À la découverte du jeu de plateau 1943

Roi de Dreamland
12 août
2021

Il y a de cela quelque mois, nous vous avions présenté un projet de jeu de cartes et de plateau intitulé « 1940 ». Ce dernier a fait son chemin et a même été renommé, à la suite du succès de sa campagne de financement participatif, initiée sur la plateforme KissKissBankBank.

Finalement publié sous le nom de 1943, nous avons pu nous en procurer un exemplaire en vue de tester son concept qui s'avère être des plus prometteurs.

À l'origine du projet

Ils sont trois jeunes amis français : Alexandre, Louis et Eloi. Ce dernier accepte de nous rencontrer un bel après-midi ensoleillé de juin, à Paris, afin de nous présenter son « bébé » et de nous raconter sa création.

Fondateur, avec ses deux compères, de la start-up Savr, spécialisée dans la proposition de solutions contre le gaspillage alimentaire destinées au milieu de la restauration, Eloi se retrouve bien embêté au moment du second confinement ayant eu lieu aux mois d'octobre et de novembre 2020 puisque la fermeture des restaurants le met de facto au chômage technique.

Ayant profité du premier confinement pour mettre à jour tout ce qui devait l'être, les amis n'ont plus de travail en souffrance mais ont en revanche du temps libre à revendre. Ils décident alors de le mettre à profit et se lancent le défi de créer un jeu de carte et de plateau.

Au-delà d'être passionnés par ce type de jeux, ils aiment également l'Histoire. Au fil des discussions, les goûts de chacun sont mis sur la table. Progressivement, une thématique semble se démarquer : celle de la vie en France sous l'Occupation, entre résistance, incertitude et collaboration.

Après avoir fixé les grandes lignes de la thématique et du projet commence la phase de la conception du jeu à proprement parler. Plusieurs semaines pour en imaginer les règles, mais aussi pour s'associer à une illustratrice afin de s'occuper de l'identité visuelle et des personnages dont la galerie est aussi atypique que sympathique.

Une fois le premier prototype achevé, il faut encore y ajouter de longues semaines d'équilibrage du gameplay en vue de le peaufiner un maximum, ce qui permettra d'offrir au joueur la meilleure expérience possible dans la version finale, celle qui sera commercialisée.

Pour se faire, Eloi et ses collègues donnent du leur et enchainent les parties, jouant et faisant jouer leurs familles et leurs amis au jeu jusqu'à ce que celui-ci soit plaisant. De l'aveu d'Eloi, cette phase est très utile, car les retours d'utilisateurs extérieurs au projet sur telle ou telle facette du gameplay ont permis au créateur d'améliorer le jeu et de corriger certain de ses défauts.

1943 : Quesaco ?

1943

L'inspiration derrière 1943 se retrouve par ailleurs renforcée par une pièce de théâtre : « le repas des fauves », dans laquelle un groupe d'amis se réunit pour un diner au cours duquel la Gestapo fait irruption. Un attentat a eu lieu et un officier allemand a été tué. La Gestapo a la certitude que les résistants responsables de cet acte assistent au diner et exige qu'ils se dénoncent sous peine d'exécuter des otages. Dès lors, la suspicion devient généralisée entre les amis, dans un huis-clos où tout le monde suspecte le reste de l'assemblée.

Le jeu reprend les grandes lignes de l'intrigue cette pièce de théâtre. Réunissant entre 4 et 8 joueurs pour des parties durant entre 25 et 45 minutes, 1943 mettra autour de la table des résistants et des collabos dont le rôle sera tenu secret. Un jeu au rythme idéal pour les soirées entre amis.

Ainsi, le cœur de 1943 repose sur l'asymétrie : asymétrie d'information, tout d'abord, puisque vous ne connaissez que votre rôle, sauf si vous êtes résistant, auquel cas vous connaitrez l'identité de votre binôme.

Asymétrie du rapport de force des camps en présence, car comme indiqué précédemment, les résistants sont en minorité autour de la table, ce qui aura bien entendu de nombreuses conséquences relatives aux différentes stratégies employées par les uns et par les autres, qui pourront dès lors s'avérer très différentes selon la progression dans la partie.

Asymétrie, enfin, dans les objectifs de victoire, puisque les résistants et les collabos ne partagent pas exactement les mêmes buts. En tant que résistant, vous devrez accumuler plusieurs cartes d'indices « résistants ». Vous pourrez être alors tenté de conserver un maximum de cartes, bien que cela entraine le risque de rapidement attirer la suspicion sur vous.

