Les Grands jeux romains de Nîmes : Retour vers le passé

L'Amiral
Thématique
Grands jeux romains de Nîmes
8 mai
2019

Le char bleu vient de dépasser son concurrent rouge. Chaque virage soulève des nuages de poussière et l’arène résonne des cris de soutien des spectateurs. Certains agitent des étoffes rouges, d’autres bleues, pour encourager leur attelage favori. Juste avant, j’ai pu admirer les performances de plusieurs gladiateurs, qui ont chacun rivalisé de pugnacité. Et non, je ne suis pas sous l’influence de psychotropes, ni en phase de sommeil profond : j’ai assisté à une séance des Grands jeux romains de Nîmes, le samedi 4 mai 2019.

Les Grands jeux romains de Nîmes : Retour vers le passé

13h45 : J’arrive en bordure de Nîmes en voiture avec mon photographe, Rémi. « On va se garer en bordure de ville, puis on rejoindra le centre grâce aux navettes spéciales » me dit-il en descendant de son véhicule. La ville de Nîmes a prévu un réseau de transports en commun qui dessert exceptionnellement le centre toutes les sept minutes : plutôt intéressant quand on compare avec la rareté des places de stationnement près des arènes. On sort le matériel puis on se dirige au pas de course vers l’arrêt de tram-bus.

14h00 : Nous sommes dans le parking presque rempli. Beaucoup de familles. « On va voir des gladiateurs papy ? » s’étonne un petit. « Sûrement ! Avec des légionnaires ! » répond son parent. Petit-à-petit, nous entrons dans Nîmes, et les premiers vestiges romains sont aperçus.

14h15 : Après avoir quitté le tram-bus, nous nous dirigeons vers les arènes, visibles au loin. Moi avec pour seul bagage mon fidèle carnet, Rémi avec tout son attirail photo, paquetage digne d’un légionnaire des temps modernes. Des premières tentes blanches se détachent à quelques encablures : voilà le marché de l’artisanat romain. Quelques badauds se pressent déjà autour des tentes où resplendissent sur des étals broches, fibules, glaives et autres reproductions d’artefacts antiques. Je souris à la vue d’un jeune couple, visiblement peu au fait de l’archéologie, acheter un grand torque et le placer au poignet. Quelques légionnaires déambulent parmi les échoppes, qui sont toutes animées par des vendeurs en tenue d’époque.

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14h30 : Nous sommes au bord des arènes. Le bâtiment, qui a presque 2000 ans, est encore majestueux, malgré les quelques dommages subis. À côté se trouve le tout nouveau musée de la Romanité, avec son exposition sur Pompéi. « On le fait demain » me lance Rémi. Cela me convient. Pour l’instant, nous regardons les expositions de troupes mais aussi les deux reproductions de navires romains. Quelques reconstituants barbares, grimés de noir, passent entre les visiteurs ; ils parlent allemand, italien ou espagnol.

14h45 : Nous nous présentons devant la porte réservée à la presse. « Vous devez emprunter le vomitoir 206 » nous dit tout en sourire l’hôtesse d’accueil. L’intérieur du bâtiment est sombre, les entrailles des arènes résonnent des pas des premiers visiteurs. Dehors, de longues files humaines se créent à chaque entrée. Impossible de ne pas s’imaginer, deux millénaires en arrière, emprunter ces couloirs grouillants de vie avant les jeux. L’arène, pour l’époque, a une capacité de 25 000 places ; celle restaurée de nos jours n’en dispose que de 13 000. C’est déjà très impressionnant, notamment quand nous nous plaçons sur les gradins. Tout autour de nous, les places se remplissent doucement, et toutes les classes d’âge sont présentes. Je regarde ma montre : 14h55. Le spectacle doit démarrer dans 35 minutes.

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15h30 : Le soleil alterne avec les nuages. Je me dis que j’aurais dû prendre ma crème solaire, moi qui ne suis pas trop habitué au soleil du Sud. C’est une fin de semaine venteuse, et quelques bourrasques soulèvent le sable de l’arène pour nous l’envoyer dans la figure. Rémi a déjà sorti tout son matériel : pied, objectif, sac… Plus qu’à attendre l’arrivée de l’empereur Hadrien, qui doit annoncer le début des jeux. Le rang derrière nous est occupé par un étudiant et une étudiante qui se racontent leur dernière soirée avec humeur. Je me reconcentre sur l’arène : quatre cavaliers y font un tour de chauffe. Deux sont habillés en barbares, deux autres sont en tunique plus classique.

15h40 : Avec un peu de retard, le présentateur, drapé dans une superbe toge, entre en scène. Cheveux poivre et sel, micro-cravate près de la bouche, il présente l’événement. Puis, le cortège de l’empereur fait son entrée, et l’homme, placide, va s’installer dans la loge impériale, entouré de sénateurs. Les légionnaires font ensuite leur entrée, impressionnants de cohésion, avec les auxiliaires barbares. Les enseignes claquent au vent et côtoient les aigles impériaux.

