dominée par une élite politico-guerrière. C'est la création de « villefranches » et des « bastides », entités affranchies du pouvoir féodal et dominées par les bourgeois qui permit la disparition progressive de ce statut en France, au cours du XIVème siècle. On vit son abolition en Russie en 1861 ou plus récemment au Tibet en 1959.

Quelques livres sur le sujet

  • Jean Ducat, Les Hilotes, Ecole française d'Athènes, 1990, 212 pages.
  • Pierre Briant et Raymond Descat, Le Monde Grec Aux Temps Classiques, tome 1, le Vème siècle, Presses Universitaires de France, 1995, 520 pages.

#JESUISCHARLIE

  • Da Veenci Le Bernard de la Villardière, Ancien membre d'HistoriaGames
  • « Vivant, il a manqué le monde. Mort, il le possède » écrit Chateaubriand à propos de Napoléon.