Si vous vous découvrez trop vite, votre comportement pourra rapidement mettre la puce à l'oreille des collaborationnistes autour de la table. Pour leur part, ils l'emporteront s'ils parviennent à transmettre à l'officier allemand 5 cartes d'indices « collabos ». Toujours est-il qu'il reste parfaitement possible de jouer au bluff et de mentir pour tromper son petit monde, ou à l'inverse de faire profil bas en espérant l'emporter discrètement. Les stratégies seront nombreuses !

Le jeu s'avère également très intéressant car la partie ne s'arrête pas dès lors que les collabos sont certains d'avoir découvert l'identité du binôme de résistants. Ainsi, à l'inverse d'un jeu comme « Among us », dont il tire pourtant une certaine inspiration, 1943 est une sorte de poker menteur dans lequel la certitude n'est jamais acquise. Et quand bien même vous auriez la certitude absolue d'avoir cerné le duo de résistants, s'ils manœuvrent assez habilement pour accumuler assez de cartes d'indices résistants avant que vous ne soyez en mesure de remplir votre condition de victoire, ils l'emporteront malgré tout.

Un partenariat avec la Fondation de la France libre

Autre fait qui vient rendre 1943 encore plus intéressant, lui conférent une qualité supplémentaire venant renforcer les nombreuses déjà évoquées dans son gameplay, c'est le partenariat que ses trois créateurs ont acté avec la fondation de la France Libre qui s'est rapidement montée intéressée par l'idée du jeu.

En intervenant comme conseillère auprès du jeu, la fondation est venue apporter tout le poids de son expertise, s'assurant ainsi du respect de l'authenticité historique et du réalisme de 1943. C'est ainsi que le titre original du jeu, « 1940 », a été modifié afin de correspondre historiquement avec l'année d'apparition de la Milice, évitant au passage un anachronisme qui aurait été assez fâcheux. C'est aussi la fondation qui recommande aux créateurs de représenter un officier de la Wehrmacht en lieu et place d'un agent de la Gestapo ou d'un gradé de la SS afin de s'assurer de l'absence de restrictions légales au moment de la commercialisation du jeu. Ainsi, la fondation de la France Libre pose sur 1943 une sorte de label qualité certifiant la respectabilité du jeu.

Les créateurs, de leur côté, jouent pleinement la carte du partenariat. Une mention est faite à l'intérieur du manuel du jeu afin de mettre en avant l'action de la fondation et de rappeler que 1943 reste un jeu de plateau et de cartes avec les limites que cela entraine nécessairement : en l'occurrence, une sur-représentation des collabos et des résistants qui, au final, étaient largement minoritaires dans une société française largement attentiste sous l'Occupation.

À une époque où la réécriture de l'Histoire, souvent à des fins malhonnête ou idéologique, se veut monnaie courante, on ne peut que saluer et apprécier cette initiative et cette honnêteté intellectuelle.

1943

Lancement prochain d'une seconde vague de commandes

Pour l'heure, les créateurs de 1943 sont satisfaits : la campagne sur KissKissBankBank a été un succès et le jeu s'est vendu à la hauteur de leurs attentes qui se voulaient relativement modestes pour leur première création. Ils ne rêvent pas d'un hit ou d'un immense succès et restent particulièrement pragmatiques. Dans un milieu où il est très dur de se faire une place dans les rayons des magasins spécialisés et où de nombreuses grandes licences monopolisent et accaparent le marché, les places au soleil sont aussi rares que difficiles à saisir.

Aussi, Eloi n'a aucune honte à le dire : 1943 reste un jeu que lui et ses amis ont fait pour mener un projet à bien sur leur temps libre. Le but est atteint. La satisfaction est là. Les trois amis ne courent pas après là gloire et ne proposerons un second jeu ou une extension pour 1943 que s'ils ont LA bonne idée qui viendrait en justifier la création.

Si les quelques 400 heureux qui ont financé le projet ont d'ores et déjà reçu leur exemplaire du jeu, sachez que tout n'est pas encore perdu si vous avez été convaincus et désirez vous le procurer. En effet, Eloi nous garantit qu'une seconde vague de commandes pourra bientôt être passée pour les exemplaires invendus à ce jour, sur Amazon.

Au final, vous l'aurez compris. De par sa thématique comme de par l'asymétrie de son gameplay, 1943 est un jeu de plateau qui aura su nous séduire. Son format et la durée de ses parties en font un jeu idéal pour les soirées entre amis et nous ne pouvons que chaudement vous recommander ce jeu, très intéressant, né de la passion et du travail de trois amis.

  • Zog Chroniqueur, Historien, Testeur, Youtubeur
  • « Une Europe fédérée est indispensable à la sécurité et à la paix du monde libre. » par Jean Monnet en 1952