Info sur le film
Conflits Guerre américano-mexicaine
Titre originalRavenous
Durée101 minutes
GenreWestern, Horreur
RéalisateurAntonia Bird
Sortie7 juillet 1999

Vorace

El Presidente
Thématique
Western
5 décembre
2013

Il y a quelques semaines nous quittait Antonia Bird, à la suite d'un cancer. En hommage à l'une des rares réalisatrices dans ce monde d'hommes, j'ai décidé de vous présenter une œuvre culte de son répertoire mais malheureusement méconnue : Vorace.

C'est un film que j'apprécie énormément de par son humour noir, son ambiance malsaine, son thème principal et sa bande originale unique. Il est interdit aux jeunes enfants de moins de douze ans. Cependant, si vous aimez la viande tendre et bien saignante, apprêtez-vous à devenir végétariens en regardant ce film...

DIS-MOI QUI TU MANGES, JE TE DIRAI QUI TU ES

Il faut tout d'abord savoir que Vorace a été un petit échec commercial (à peine plus de 2 millions de $ de recettes aux États-Unis, pour un budget de 12 millions), la faute à une campagne marketing ratée. En effet, le film vacille entre le genre western et celui du thriller horrifique. Promouvoir du western à une époque où ce genre était devenu désuet n'était pas forcément une bonne idée...

Pourtant, Vorace se rapproche d'avantage du film d'horreur avec une louche d'humour noir, saupoudré très légèrement de gore, d'un zeste de satire et accompagné par un ensemble d'acteurs géniaux et délurés. Mais, il n'y a pas que ça non plus. Il y a aussi un petit côté politique, une critique de la société américaine, mais aussi occidentale, dans laquelle il est mieux vu de voir les hommes se bouffer entre eux au mépris de leurs valeurs et de la morale afin de réussir et d'acquérir le pouvoir.

Le thème du film est le cannibalisme, mais attention nous sommes ici très loin d'un certain Cannibal Holocaust. Loin d'être morbide et avec un minimum d'effets gores, l'anthropophagie est traitée ici de manière plutôt originale et réaliste. Le scénariste Ted Griffin (Ocean's Eleven,Les associés) s'est basé sur une légende des Amérindiens algonquiens du Canada, qui s'est étendue à tout le folklore d'Amérique du Nord : le Wendigo. Il s'agit d'une créature qui mange les hommes pour s'accaparer leur force.

Le film se base sur un fait historique qui s'est déroulé dans les années 1870 aux États-Unis avec un certain Alfred Packer. Vous ne le connaissez sans doute pas, mais il s'agit d'une des 4 personnes condamnées pour cannibalisme dans l'histoire des États-Unis. Il partit en expédition avec cinq autres personnes dans les montagnes rocheuses du Colorado. Mais, le groupe se perdit et Packer dut se résoudre à consommer la chair des cinq membres de l'expédition afin de survivre.

BON APPÉTIT BIEN SÛR

On ne peut pas dire que les films d'horreur historiques ne sont pas légion. Personnellement je ne connais que Vorace et La Tranchée (Deathwatch), si vous en connaissez d'autres, n'hésitez pas à nous le dire.

Vorace se déroule peu de temps après la américano-mexicaine de 1846-1848 mettant en scène le capitaine John Boyd, héros malgré lui interprété par l'excellent Guy Pearce. Terrifié alors qu'il combattait des Mexicains qui prenaient le dessus sur les Américains, il fit le mort. Après la bataille, les Mexicains jetèrent son corps dans un chariot où s'entassaient déjà d'autres victimes. Blessé, affaibli et hagard, il boit malgré lui le sang des victimes qui ruisselle sur son visage. Il recouvre peu à peu ses forces et arrive à s'emparer d'un poste de commandement ennemi. Pour cet acte de bravoure plutôt ambigu, il sera décoré, donnant lieu à une scène particulièrement écœurante où l'on voit des officiers manger de la viande goulûment lors d'un festin organisé pour la cérémonie. Une scène particulièrement marquante comme il y en a tant d'autres dans le film (la grotte, la chute, la scène finale).

