À la découverte de sprocket

4 octobre
2022

J'aime penser que les amateurs de mécanique militaires sont des gourmets, de fins connaisseurs qui planent au-dessus de la plèbe. Il n'y a que peu de gens qui soient vraiment capables d'apprécier les lignes puissantes d'un char lourd B1 Bis, ou les courbes discrètes mais élégantes d'un T-38/85. Je vous l'assure, toute la beauté cachée d'un Sturmgeschütz III ne se révèle que dans les profondeurs de son moteur Maybach V-12, derrière 30 millimètres de blindage en acier laminé.

Donc, pour satisfaire cet appel du métal, de la poudre et de la belle mécanique bien huilée, j'ai donc jeté avidement mon dévolu sur des titres comme Tank Mechanic Simulator. Mais ça, c'était avant de découvrir Sprocket.

Car voyez-vous, à force de passer des heures à démonter patiemment les bougies du moteur du KV-2 qui trône dans mon garage virtuel, j'ai fini par me poser certaines questions : que se serait-il passé, si ces andouilles d'ingénieurs de chez Renault avaient eu le réflexe de concevoir une tourelle biplace pour le B1 Bis, au lieu d'une monoplace ?

Dans le feu de la bataille, au milieu des dunes de sables libyens, quel résultat aurait donné un Crusader Mk2 dont le blindage aurait été porté à 40 millimètres au lieu des 26 prévus par les ingénieurs britanniques de Nuffield. Eh bien, il se trouve qu'aujourd'hui, grâce au travail et à l'acharnement d'un barj… d'un passionné, nous pouvons enfin trouver une réponse à ces questions essentielles.

C'est très simple : c'est un concepteur de char d'assaut.

Sprocket

Tout simplement. Avec ce que cela suppose de profondeur et de fun, de sueur froide quand on s'aperçoit que l'on a dangereusement sous-estimé l'espace nécessaire au moteur, et de joies émues en voyant son engin de mort exploser à deux kilomètres de distance les autres boîtes de conserves pilotées par l'IA dans les différents scénarios proposés.

Hamish Dunn, le développeur, travaille seul sur son projet et l'édite tout seul. C'est dire l'énormité du travail qui s'offre à lui, surtout quand on voit l'effrayante quantité de taquets que vous pouvez régler pour concevoir votre propre tank ; et l'essayer sur un grand champ plat, ou bien lors des scénarios prévus.

SprocketCette monstruosité ne doit JAMAIS voir le jour.

Rien que de très basique, pour l'heure : rappelons que Sprocket reste en accès anticipé, et surtout développé par une seule et unique personne sur Unity, ne soyons donc pas très exigeant : ni campagne, ni multijoueur à l'heure actuelle. Mais le cœur du jeu est déjà là, en permettant de concevoir, des chenilles jusqu'aux antennes, votre propre vision de la guerre blindée ; le premier scénario rendant hommage à la toute première utilité de ces engins : parvenir à percer le front statique de la Grande Guerre en franchissant les réseaux de tranchées et de barbelés, et revenir à la guerre de mouvement.

Alors comment parvenir à la meilleure solution technique et mécanique ? Allonger le char à plus de dix mètres, pour être sûrs qu'il franchira les tranchées sans problèmes ? Oui, mais il aura alors besoin d'un énorme moteur pour lui permettre d'avancer. Un blindage anglé ? C'est toujours possible, mais il faudra cependant garder suffisamment d'espace pour les membres d'équipage.

Sprocket  Sprocket

La tourelle ! Il faut penser à son diamètre, à l'épaisseur de son blindage arrière, à la hauteur de son anneau de rotation. Et l'armement ? Combien de mitrailleuses pour faire face à l'infanterie ennemie ? En tourelle, ou à découvert ? Un canon avec un grand angle de dépression sera utile, mais plus les éléments seront lourds, moins il sera rapide à pivoter et ajuster son tir.

C'est que tout n'est pas permis non plus : en fonction des scénarios proposés, vous aurez plus ou moins d'espace permis dans votre char, et une limite de masse à ne pas dépasser (impossible de concevoir un char de 80 tonnes à l'ère de la Première Guerre mondiale).

Au début, Sprocket s'installe comme un jeu de niche que l'on observe avec curiosité, en tentant de concevoir les engins les plus étranges possibles, avant de s'apercevoir que le moteur a lâché au bout de quinze mètres, et puis l'on recommence pour peaufiner l'angle du blindage, la hauteur de la caisse, l'angle d'élévation du canon, le nombre de coupoles du commandant, et puis, ça serait aussi une bonne idée d'ajouter deux autres trappes pour l'équipage et un échappement supplémentaire à l'arrière, ou de mettre un arbre de transmission en plus.

Sprocket est pourtant loin d'être sans défaut cependant : premièrement, il n'est pas indispensable mais hautement utile d'avoir quelques notions de mécanique, surtout que le titre n'est disponible qu'en anglais, il faudra donc s'accrocher un peu pour comprendre ce que vous faites ; et le titre n'est pas exempt de bugs. La conduite de vos engins sur le terrain reste somme toute relativement arcade et sera sujette à pas mal de corrections ; mais dans l'état actuel, Sprocket offre déjà une solution à tous les cinglés qui fantasment depuis quinze ans sur le char d'assaut de leurs rêves qu'ils voudraient un jour voir trôner dans la cour du musée de Saumur. Et comme Hamish Dunn a l'air de bosser sur son jeu lentement mais sûrement, je pense qu'on tiendra un excellent concepteur de blindé lors de la 1.0, un jour.