Info sur le film
Titre originalMiss Hokusai
Durée93 min
GenreAnimation, Biographie romancée
RéalisateurKeiichi Hara
Sortie2 septembre 2015

Miss Hokusai

Mère des phoques
Thématique
18 novembre
2015

Miss Hokusai se focalise sur une année de la vie d'O-Ei, 1814, l'une des filles du peintre Katsushika Hokusai, connu pour ses œuvres telles que La vague et Le rêve de la femme du pêcheur ou encore sa capacité à peindre sur une surface de 120 tatamis comme sur un grain de riz. Parce que les œuvres signées sous le nom de la peintre ne correspondent pas chronologiquement, les historiens pensent qu'elle a dû réaliser certaines de son père quand celui-ci vivait ses dernières années.

Synopsis

En 1814, HOKUSAI est un peintre reconnu de tout le Japon. Il réside avec sa fille O-Ei dans la ville d’EDO (l’actuelle TOKYO), enfermés la plupart du temps dans leur étrange atelier aux allures de taudis. Le "fou du dessin", comme il se plaisait lui-même à se nommer et sa fille réalisent à quatre mains des œuvres aujourd’hui célèbres dans le monde entier. O-Ei, jeune femme indépendante et éprise de liberté, contribue dans l’ombre de son père à cette incroyable saga artistique.

Sarusuberi ou Miss Hokusai, manga historique d'Hinako Sugiura qui inspira grandement le réalisateur de Colorful – film centré sur les comportements risqués des jeunes : suicide et prostitution- Keīchi Hara pour animer Miss Hokusai. Hinako Sugiura (1958-2005), née Junko Suzugi dans une famille de confectionneurs de kimono était une historienne spécialiste de l'ère Edo : 1600-1868. « Elle en parlait comme si elle venait juste de s'y promener ! » s'exclame Keīchi Hara.

Discrète, le sourire timide, l'expression douce, la démarche gracieuse, la voix fluette, c'est ainsi que beaucoup s'imaginent la femme japonaise traditionnelle. Cependant, O-Ei Hokusai marche le pas assuré, fume et présente un air contrarié. « Elle n'était pas réputée jolie et faire aujourd'hui un long-métrage d'animation où l'héroïne est trop moche relève de l'impossible » s'exprima le réalisateur.  Sa voix basse en version originale, elle le doit à An Watanabe qui revêtait un kimono pour les enregistrements, persuadée que vêtue à l'occidentale le résultat différerait. Le personnage principal d'O-Ei vient renverser la donne et ce dès le départ, très vite une musique rock se déclenche, surprenant le public, le but étant de montrer qu'O-Ei est en décalage sur son époque.

Elle-même peintre, elle vivait avec son père qui logeait aussi certains de ses disciples, à une époque où même les époux ont chacun leur chambre. O-Ei dit de son père qu'il ne boit pas ou ne fume pas mais qu'il doit aimer les femmes car il peint des œuvres érotiques. Les clients affirment que les œuvres érotiques de la jeune peintre sont trop froides, elle affirmera plus tard à un riche homme duquel elle est attirée qu'elle trouve ces représentations vulgaires. Actuellement au Japon, il est mal perçu, voire honteux, de ne pas être marié/e à 25 ans, l'âge du mariage devait être moins avancé à l'époque d'O-Ei qui ne s'est mariée qu'une fois et ce fut un échec suite auquel elle retourne vivre chez son père, chez lequel il règne une drôle d'organisation, les habitants ne rangent ou nettoient jamais, quand les débris s'accumulent ils déménagent.

Hokusai, qui à l'époque se nommait encore Tetsuzo, et sa fille ont de toute évidence des caractères bien distincts. Le premier est souvent avachi tandis que celle-ci court à en perdre haleine pour assister à un incendie, admirative face à la beauté et vigueur des flammes. La jeune femme reproche à son père d'être un lâche en raison de la peur que celui-ci éprouve envers les malades. C'est pourquoi, il ne rend jamais visite à sa cadette, aveugle de naissance et à la santé fragile, qui va d'ailleurs décéder dans les derniers moments du film. Mais sa grande sœur, elle, est très attentionnée et l'emmène souvent en promenade, lui décrivant les objets qu'elles touchent et les paysages qui les entourent. O-Ei proposera même à sa mère de venir loger chez elle mais celle-ci refusera en répondant « penses à ton père ». Ce dernier, elle finira par le convaincre d'aller voir sa fille pour qui il peindra expressément un tableau, hélas elle décède peu après et le disciple d'Hokusai affirme avoir été suivi par une petite fille lui ressemblant trait pour trait, son maître y voit là une apparition fantomatique : « Tu as réussi à venir seule jusqu'ici ». 

