Les escapades d'HistoriaGames : Bruxelles vu par Orochti

28 mai 2013 par Orochti | Les escapades d'HistoriaGames

Les escapades d'HistoriaGames : Bruxelles vu par Orochti

Comme vous le savez, amis d'HistoriaGames, je suis originaire du Nord-Pas-de-Calais, et j'ai toujours vécu dans cette région. Pourtant, en frontière avec la Belgique, je ne suis au final allé que très peu de fois dans le pays de frite. Mes rares souvenirs remontent à mon enfance, lors de petites sorties pour aller dans un magasin belge...

Notons qu'étant né en 1993, je n'ai pas du tout connu les douanes. En 1992, le Traité de Maastricht prévoyait la « suppression » des frontières au sein de l'Europe, j'ai pu profiter sainement de ce changement. Mais, revenons à nos moutons.

Cette année, mon université proposait un petit voyage pour une modique somme de 8€ pour visiter Bruxelles. Ah, Bruxelles ! J'étais curieux de découvrir cette ville qui aujourd'hui est clairement devenue un pôle européen. Cependant, le programme de la journée ne voulait pas montrer le point de vue de Bruxelles en tant que ville européenne, mais plutôt découvrir Bruxelles d'un point de vue historique.

Ainsi, nous visitions le matin la Cathédrale de Bruxelles, connue sous le nom de Cathédrale Saint-Michel-et-Gudule. Par la suite, nous déambulons dans les rues pour arriver jusqu'à la Grand-Place de Bruxelles, avec le très connu Manneken-Pis. L'après-midi était quant à elle réservée à la Bibliothèque Royale de Belgique, mais en réalité, nous avons eu le privilège de rencontrer un conservateur passionné qui nous a montré d'anciens manuscrits médiévaux datant de plus de 5 siècles !

J'aimerais partager avec vous mes impressions et l'histoire que j'ai appris lors de ma sortie en Belgique.

(Les photos utilisées pour illustrer cette chronique proviennent du site http://commons.wikimedia.org).

  • La Cathédrale Saint-Michel-et-Gudule
  • La Grand-Place de Bruxelles
  • La Bibliothèque Royale de Belgique

Façade de la la cathédrale Saint-Michel-et-Gudule. Photo par Luc Viatour / www.Lucnix.beUne chose est sûre, c'est que la cathédrale en impose. Du haut de ses 64 mètres de haut, et de ses 114 mètres de long sur 57 mètres de large, elle se présente comme un édifice qui est assez impressionnant et massif. À l'origine, cette cathédrale n'était qu'une simple église (l'église Saint-Michel). En 1047, le comte de Louvain Lambert II transporta les reliques de sainte Gudule, morte vers la fin du VIIème - début VIIIème, qui est la patronne de la ville de Bruxelles. C'est vers 1200 que le nouveau comte de Louvain, Henri Ier de Brabant, restaura l'église et l'agrandit, en y ajoutant des tours rondes, et un nouvel avant-corps. En 1226, le duc de Brabant Henri II, y ajouta alors une collégiale qui ne se termina que vers le début du XVIème ! C'est seulement en 1963 que Bruxelles promut la collégiale en cathédrale, devenant ainsi la cathédrale Saint-Michel-et-Gudule.

La façade  représente clairement l'art gothique typique du moyen-âge mais avec une absence de rosace. Richement décorée, nous voyons une magnifique cathédrale, qui rivalise facilement avec Notre-Dame de Paris. Une fois à l'intérieur, nous sommes littéralement plongés dans un autre monde, où l'art religieux est roi. Trois niveaux d'élévation, le vaisseau central est accompagné par des colonnes surmontées de feuille de choux, accompagnée par des statues qui représentent les 12 apôtres du Christ. En dessous de ces dernières, nous retrouvons un symbole cruciforme que je n'ai pas pu identifier concrètement, mais je m'amuse à me dire que les Templiers sont passés par là...

Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles : l'un des vitraux de la légende du Saint-Sacrement : scène de la profanation des hosties par des Juifs en 1370, vitrail réalisé par de Jean-Baptiste Capronnier en 1861. Photo par Antoine Motte dit Falisse.Sur les bas-côtés, nous retrouvons 16 chapelles latérales, chacune pourvue de magnifique vitraux, qui à elles seules valent le coup de la visite. Un peu plus loin, nous retrouvons la chaire de style baroque, qui est magnifique. Le bois est taillé merveilleusement bien avec la représentation d'Adam et Ève chassés du paradis céleste. Le chœur est aussi sublime, dans un style romano-ogival, dont les fouilles ont révélé l'existence d'une crypte où subsistent des vestiges de piliers romans, qui peut être visitée également.

Je ne suis pas un historien de l'art, et je n'ai pas envie de noyer ma chronique par des termes plus ou moins compliqués, mais j'aimerais vous dire mon ressentit. Dans l'ensemble, j'ai vraiment beaucoup apprécié cette visite qui pour moi mélange tous les clichés des églises et cathédrales médiévales. Rien  de péjoratif dans mes propos, au contraire. Aucun élément dans cette cathédrale ne nous permet de déclarer que nous sommes face à un édifice basique. On voit clairement que cette dernière présente moults détails architecturaux et religieux. Les vitraux sont sans doute les plus beaux vitraux que j'ai pu voir, tout comme les statues et la chaire qui sont magnifiques. Si la façade mériterait selon moi une petite rénovation, l'intérieur quant à lui est superbe, et n'attends plus que vous. Vraiment, un élément incontournable pour toute personne souhaitant visiter Bruxelles.

La Maison du Roi, ou Broodhuis. Photo par Myrabella.Avant de rentrer directement sur la Grand-Place de Bruxelles, j'aimerais évoquer rapidement l'ambiance générale quand nous sommes à Bruxelles. Au départ, nous fûmes un peu choqués. En effet, nous étions dans le centre-ville, et nous avons parfois des bâtiments abandonnés, détruits, ou qui sont en reconstruction. Il n'y a pas une seule rue où nous sommes tombés sans qu'il y ait des échafaudages. Pire encore, nous avons rencontré un bâtiment complètement détruit, qui nous rappelait Berlin à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Ce contraste énorme avec sa renommée européenne était choquant. Mais, en me renseignant un peu, j'appris que la ville avait lancé une politique de grande rénovation. Ceci expliquerait pourquoi il y a autant de travaux...

D'autre part, si je devais résumer Bruxelles en 3 mots, ce serait : bière, chocolat et bande dessinée. En effet, nous retrouvons très régulièrement des bars, des chocolateries et des magasins qui ne vendent que des bandes dessinées. Dans ces derniers, j'ai eu l'impression de rentrer dans un magasin de comics américain, mais avec des bandes dessinées à la place. Quand au chocolat, nous pouvons retrouver toutes sortes d'assortiments, tous plus originaux les uns que les autres, et dont les parfums ne donnent qu'une seule envie... celle d'y croquer dedans. Pour les bars, c'est dû surtout à la grande renommée des bières belges qui font leur grand succès.

Mon groupe et moi-même arrivons sur la Grand-Place et… Surprise ! Très surprenante, et incroyablement riche d'histoire, j'eus l'impression de voguer sur plusieurs périodes, depuis l'époque médiévale, moderne et contemporaine. La Grand-Place de Bruxelles est aujourd'hui dans le patrimoine mondiale de l'UNESCO (1999), et est considérée comme l'une des places les plus belles du monde. Nous y retrouvons des maisons des corporations, l'Hôtel de Ville et la maison du Roi (aujourd'hui, devenue un musée).  Il faut savoir également que cette place a été détruite lors du bombardement de la ville en août 1695 par les troupes françaises de Louis XIV, et fut donc reconstruite, plus belle qu'avant. Elle a subi également les assauts des sans-culottes vers la fin du XVIIIème siècle, puis une rénovation peu attentionnée, en plus de la pollution. C'est vers la fin du XIXème siècle que Charles Buls rénova entièrement la place, s'aidant notamment de plan retrouvé d'époque.

