Info sur le film |
Titre originalThe Mission |
Durée126 minutes |
GenreDrame, historique |
RéalisateurRoland Joffé |
Sortie1er octobre 1986 |
Mission
Rolland Joffé est un réalisateur franco-britannique né le 17 Novembre 1945 à Londres. Né d’un père letton qui a fuit la dictature soviétique il fera ses études au sein du lycée Français de Londres puis à l’Université de Manchester (art dramatique). Très peu d’informations sont disponibles sur sa jeunesse et notamment sur ce qui l’amènera derrière une caméra. Il commencera sa carrière par des réalisations de téléfilm pour le média audiovisuel britannique. Il sera également appelé sur les planches afin de mettre en scène plusieurs œuvres théâtrales.
Synopsis
Au milieu du XVIIIe siècle, le cardinal Altamirano (Ray McAnally), visiteur apostolique des missions jésuites en Amérique du Sud, écrit son rapport au pape. Au fil de ce qu'il écrit, il revoit ce qu'il a appris au cours des derniers mois...
Cinématographiquement, il commence en 1984 avec le long métrage La Déchirure (The Killing Fields), film qui marque déjà l’engouement de Joffé pour un certain thème/sujet : historique. En effet, dans cette première réalisation, direction le Cambodge pour parler de la prise de pouvoir des Khmer Rouges et les massacres que ces derniers perpètrent envers une partie de la population (le titre original du film fait d’ailleurs référence au surnom d’un camp d’exécution construit à la sortie de Phnom Penh [Choeung Ek]). Pour sa première cinématographie, 3 Oscar lui seront remis (acteur second rôle, photo et montage).
Voulant à nouveau mettre en évidence des personnages d’exception (comme il aura à cœur de le faire dans toutes ses productions), il s’attaque à mettre en boite la Guerre des Guaranis (ou Guerre des Sept Réductions). C’est un nouveau succès (tout du moins pour ses pairs) avec la Palme d’Or au festival de Cannes (1986), un BAFTA (musique) et une nouvelle fois un Oscar pour la Photographie. Pour autant, le film qui a un budget de 24.5 millions ne rapportera que 17.2 millions.
Trois ans plus tard, il mettra en scène les créateurs des deux bombes nucléaires qui mettront à genoux l’Empire Japonais à la fin de la 2nd Guerre Mondiale (Les Maitres de l’Ombre [Fat Man and Little Boy, noms des deux bombes]). Puis la Cité de la Joie qui se déroule dans les bidons villes d’Inde. Avec Les Amants du Nouveau Monde (The Scarlett Letter) en 1995, il revient au genre historique en reprenant à son compte le discours sur l'intolérance de la société puritaine américaine du 17e siècle, mais le film subit un échec cuisant. Dernière œuvre majeure, Vattel, là encore un personnage fort et historique. En 2015, il tente sa chance comme de nombreux réalisateurs à la TV et lance la série Texas Rising (Western/Historique).
Contexte historique
Dans les années qui précèdent la réalisation de The Mission, le clergé chrétien catholique va par la voie de son pape Jean-Paul 2, prendre des décisions marquantes en ce début de décennie (80’s). Pedro Arroupe, supérieur général de l’ordre des Jésuites (1965-1983) va redonner un nouveau souffle à l’ordre vieux de plusieurs siècles. Missionnaire dans l’âme il va mettre en place un système d’aide aux plus démunis (réfugiés, victime de la politique ou de l’économie mondiale) et plus particulièrement en Amérique du Sud. Il sera également à l’avant-garde de la nouvelle théologie de la Libération qui prône la possibilité d’être chrétien et révolutionnaire (communiste) en Amérique Centrale et Latine. Ces actions vont le conduire à se mettre à dos la curie romaine et particulièrement le pape. Après sa thrombose qui le laissera paralysé et muet pour le reste de sa vie, il faut élire un nouveau dirigeant pour l’ordre. Mais Jean-Paul 2 refuse la nomination d’un jésuite au profit d’un homme plus proche de ses convictions. S’en suivent des protestations jésuites en France et aux USA contre la prise de pouvoir du Pape dans l’ordre.
Description de l’œuvre
Au milieu du XVIIIe siècle, le cardinal Altamirano (Ray McAnally), visiteur apostolique des missions jésuites en Amérique du Sud, écrit son rapport au pape. Au fil de ce qu'il écrit, il revoit ce qu'il a appris au cours des derniers mois.
Un prêtre jésuite espagnol (Jeremy Irons/Frère Gabriel) s’aventure dans la forêt tropicale afin d'évangéliser les Amérindiens : un travail d'approche difficile mais réussi grâce à la création d'une école musicale de haut niveau, à l'origine indispensable aux offices religieux, mais dont la nécessité apparaît également centrale dans le processus d'éducation et de développement humain. Conçue sur le modèle des très nombreuses écoles musicales réparties dans tout l'Occident, elle deviendra un élément d'autonomie, et finalement ici, un acte de résistance.
Le prêtre jésuite est bientôt rejoint par un ancien chasseur d’esclaves (Robert de Niro/Rodrigo Mendoza) converti et cherchant la rédemption après avoir tué son frère pour l’amour d’une dame. Le prêtre fait visiter plusieurs missions au cardinal Altamirano qui est impressionné par la qualité de développement et de vie qu'il y découvre.
À la fin de son séjour, le prélat révèle la décision, qui en fait avait été prise avant même son arrivée en Amérique du Sud : les jésuites doivent quitter les réductions. Le prêtre et le frère Rodrigo refusent d'abandonner les Guaranís. De manière différente, ils organisent la résistance à l'assaut de l'armée portugaise venue appliquer les accords, signés en Europe, de partage des terres entre Espagnols et Portugais. La mission est détruite : les Guaranis retournent dans la forêt.
