Récit

AntiquitéGuerres de Rome

Guerre de Jugurtha

Orochti
Thématique

Restituons de suite l'événement dans son contexte. Nous sommes en pleine période de la république romaine. La guerre de Jugurtha prend place peu de temps après les tentatives des Gracques à Rome, qui avait déjà bousculé une première fois cette république. Cette guerre débute vers 112 avant J.-C, et se termine vers 105 avant J.-C.. La majorité de la guerre se déroule dans le royaume de Numidie. C'est un royaume situé dans l'Afrique du Nord, tout près de la Sicile. A la mort de Massinissa (148 av JC), ses 3 fils le succédèrent. Les deux frères cadets moururent rapidement, laissant le royaume entier à Micipsa.

La principale source de la guerre est Salluste (86-35 av. J.-C.), Caius Sallustius Crispus,  qui est historien romain. Il fut également questeur et Tribun de la plèbe. Il aida plusieurs fois Jules César dans ses conquêtes, notamment en Afrique. Salluste reçut le gouvernement de la nouvelle province romaine de la Numidie, ce qui expliquerait sa volonté d'écrire cette guerre, ainsi que l'origine de ses sources. Après l'assassinat de Jules César en 44 av JC, il se retire de la vie politique et publique afin de profiter de sa fortune. Il écrivit 3 œuvres majeurs : La conjuration de Catilina, la Guerre de Jugurtha, Histoires, qui traitent de la mort de Sylla à la victoire de Pompée contre les pirates. Cette œuvre est incomplète. Reprenons un passage de Salluste dans son œuvre pour comprendre mieux le récit de cette guerre :

« Je me propose d'écrire la guerre que le peuple romain fit au Roi des Numides, Jugurtha, cela pour deux raisons : d'abord parce qu'elle fut rude, acharnée, mêlée de succès et de revers, ensuite parce que c'est alors pour la première fois qu'on osa marcher contre l'insolence de la noblesse : lutte qui confondit toutes les lois divines et humaines, et atteignit un tel degré de fureur que seules la guerre et la dévastation de l'Italie mirent fin aux discordes entre les citoyens. »

Le début de la guerre

Micipsa a deux fils : Adherbal et Hiempsal.  Tout va pour le mieux, mais le neveu de Micipsa se fait remarquer en bien. En effet, Jugurtha, déjà célèbre parmi les Numides, est envoyé au siège de Numance pour aider Scipion Emilien, protecteur héréditaire des Numides à Rome. Après la victoire du siège, Scipion envoie une lettre au roi de Numides, le félicitant d'avoir un neveu si extraordinaire. Jugurtha est alors adopté par Micipsa en 120, suite à la renommé de ce dernier. Jugurtha est alors considéré comme un fils à part entière, et se voit doter même d'une partie du royaume.

Micipsa meurt 2 ans après, en 118. Alors que la partage du territoire se décide, les deux frères se mirent d'accord pour écarter Jugurtha du pouvoir. C'est alors que, selon Salluste, Jugurtha se prit d'une grande colère, perdit alors toute bonté en lui. Dans un sens, Jugurtha aurait rejoint le coté obscur de la force ! Presque fou, avare du pouvoir, il décida de s'emparer et de vaincre ses frères par la ruse. Hiempsal sera très vite assassiné par Jugurtha, en envoyant des gardes chez lui. Suite à l'attentat, les anciens sujet de Micipsa se divisa, dont les soldats les plus robustes rejoignit le camp de Jugurtha. Le frère Adherbal prit peur et réclama de l'aide à Rome, mais pas assez tôt. Jugurtha le rattrapa et il eut alors une première bataille en Numidie entre Jugurtha et Adherbal. Ce dernier, vaincu, prit la fuite en direction de Rome, réclamant de l'aide.