En tant qu'artiste O-Ei est reconnue pour ces portraits féminins, jugés plus réussis que ceux de son père. Un soir, la peintre est invitée à rencontrer une riche courtisane -oiran- pour en faire son portrait, elle s'y rend accompagnée de son père et son disciple. Une rumeur court sur cette fameuse oiran : son cou s'allonge pendant la nuit. Hokusai, le père, lui ment en racontant que pendant son sommeil ses mains s'allongent pour s'échapper mais que grâce à l'intervention d'un moine, le problème est réglé. « Si vous entendez des clochettes pendant la nuit, entrez dans ma chambre, dans le cas contraire, partez à l'aube sans demander votre reste » ordonne t-elle. Les clochettes se trouvent attachées sur un coussin cylindrique que l'oiran met sous sa nuque afin que ne soit pas défaite sa coiffure pendant son sommeil. O-Ei en raison de ses moyens utilise un bout de bois. Les trois peintres patientent jusqu'à ce que les clochettes se font entendre, ils assistent alors à un spectacle qui semble davantage les fasciner que les surprendre : le visage de la courtisane se projette astralement avec l'allongement de son cou lui permettant de se déplacer.

Il se trouve qu'avant l'installation de l'électricité au Japon, le fantastique faisait partie de son quotidien, se manifestant dans l'obscurité. Les yōkai n'étaient pas nécessairement des êtres maléfiques à leurs yeux et certains se manifestaient parfois dans les gestes les plus anodins : Azuki Arai lave des haricots azuki tandis qu'Akaname lèche la saleté des salles de bains. Quand à la prostitution, des quartiers entier, Yoshiwara par exemple, y étaient dédiés où les travailleuses des plus basses conditions s'exposaient derrière des grilles tandis que les plus élevées telles que les oiran, disposaient d'une assistante et de riches parures. Il était indispensable pour une oiran de maîtriser la calligraphie, l’arrangement floral : ikebana, et la cérémonie du thé : sadō. Jusqu'en 1761, il existait dans Yoshiwara, deux rangs plus élevés qu'oiran : tayū et kōshi dont la distinction prit fin avec la retraite de la dernière tayū du quartier. De plus, les femmes n'étaient pas les seules à faire commerce de leurs corps, dans une scène presque amusante, on assiste O-Ei s'offrant les services d'un travesti afin de découvrir la sexualité et comprendre d'où vient la froideur reprochée à ces scènes érotiques.

O-Ei raconte pour conclure le film le devenir des personnages : Son père qui voulait vivre jusqu'à 100 ans mourut à 90 ans, il laissera à la postérité ses œuvres et un terme dont il est considéré le premier à utiliser : «manga». O-Ei lui survivra 9 ans et fera de nombreux voyages, le lieu où elle décéda est toujours inconnu.

Miss Hokusai sait mêler à la perfection l'idée préconçue du Japon dit traditionnelle : kimonos portés quotidiennement par les habitants, haut chignon des femmes, habitations en bois, futon, oiran richement parées... avec une forme de modernité retranscrit à travers le personnage de Miss Hokusai qui n'hésite pas à courir à toute allure, laissant son kimono s'écarter pour dévoiler ses genoux, à mettre sa carrière en avant et non un vif intérêt pour le mariage, allant même jusqu'à vouloir passer du bon temps avec un travesti au lieu de chastement préserver sa virginité pour un potentiel époux, qui sans doute se rendra auprès des courtisanes à l'allure gracieuse et calme comme les contemporains s'y attendent d'une femme.

Miss Hokusai  Miss Hokusai  Miss Hokusai

Miss Hokusai  Miss Hokusai  Miss Hokusai

  • Gallinulus Pinguis Sainte-Mère des bébés phoques, Rédactrice, Testeuse, Chroniqueuse
  • "Personne ne peut longtemps présenter un visage à la foule et un autre à lui-même sans finir par se demander lequel est le vrai" Nathaniel Hawthorne