Le film est tourné en grande partie en décors naturels : Colombie, Brésil, Argentine, Paraguay et dans des studios anglais.
Analyse de l’œuvre
Comme beaucoup des réalisations de Roland Joffé, le film est centré sur un des personnages forts qui portent toute la dramaturgie du film.
Ici, Jeremy Irons/Père Gabriel et Robert de Niro/Rodrigo Mendoza incarnent deux facettes de la religion chrétienne catholique. Le premier est un jésuite, musicien qui part en mission d’évangélisation et qui face à des décisions terrestres va se réfugier dans la prière afin de sauver sa création. Le second, noble, né avec les exigences de son temps, va profiter des faiblesses du pouvoir dans le nouveau monde pour s’enrichir. Sa vie le poussera à assassiner son frère par jalousie (un péché), afin de retrouver sa place au Paradis (symbolisé par le voyage avec son armure jusqu’aux Guaranis qui le pousse jusqu’au bord du précipice [au sens propre comme au figuré]), il va rentrer dans l’ordre jésuite qui le conduira à aider ceux qui autrefois étaient ses proies. Finalement, le monde le retrouve et il est poussé à reprendre les armes afin de défendre son nouvel idéal de vie.
Messages et intentions
1- L'égalité des hommes face à Dieu
Lors de la Controverse de Valladolid (1550-1551), Las Casas (Dominicain ayant vécu dans le nouveau monde) et Sepulveda (spécialiste d'Aristote et jésuite) s’opposent. Las Casas s'emporte dans un écrit contre les exactions commises par les soldats de Cortès et Pivaro qui massacrent les indiens. Pour autant les cours espagnol et romaine promulguent des lois contre l'esclavage, mais ses lois ne sont pas suivies d'effet. En permanence, le jeu entre le prescrit et le vécu se joue par des groupes de pression interposés et des retours se font sur le vieux continent (tout comme dans le film).
Sepulveda reprend les arguments d’Aristote pour justifier l'esclavage des indiens (moins humains). Arguments antiques qui deviennent religieux. La question étant celle de l’âme. Les indiens sont anthropophages donc ils ne sont pas des hommes (selon les européens).
Las Casas ne part pas d'Aristote mais du Nouveau Testament, tous les hommes sont égaux devant Dieu. Et ils prouvent qu’ils ont une âme grâce à leurs arts, leur qualité musicale (montrés dans le film).
Finalement, les indiens sont dotés d’une âme, à la différence des africains noirs (le film n’aborde cependant pas la traite négrière).
2- L'inculturation réciproque
La pénétration jésuite chez les Guaranis est pacifique toutefois elle coûte cher à la compagnie, près de 200 jésuites impliqués dans les réductions (village/paroisse), une trentaine trouveront la mort (comme au début et à la fin du film).
Dans le film Père Gabriel parvient à entrer en contact avec les Guaranis grâce à la musique. Le chaman (chef de l’extratemporel) casse son instrument, mais le chef de la tribu (chef temporel) sauve le jésuite.
Inculturation : terme du XIXe. Guarani développe un goût particulier pour la musique et la création d'instruments. Fonctionne dans ce sens, mais aussi dans l'autre. Les Jésuites apprennent le guarani et composent un lexique et une grammaire. Contribuent à préserver une culture orale (même s'ils la figent par la même occasion). Première population à être quasiment alphabétisée (pas du tout le cas en Europe).
La population guarani, qui était semi-nomade devient sédentaire, elle utilisait de la peinture (propre à la culture guarani). Les jésuites apportent la construction en dur (église) (+ élevage, culture céréalière et herbe), l'hygiène avec le vêtement (au fur et à mesure du film les guaranis sont vêtus de leurs habits traditionnels puis de blanc). A l'inverse, les jésuites acceptent la nudité, mais les poussent vers la monogamie, imposent également la fin de l'anthropophagie (guerre entre clan diminue). Les guaranis n'ont pas de règles dans l'organisation de la journée. Répartition du temps travail/sans travail mais également prière.
Acceptation de la situation car le temps sans travail reste important dans le quotidien guarani, de fait le travail n'est pas considéré comme imposé.
3- La Lutte contre Mammon
A l'époque où le film est tourné, il y avait peu de démocratie en Amérique du Sud, les rapports extrêmes gauche/extrême droite (catholique) sont très compliqués. L’impérialisme capital, de la fin 70 et début 80 des USA, est de plus en plus remis en cause. La place de l'Eglise (héritière de ses jésuites) dans ce monde est remise en cause.
Dans le film, le légat du pape a le choix entre conserver ses villages jésuites ou les supprimer sur demande royale (Portugaise et Espagnole : Traité des Mythes, qui permet aux Portugais d'étendre leurs possessions, le Pape est sous la pression des deux empires très catholiques. L’Amérique du Sud est concernée tout comme l'Europe car les Turcs sont aux portes de Vienne, l’hérésie protestante se développe dans le Saint Empire Romain Germanique.
Le légat visite la réduction jésuite la plus ancienne pour prouver qu'elle réponde à la conception néo-chrétienne.
La visite met en évidence deux aspects : religieux et économique. Les domaines économiques appartiennent aux indiens : mise en commun avec la communauté, chacun produit ce qu'il peut et chacun reçoit ce dont il a besoin (communisme). Cela marche tellement bien qu'ils payent l'impôt et font concurrence à d'autres plantations (qui emploient des esclaves). Ces communautés attirent également des esclaves d’autres plantations, ce qui met en danger l’économie et la politique locale appliquée par les Portugais qui pratiquent une forme d'esclavage.
Le film critique très ouvertement le capitaliste moderne et contemporain.
- Llalnohar Le Prof, Ancien membre d'HistoriaGames
- "Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre." Winston Churchill