Salluste explique la situation de Rome de cette manière : « À cette époque, il y avait dans notre armée nombre d'homme nouveaux et de nobles, qui préférait la richesse au bien à l'honneur, influents à Rome, puissant auprès des alliés, plus célèbre qu'honorables, qui enflammaient l'ambition déjà vive de Jugurtha à force de lui promettre que, si le roi Micipsa venait à disparaître, il deviendrait seul maître du royaume de Numidie : il avait pour lui sa grande valeur personnelle, et à Rome tout se vendait. » De ce fait, Jugurtha envoya des chariots d'or aux différents députés. Voici la réaction dites par Salluste : « Lorsque ces députés, une fois arrivé à Rome, eurent envoyés de grands présents aux hôtes de Jugurtha et aux sénateurs les plus influents de cette époque, il se produisit un tel revirement que l'élan d'indignation contre Jugurtha se transforma en sentiments amicaux et favorables. »

Ainsi, Adherbal ne reçut point d'aide de Rome. Jugurtha était donc libre. Il attaqua le royaume d'Adherbal avec une grande troupe. Adherbal leva des troupes tardivement. Les deux armées se rencontrèrent près de Cirta, la capitale de Numidie, mais ne s'engagèrent pas de suite car la nuit apparaissait à l'horizon. Au beau milieu de la nuit, Jugurtha attaqua par surprise. La bataille ne jouant pas en sa faveur, Adherbal s'enfuit à Cirta. La ville protégea le roi, tandis que Jugurtha tentait par tous les moyens de pénétrer dans la ville.

Pendant ce temps, le Sénat romain envoya des hommes, réclamant la fin des hostilités. Jugurtha annonça à Rome qu'il fut victime d'un attentat d'Adherbal, et que par conséquent, il se défendait juste. Un mensonge pour diviser le peuple romain une fois de plus. Adherbal envoya une nouvelle lettre d'appel à l'aide. La plèbe de Rome voulut aider, mais les sénateurs ne firent rien. Quelques hommes de Rome demandèrent une réunion avec Jugurtha et Adherbal. Jugurtha sur place tua tous le monde, même les hommes romains. Suite à ça, un long débat se fit à Rome. Les sénateurs corrompus firent de leur mieux pour ralentir, et atténuer la faute de Jugurtha. Mais, Memmius, tribun de la plèbe désigné et ennemi déclaré des privilèges de la noblesse, parti des populares, a instruit le peuple de cette affaire. Le sénat prit peur face à l'engouement de la plèbe, et déclara la guerre à Jugurtha. Les futures provinces de Numidie et d'Italie furent attribuées aux charges des futurs consuls : Calpurnius Bestia échut la Numidie et Scipion l'Italie.

Carte de la guerre de JugurthaCarte de la guerre de Jugurtha
Crédits : Courtesy of the United States Military Academy Department of History.

Arrivée de l'armée romaine

Jugurtha, déçu, tenta d'amadouer de nouveau les nobles de Rome avec divers chariots d'or, mais le Sénat refusa d'accueillir les envoyés sous condition qu'il remette le royaume et le roi. Calpurnius Bestia fit des prisonniers, mais son cœur avare fut vite servi face à Jugurtha. Faisant croire à une réédition, Jugurtha traita en secret avec Bestia. Ce dernier rentra à Rome, avec une pseudo victoire, du bétail et des éléphants.  Une fausse paix était présente. À Rome, la plèbe fut en colère, et criait à tout va dans les rues, manifestant leur mécontentement. Les sénateurs prirent peur de nouveau. Memmius en profita pour faire un long discours, dont il déclara : « Dans ces 20 dernières années vous êtes le jouet d'une oligarchie orgueilleuse, comment votre âme s'est laissé corrompre par l'inaction et lâcheté. » Suite au discours, le préteur L. Cassius fit un mandat de ramener Jugurtha à Rome avec un sauf-conduit pour la déposition du roi. D'abord Aulus devait se charger de battre Jugurtha. Pensant qu'en levant juste une armée afin d'intimider Jugurtha serait suffisant... il échoua rapidement sur le champ de bataille. L'armée fut lourdement affaiblie.  Son frère le remplaça, Albinus, tentant de sauver l'honneur de sa famille. Il releva une armée, mais ce fut encore un échec.