Boyd est ensuite muté dans une garnison en Californie perdue au fin fond d'une nature sauvage enneigée, entourée de montagnes et de forêts. Bon ce n'est pas la vraie Californie, puisque le film a été tourné à Prague, mais les paysages restent magnifiques. Dans cette garnison se trouve de drôles énergumènes. On sent que le pathos règne en ce lieu, que ces hommes ont été envoyés dans cette garnison afin de les éloigner des atrocités de la guerre, parce qu'ils ont sans doute perdu la raison un moment ou un autre (on en apprend un peu plus en regardant les scènes coupées du DVD...). Dans cette garnison se trouve le colonel Hart (Jeffrey Jones), Reich le Warrior (Neal Mc Donough), le soldat ecclésiaste Toffler (Jeremy Davies), l'alcoolique docteur Knox (Stephen Spinella), l'inutile Cleaves (David Arquette qui, au passage, est en tête d'affiche sur ce film alors que son rôle est vraiment faible... autre erreur de marketing), ainsi que George et sa soeur Martha, deux Amérindiens.

Peu après l'arrivée de Boyd, un étrange inconnu traumatisé fait son apparition. Il s'agit de Colqhoun interprété par le magistral, l'unique, le divin... Robert Carlyle -oui c'est mon acteur préféré- qui à bout de force, perd connaissance. Une fois remis de ses émotions, il raconte son histoire qui ressemble étrangement à celle d'Alfred Packer... Mais qui est vraiment ce Colqhoun ? À partir de là, la tension monte et les scènes s'enchaînent mais mieux vaut vous laisser les découvrir par vous-même, car le film est truffé de retournements de situation, de suspens ou de scènes assez angoissantes.

WENDIGO

Vorace est un film captivant qui nous prend vraiment aux tripes car on suit un gars assez pathétique qui va être forcé au cannibalisme ou plutôt qui va devoir sombrer dans le côté obscure pour pouvoir survivre. Le choix qui lui est fait est simple : mourir ou manger ? C'est dans ce sens où le film prend toute son ampleur. La tension monte tout le long du film et le personnage magistralement interprété par Robert Carlyle en est la cause.

Le tout est ponctué par une musique assez troublante car elle ne colle en aucun cas avec les situations. Cependant cela renforce cette folie latente qui se dégage dans Vorace, ce qui en fait au final une des forces du film. La musique a été composée par Damon Albarn (chanteur, pianiste et souvent compositeur des groupes BlurGorillaz et The Good, the Bad and the Queen) en collaboration avec le compositeur Michael Nyman (Bienvenue à GattacaLa Leçon de piano, entre autre), ce qui n'est quand même pas rien.

D'un point de vue purement historique, Antonia Bird s'est résolue à rendre les choses le plus réaliste et le plus authentique possible. On n'a pas l'impression en regardant Vorace que les bâtiments de la garnison viennent tout juste d'être construits pour les besoins du film. Ça sent le vieux, ça respire le vieux... bref on a l'impression d'y être. De plus, les différents uniformes du film renforcent ce côté authentique. Après cela reste un film d'horreur se déroulant à une période lointaine, mais cela aurait pu très bien se dérouler aujourd'hui.

VERDICT

Vorace est un film d'horreur à conseiller aux amoureux du genre, un film culte qui n'a pas forcément eu le succès qu'il aurait mérité lors de sa sortie. Une bande originale amusante qui peut choquer par son ton décalé, un casting formidable, porté par un duo d'enfer, à savoir Guy Pearce, au sommet de son art, et Robert Carlyle, totalement ahurissant, le tout accompagné par un scénario et un traitement du cannibalisme original. Un chef d'œuvre à ne pas mettre sous tous les yeux, assez exigeant, dérangeant et surprenant réalisé par une réalisatrice talentueuse malheureusement disparue.

  • Aymdef El Présidente, Rédacteur en chef, Testeur, Chroniqueur, Historien Email | Twitter
  • "L'objet de la guerre n'est pas de mourir pour son pays, mais de faire en sorte que le salaud d'en face meure pour le sien." George S. Patton