L'Hôtel de Ville a été construit entre 1402 et 1455, et marque l'époque médiévale sur cette place. Le beffroi mesure 96 mètre de haut, avec à son sommet saint Michel, patron de Bruxelles, terrassant le dragon, représentatif du démon. Une chose étonnante est que la symétrie n'est pas exactement la même, même si au premier regard, l'impression est différente. Une légende bruxelloise raconte que l'architecte se serait suicidé depuis le beffroi, en apprenant son erreur. La façade est composée de plusieurs statues représentant la famille ducale des Brabant. Le portail quant à lui possède 4 statues qui représentent chacune une vertu (Prudence, Justice, Force, Tempérance).  Notons une chose amusante au sujet de l'horloge de l'Hôtel de Ville qui n'est pas au centre comme nous pouvions nous y attendre, mais située sur la partie ouest du bâtiment.

En face, se trouve la Maison du Roi. Le nom exact est broodhuis en Flamand, qui signifie maison du pain. À l'origine, la maison vendait simplement du pain, puis a été remplacée par un bâtiment administratif pour le duc de Brabant. Ainsi, elle devint Maison du Duc, puis Maison du Roi quand le duc devient roi d'Espagne. En 1893, la ville la fit reconstruire dans un style néo-gothique. Rénovée par la suite en 1985, elle est devenue un musée, avec à l'intérieur des peinture, tapis, photos, maquettes, etc. de l'histoire de la ville.

Maisons de la Grand-Place de Bruxelles, entre la rue de la Tête d'or et la rue au Beurre (ouest): Le Renard, Le Cornet, La Louve, Le Sac, La Brouette, Le Roi d'Espagne et Saint Jacques (unifiée).Autour de tout cela, nous retrouvons pleins de maisons de corporation, facilement reconnaissable par leur architecture. Ainsi, on retrouve la Maison de la Corporation des Boulangers, celle des Graissiers, celle des Ébénistes,  celle des Merciers, celle des Bateliers etc. L'originalité de ces maisons sont leur décorations qui se veulent différentes les unes des autres pour permettre de s'y retrouver facilement. C'est pourquoi par exemple celui des Bateliers possèdent un pignon en forme de poupe de navire. Personnellement, ce mélange de genre, et les coupures brutales de style architecturales me déplaisent pas mal. Ceci dit, chacune des maisons sont très belles, et possède une valeur historique considérable.

Manneken-Pis en DraculaPas très loin de là, dans une rue adjacente à celle des places, nous retrouvons le fameux et l'unique Manneken-Pis ! Il s'agit tout simplement d'une fontaine, d'un petit garçon nu qui urine en se tenant son petit oiseau. On dit que c'est le symbole de la représentation de l'ouverture d'esprit des Bruxellois… Pourquoi pas, même si j'émet des réserves sur cette explication. L'origine de cette fontaine remonte à 1388, sous le nom du Petit Julien, qui était une fontaine également, et qui se trouvait à la même place. Le nom de Manneken-Pis n'est apparu qu'en 1452 dans un texte. À l'origine, la fontaine servait à distribuer de l'eau potable aux habitants. Chose étonnante, peu à peu, les Bruxellois prirent l'habitude d'habiller ce petit bonhomme et on dénombre aujourd'hui plus de 883 costumes (conservés à la Maison du Roi). Enfin, vous risquez d'être surpris quand vous le verrez en vrai. La statue faisant à peine 50 petits centimètres !