Le Sénat appela alors un autre homme, Metellus. Ce dernier ne décida de partir en guerre seulement lorsque les armées seraient remises sur pied avec l'ancienne discipline. En effet, sous le commandement d'Albinus, l'armée ne respectait pas la procédure habituelle (Pas de sentinelles, ni de fortifications etc...) et faisait tout et n'importe quoi. Metellus va à la rencontre des députés, les sonde et dès que ces derniers sont prêts à l'aider, il leur promet de ramener Jugurtha vivant ou mort. Quelques jours après, il partit en Numidie, avec une armée plus forte. Sur place, il resta sur ses gardes, s'attendant à toute ruse de Jugurtha. L'armée s'était mis en position de couverture avec à l'avant Metellus et les armées d'élites, et à l'arrière le lieutenant Marius. Jugurtha tenta avec son armée de les prendre par surprise, avec le réconfort du terrain et de ses victoires passés. Jugurtha chargea et la bataille fit rage. La bataille dura un long moment et ce sont les Romains qui perdirent la bataille. Salluste déclare que l'armée romaine avait un général fort, qui avait pour cœur la loyauté, mais que le sous nombre et le désavantage du terrain jouaient en leur défaveur. La nuit, Jugurtha envoya Bomilcar, son second, attaquer le camp avec des éléphants. L'armée romaine réagit et profita du fait que les branches des arbres gênèrent l'ennemi pour les mettre en déroute. Ils récupérèrent 4 éléphants, et en tua plus de 40. C'était une première victoire qui encouragea grandement l'armée.

Pendant 4 jours, le général Metellus soigna les blessés, et fêta leur victoire. Du coté de Jugurtha, celui-ci prépara une armée plus grande, mais en recrutant des paysans. Metellus comprend alors la situation, et décide alors de pratiquer la technique de la terre brûlée. Ainsi, le moral des adversaires sont au plus bas, voyant leurs terres disparaître. L'armée devait se recroqueviller peu à peu, sur les terres restantes. Jugurtha décida de jouer le tout pour le tout, et d'attaquer par surprise la nuit. C'est une victoire pour l'armée romaine. À Rome, c'est un véritable triomphe ! Metellus est mis en gloire, et la discipline est mise en exemple.

Sièges et stratégies

Metellus va attaquer une grande ville, Zama. Jugurtha essaya de profiter de l'éloignement d'une partie de l'armée, où Marius était au commandement, pour attaquer. Cependant, Marius défendit ses positions, et arriva à repousser l'armée ennemie. Il se dirigea ensuite vers Zama, rejoindre Metellus. Pendant que le siège de Zama débuta, Jugurtha entreprit d'attaquer avec une petite armée directement à l'arrière, dans les camps romains. On assiste alors au miracle romain, les troupes s'associèrent, formèrent des légions à elles seules, sans général, et repoussèrent l'attaque. Après une longue tentative de siège, Metellus n'eut le choix d'abandonner Zama et fit demi-tour à cause de l'hiver approchant.

Metellus, pris de dégoût de cette guerre si longue, décida d'utiliser la ruse pour le battre. Il eut l'idée d'utiliser Bomilcar. Après l'avoir soudoyé et promit des terres, Bomilcar s'en alla voir Jugurtha et lui demanda de se rendre au nom de la Numidie, du bien être du pays et de sa population. Après plusieurs jours de réflexion, Jugurtha refusa et continua la guerre. Il prépara un nouveau piège : donner un banquet à Vaga selon une coutume ancienne dans le pays. Les soldats furent invités, et assassiné. Voulant se venger de cet affront, Metellus fit croire dans la même ville que Jugurtha revenait. En réalité, c'était Metellus déguisé avec des soldats romains. À l'intérieur de Vaga, les troupes romaines tuèrent tous le monde. Pendant ce temps, Bomilcar chercha un moyen de stopper Jugurtha, et demanda l'aide d'un complice, le chef général des armées. Cependant, Jugurtha prit connaissance du complot, et tua Bomilcar. À partir de ce moment là, Jugurtha devint très suspicieux, voire paranoïaque. Il s'enfuira à Thala, derrière le désert. Metellus veut finir la guerre et décide de le suivre, malgré la traversé et les dangers que cela représente. Le siège de Thala est remporté.