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15h50 : Après une démonstration magnifique de tortue défensive, le présentateur annonce la reproduction d’une bataille opposant les légions romaines aux phalanges macédoniennes. La bataille de Cynoscéphales ? L’homme en toge reste vague. Mais aussitôt sortent, à la surprise de tous, une trentaine de phalangistes macédoniens en tenues d’époque, sarisses portées haut. Ce spectacle, rarissime, est magnifique. Après avoir lancé leur cri de guerre, les hommes s’installent sur plusieurs rangs, face aux légionnaires romains. S’en suit une démonstration de tir à l’arc, et les phalangistes présentent au public comment un bloc compact de sarisses agitées de gauche à droite peuvent faire dévier les projectiles. Les légionnaires s’élancent alors vers leurs adversaires… pour s’arrêter à quelques pas. « C’est censé être une évocation de bataille, pas une reconstitution, qu’attendiez-vous ? » lâche aux spectateurs hilares le présentateur.

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16h00 : Des monteurs de décor, en tunique rouge, se jettent dans l’arène poussant diverses décorations. Trois chars arrivent : un bleu, un blanc, un rouge. Les chevaux piaffent d’impatience, les spectateurs les encouragent dans un brouhaha amplifié par la nature du lieu. Les trois attelages s’élancent : ils doivent effectuer sept tours de piste. Une lutte acharnée les oppose pour la tête de la course, les chars dérapent dans les virages, soulevant des nuages de poussière. Les spectateurs font monter la pression, quand tout à coup, un char se brise, et le conducteur reste accroché aux rênes, se faisant tirer par ses chevaux sur toute la longueur de la piste. Rien de catastrophique ici, mais une pirouette scénaristique prévue : plus de surprise que de mal pour ce cascadeur !

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16h30 : Après un combat de gladiateurs opposant un ludus de Rome à un autre de Nîmes, place à la dimension plus historique du spectacle. Des étals de marché sont montés, un bac représentant une source d’eau est poussée par les petites mains de l’événement. Les Grands jeux romains de 2019 mettent à l’honneur les invasions barbares, notamment des Cimbres et des Teutons, ayant eu lieu vers -100 et qui ont fait trembler Rome. Nous sommes dans la Nîmes antique, et un druide vient rendre hommage au dieu de la source locale, quand des barbares débarquent, pillant les étals de marché et balayant les quelques défenseurs.

17h00 : Suivent alors plusieurs scénettes, toujours très bien amenées : la défaite d’Arosio (Orange) le 6 octobre -105, où les Romains perdent près de 80 000 légionnaires suite à la rivalité entre les deux consuls en charge, Mallius Maximus et Servilius Caepio. La scène qui arrive présente le jugement des deux consuls, condamnés à l’exil par le Sénat romain, puis l’appel de Gaius Marius, alors en Afrique du Nord et auréolé de gloire après sa victoire sur le roi Jugurtha.

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17h30 : Gaius Marius est revenu à Massilia avec ses troupes. Il leur a fait construire une série de fortifications plus au nord pour attendre le retour des barbares. Ces derniers, partis en Espagne, vont le faire patienter deux ans. Dans l’arène, un véritable camp romain avec des éléments préfabriqués a été monté : le résultat est impressionnant. Les spectateurs, rivés à leur siège, voient avec stupeur arriver enfin les barbares, le roi Teutobod à leur tête. Se tient alors une reconstitution de l’assaut de cette forteresse, les assaillants déployant murs de bouclier et diverses techniques martiales. Mais les Romains résistent… et la dernière scène arrive.

17h45 : L’arène est maintenant vide. Les légionnaires entrent, s’installent en ligne d’un côté. C’est la bataille d’Aquae Sextiae qui est représentée, en -102. Les Teutons et les Ambrons sont attaqués des deux côtés par les Romains, qui en tuent plus de 80 000 selon les sources. La bataille en elle-même est reconstituée pendant plus de quinze minutes : les charges barbares, la contre-attaque romaine, puis la capture du roi Teutobod.

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18h15 : Il est maintenant l’heure pour les spectateurs de quitter l’arène. Les plus jeunes s’en vont avec des souvenirs épiques plein la tête ; les plus anciens, eux, avec le sentiment d’avoir assisté à un beau spectacle. L’événement a été des plus réussis - je ne m’attendais pas à un tel niveau. Les quelques deux heures et demi de spectacle sont passées très vite, dans un cadre magnifique, et dans un professionnalisme à toute épreuve. La fresque présentée par l’équipe l’a été sans accrocs, et finalement, une seule formule reste en tête après le spectacle : « Vivement l’année prochaine ! ».

Crédits photos : Rémi Ville

  • Witz Rédacteur, Testeur, Chroniqueur, Historien
  • « L'important n'est pas ce que l'on supporte, mais la manière de le supporter » Sénèque