Quatorze mammouths piégés découverts au Mexique

El Presidente
Thématique
Préhistoire
8 novembre
2019

Une fois n'est pas coutume, nous prenons la direction du Mexique pour vous parler non pas de la découverte d'une ruine aztèque mais de plusieurs mammouths piégés, semble-t-il, par les humains.

Ayant rédigé mon mémoire sur le sujet, je ne vous cache pas que cette découverte est extraordinaire. À l'époque, je m'étais intéressé à la chasse aux mammouths pratiquée par les Hommes au Paléolithique supérieur en Europe. Bien que le charognage était la pratique la plus évidente, le piégeage faisait partie des possibilités pour les hommes d'acquérir les ossements et autre précieux matériaux (graisse, fourrure, défense...) issus de ces pachydermes, mais les preuves directes de pièges mis en place par les humains étaient quasi inexistantes.

L'Institut national d'anthropologie et d'histoire (INAH) a annoncé cette découverte effectuée à Tultepec, État de Mexico. Dans ce qui semblait être une décharge d'ossements, des coupes verticales dans la disposition des strates ont été identifiés mettant en évidence deux pièges. Il s'agit de deux tombes creusées avec des murs de presque 90 degrés, faisant 1,70 mètres de profondeur et 25 mètres de diamètre.

Quatorze mammouths piégés découverts au MexiquePhoto : Edith Camacho, INAH.

Après presque dix mois de fouilles, l'équipe de l'INAH a récupéré 824 ossements correspondant à au moins quatorze de ces animaux du Pléistocène. Au moins cinq troupeaux de mammouths vivaient dans cette zone, aux côtés de chasseurs-cueilleurs, de bisons et d'autres animaux.

Cette découverte « représente un tournant, une pierre de touche sur ce que nous avions imaginé jusqu'à présent : l'interaction de groupes de chasseurs-cueilleurs avec ces énormes herbivores », a déclaré Pedro Francisco Sánchez Nava, coordinateur national de l'archéologie à l'INAH, en faisant connaître cette « information sur l'impact mondial », compte tenu de son importance pour les études de la Préhistoire, en particulier en Amérique.

Cela modifie la scène idéalisée et utilisée par les manuels scolaires pour la chasse au mammouth : celle d'un animal attaqué seulement après qu'il soit tombé dans un marais.

Quatorze mammouths piégés découverts au MexiqueVision idéalisée d’une chasse au mammouth piégé dans un marécage. Source : Science & Vie N°953
Quatorze mammouths piégés découverts au MexiqueLes restes d'au moins 86 mammouths laineux ont été trouvés dans la rue Spadzista à Cracovie entre 1968 et 2002.

En Europe, il n'est pas rare de tomber sur des sites recensant des milliers de restes de mammouths, comme au sud de la Pologne, sur le site de Krakow Spadzista, où les restes de 86 mammouths (selon une étude de 2005) ont été découverts. Mais, aucun site de piégeage n'y a été découvert. Il faut dire que le sol, à cette époque et sur notre continent, était gelé en permanence (pergélisol), et les hommes ne possédaient pas les outils adéquats pour y creuser des fosses.

La situation semble différence dans cette région du Mexique. À la fin du Pléistocène, il y a eu une période de grande instabilité climatique durant laquelle les pôles ont été gelés, ce qui a provoqué la chute du niveau de la mer à travers la planète et des environnements plus secs dans plusieurs régions, dont le bassin du Mexique. Les pièges préhistoriques de Tultepec ont été mis au jour dans l'argile au fond du lac de Xaltocan, il y a environ 15 000 ans, lorsque son niveau était au plus bas et que de grandes plaines ont émergé.

Il y a 14 700 ans, le Popocatepetl (volcan situé à 70 kilomètres au sud-est de Mexico) rentrait en éruption, entraînant les migrations des hommes et des animaux vers le nord du bassin du Mexique, où la chute des cendres volcaniques a été mineure. Des cendres ont été déposées sur les ossements des mammouths découverts, ce qui permet de dater provisoirement ce contexte et de spéculer sur son utilisation continue durant 500 ans.

Cependant, les vestiges au-dessus des tombes indiquent que, une fois le niveau du lac remonté et les tombes remplies de sédiments, de décomposition de roseaux et d’autres plantes aquatiques, cette zone devint un « cimetière de mammouth ».

L'archéologue Luis Córdoba Barradas, de la Direction du Sauvetage Archéologique (DSA) de l'INAH, propose ainsi une scène plus complexe et plus complète de ce que la chasse aux mammouths pouvait être dans le bassin de Mexico : des groupes de 20 à 30 chasseurs balayaient le troupeau à l'aide de torches et de branches, pour séparer un spécimen et le diriger vers ces pièges. Une fois là-bas, le mammouth était achevé.