Jugurtha croit que rien ne peut arrêter Metellus et va voir le Roi Bocchus de Maurétanie et fonde une alliance avec, aux prix d'argent, et d'un mariage arrangé. Bocchus et Jugurtha décident d'attaquer Cirta, ville clé où est rangé toutes les ressources romaines de guerre. Metellus se prépara à défendre la ville lorsqu'au même moment, il apprit que Marius était devenu consul et la Numidie ne serait plus pour lui, mais pour Marius...

La fin de la guerre de Jugurtha

Jugurtha emprisonné par les Romains par Joachin Ibarra (1772)

Metellus commença à suivre une correspondance avec le roi Bocchus le prévenant que la guerre peut-être chère et longue, et qu'il y a toujours moyen de s'allier. Ainsi, ces échanges font que la guerre ne se déclara pas de suite.

Marius, malgré sa traîtrise à l'encontre de Metellus, continua à préparer la guerre, et engagea encore plus de troupe, et fit des réformes dans l'armée. Après un long discours pour rassurer la plèbe, il partit avec une armée puissante vers l'Afrique. Il fit plusieurs sièges victorieux recherchant à surpasser Metellus. Jugurtha, de son coté s'impatienta. Il proposa alors jusqu'au tiers de la Numidie si l'armée de Bocchus vainc l'armée romaine. Bocchus ne peut refuser face à une telle offre. L'armée chargea et une bataille se fit. La nuit tomba, forçant les deux armées à s'arrêter. L'armée de Bocchus fit la fête toute la nuit comme était leurs coutumes. Au matin, l'armée était très fatiguée, donnant un sérieux avantage à l'armée romaine, reposée.  L'armée de Bocchus prit la fuite. 4 jours après, près de Cirta, une nouvelle bataille sonna la seconde défaite. Suite à cela, le roi Bocchus abandonna et proposa la paix avec Rome.

Sylla, un questeur romain est chargé de s'occuper de la paix. Le Sénat romain exigea alors que Bocchus ramène  Jugurtha, et qu'il met fin à cette trop longue guerre. Prétextant un traité de paix avantageux pour Jugurtha, Bocchus accueillit alors dans sa cour son ancien allié, et son escorte. Le piège se déclencha et l'escorte de Jugurtha fut exterminée. Jugurtha, quand à lui, fut arrêté et ramené à Rome où il est jugé et exécuté devant la plèbe romaine, tandis qu'on fit le triomphe de Marius.


Monnaie romaine
Face de droite, le triomphe de Sylla et Jugurtha enchaîné derrière le trône
Exposé au Musée d'Alger

Bibliographie

Ouvrage généraux :

BRIAND-PONSART Claude, HUGONIOT Christophe, L'Afrique romaine de l'Atlantique à la Tripolitaine, 1466 av. J.-C. – 533 ap. J.-C., Armand Colin, Collection U, Lassay-les-Châteaux, 2005, 570 pages.

MOREAU Tiphaine, VAUGHAN Géraud, 100 fiches d'histoire romaine, Bréal, Paris, 2011, 287 pages.

LE BOHEC Yann, Histoire de l'Afrique romaine 146 avant -439 après J.-C., Picard. Paris, 2005, 282 pages.

Ouvrage spécialisé :

SALLUSTE, La conjuration de Catilina, la guerre de Jugurtha, Fragments des histoires, Les belles lettres, collection des universités de France, Paris, 1989, 313 pages.

Site internet :

Universalis, JUGURTHA (154 env. – 104 av. J.-C), roi des Numides (118-105 av J.-C.), [En ligne] Universalis, Consulté le samedi 29 septembre 2012 à 15H01. <www.universalis-edu.com/>

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  • "Tu dois aimer la France, car la nature l'a faite belle, et son histoire grande." Ernest Lavisse
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