Bibliothèque Royale de Belgique, BruxellesL'après-midi a été uniquement consacrée à la visite de la prestigieuse Bibliothèque Royale de Belgique (www.kbr.be). L'origine de cette dernière est née de la volonté des Ducs de Bourgogne de réunir  autour d'eux une collection de manuscrits enluminés. À la mort de Philipe le Bon, on y dénombra plus de 900 volumes ! En 1559, Philippe II va rassembler tous les ouvrages au Palais de Coundenberg, où la collection prend le nom de Bibliothèque royale. Assez tôt, en 1731, un incendie va ravager le palais. Heureusement, la majorité de la bibliothèque ne fut pas atteint, et la plupart des manuscrits furent conservés. En 1746, les troupes françaises pilleront la bibliothèque, dont plusieurs exemplaires sont en possession de la Bibliothèque Nationale de France actuellement. En 1815, le Congrès de Vienne prévoit la restitution des objets, dont les manuscrits pillés, à Bruxelles. La bibliothèque actuelle est un bâtiment décidé en 1935 par le roi Léopold III, en mémoire à Albert Ier. Le 17 février 1969, la bibliothèque est inaugurée.  On y dénombre plus de 6 millions de volume.

Cependant, nous n'avons pas concrètement visité la bibliothèque. Au lieu de cela, nous avons eu le privilège de pouvoir admirer des vieux manuscrits, avec leur enluminure d'époque, datant de plus de 5 siècles, à l'époque de Philippe le Bon ! En plus de cela, nous avons eu le droit d'avoir de petites explications sur les bases d'un manuscrit, ce qui était très enrichissant. Il faut savoir que les miniatures, si célèbres pour leur beauté et leur qualité, sont en fait très rares et sont surtout visibles sur des manuscrits luxueux ! Sur les rares manuscrits où il y en avait, elles étaient présentes avant le texte, après le prologue.  Chaque manuscrit luxueux ne pouvait posséder qu'une seule miniature, et très rarement deux ! De plus, la grosse lettrine aux couleurs dorées n'est présente que sur la première lettre du texte. De simples lettrines sont présentes en début de strophe. Les prologues ne sont pas toujours présents, et sur tout le reste du manuscrit, il y a généralement que du texte. Le texte est divisé en deux colonnes, dont on peut toujours voir les traits qui le délimitent.

Outre cet aspect technique, nous avons pu voir des manuscrits de différentes tailles, dont un qui pesait plus de 10 kilos, et un autre, tout petit, pas plus grand qu'un dictionnaire de poche. Dans tous les cas, la structure était exactement la même, avec une taille différente, évidemment. Le conservateur nous a également pointé le fait que les Français n'étaient pas allés de main morte sur les manuscrits. Certains possèdent une couverture aux écussons du Roi de France, et d'autre de la République française. En général, ce sont les anciens manuscrits qui ont été pillés et rendus dans cet état. Mais, ce n'est pas tout. Après la révolution, avant de rendre les manuscrits, les Français déposaient un tampon sur la première page, pour montrer que le manuscrit est passé par la bibliothèque française. Le petit détail qui fait mal aux historiens, c'est l'emplacement du tampon qui, sur la première page, était mis un peu n'importe où. Ainsi, on retrouve le tampon français parfois sur le texte, voire même sur la miniature ! Sacrilège, blasphème crierons-nous !

Mon impression lors de cette découverte fut un moment magique. J'ai eu la chance que beaucoup n'ont pas, celle de voir en vrai des manuscrits historiques, de sentir cette douce odeur de vieux documents conservés, et surtout d'admirer ces œuvres d'arts, ces détails qui font leur charme, tout en apprenant plus sur leur histoire. Rappelons alors que ces manuscrits valent au bas mot plusieurs millions d'euros pour certains. De plus, étant un grand admirateur de la période médiévale, j'étais aux anges. Je ne saurais exprimer réellement mes sentiments à ce moment là, tellement ils sont forts et indescriptibles. C'est pour ces rares moments comme cela qui me pousse à devenir historien.

Étudier le passé et le redécouvrir dans des archives, dans des œuvres qui, après 500 ans d'histoire, nous est retransmis jusqu'à aujourd'hui. C'est dans ces moments là que nous vivons et nous sentons l'Histoire nous envelopper, et de nous montrer que nous avons vraiment une passion merveilleuse, et sans fin.

À bientôt pour une prochaine visite !

  • Orochti Le Chti templier, Testeur, Chroniqueur, Historien, Star de Youtube Email | Twitter

  • "Tu dois aimer la France, car la nature l'a faite belle, et son histoire grande." Ernest Lavisse
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