Info sur le film
Titre original Kaguya-Hime no monogatari
Durée137 min
GenreAnimation, fantastique
RéalisateurIsao Takahata
Sortie25 juin 2014

Le conte de la princesse Kaguya

Mère des phoques
Thématique
Japon féodal
24 novembre
2014

Librement inspiré du conte Kaguya-Hime no monogatari de Murasaki Shikibu (voir la chronique qui lui est consacrée), dont la morale est toujours sujette à questionnement, le réalisateur Isao Takahata des studios Ghibli insuffla à cette adaptation un message critique sur le passé du Japon.

UNE ORIGINE CONTESTÉE

Bon nombre d'hypothèses subsiste sur l'origine même du conte : il se trouve qu'un conte du même nom existe en Tibétain. Le nom n'étant pas le seul point commun, la véritable exclusivité de la version Japonaise est l'épilogue sur le mont Fuji. Tout cela étant alimenté par l'idée que les deux contes tirent leur origine du conte chinois concernant Chang'e, qui selon les versions est alors un mythe sur la déesse de la lune, datant du Vème siècle. Il n'est pas inconnu que le Japon fut grandement influencé par la Chine et ce dès le III ème siècle. C'est pourquoi, même les aspects perçus par les Occidentaux comme les plus endémiques du Japon viennent en réalité de Chine : les Geisha, les Origami, le jeu de Go, le terme «kawaii»...

Quel que soit l'origine du conte, l'héroïne est toujours condamnée à vivre sur la Lune. Dans l'adaptation de Takahata, un vieux coupeur de bambou, marié sans enfant, trouve un jour dans l'un d'eux une petite fille baignée de lumière et tenant dans la paume de sa main. Pensant avoir affaire à une intervention divine, il présente l'enfant à sa femme qui décide alors de l'élever. Désormais, le coupeur trouve dans chaque pousse une pépite d'or. À ses yeux, il n'y a qu'une seule explication, les divinités veulent que l'enfant soit élevée à la cour parmi les nobles. La famille déménage en ville, ce qui plonge secrètement la jeune fille dans un état dépressif, son cri du cœur sera entendu par ses concitoyens lunaires qui reviennent la chercher. Avant cela, elle devra se plier aux exigences de la cour et aux avances de riches soupirants dont l'empereur qui ira même jusqu'à user de la surprise pour l'agresser.

NAÎTRE JAPONAISE SOUS L'ÈRE HEIAN

À travers Kaguya-Hime est retranscrite la vie des Japonais de l'ère Heian, leurs mentalités et les codes auxquels ils sont soumis. Plus particulièrement ceux régissant l'éducation d'une jeune fille noble. Elles passent leurs journées en compagnie d'une noble plus âgée, chargée de son éducation. Sont alors enseignés les hiragana (alphabet syllabaire), la maîtrise du koto (instrument à corde d'origine chinoise), la marche sur les genoux, le comportement général à adopter au sein de la cour : gracieux, discret, humble, obéissant... Ces journées d'enseignement se déroulent sans lien avec l'extérieur.

Lorsqu'elle atteignent la puberté, elles reçoivent un nouveau prénom, ce fut le cas de l'auteure du conte original. Désormais, elles se doivent d'apparaître maquillées. Les sourcils sont alors complètement épilés, une pratique douloureuse, deux traits noirs de crayon les remplacent alors, les dents sont toutes noircies pour empêcher le moindre sourire, vint ensuite un fait retrouvé dans de nombreuses sociétés : le teint fut blanchi. La substance utilisée contenait du plomb, un poison mortel sur le long terme. Ce n'est que durant l'ère Meiji (1868-1912) que le produit fut interdit pour être remplacé par de l'inoffensive poudre de riz que les Geisha utilisent actuellement.

Puis une grande fête est organisée, où seuls des hommes sont conviés, devant la maison de la jeune fille qui est alors dévoilée aux yeux de tous. Exposée comme une oeuvre d'art ou une bête de foire. Il s'agit de son premier lien avec le monde extérieur, ces derniers resteront très rares. L'heure du mariage n'est alors pas loin. Pour les jeunes filles de l'époque, le mariage avec un homme de son rang est présenté comme le seul chemin vers le bonheur. Les époux ne se découvrent que lors de la cérémonie, l'homme fait sa demande via une lettre et la femme choisit s'il y a plusieurs prétendants. Après le mariage, les époux ne vivent pas ensemble et l'homme a autant d'épouses que sa fortune le permet. Les gens du peuple sont monogames et vivent sous le même toit.

VERDICT

Kaguya hime no monogatari mérite sa place parmi les films historiques quand bien même il s'avère hautement teinté de fantaisie. Le personnage de Kaguya est mystifiée de par ses origines lunaires, son innocence, son incompréhension du monde qui l'entoure provoquant chez elle une souffrance tel qu'elle finira par penser au suicide. Seule, elle fait preuve d'imagination et de désir d'évasion, une nuit de profond mal être elle fit un rêve où elle fut capable de voler. L'illusion prit fin lorsque la réalité la rattrapa ainsi que les tourments l'accompagnant.

Difficile de ne pas être touché par la pureté de Kaguya hime no monogatari, de la musique aux graphismes, en passant surtout par le scénario... tout fut mis en oeuvre pour mêler fantaisie, émotion et histoire.

  • Gallinulus Pinguis Sainte-Mère des bébés phoques, Rédactrice, Testeuse, Chroniqueuse
  • "Personne ne peut longtemps présenter un visage à la foule et un autre à lui-même sans finir par se demander lequel est le vrai" Nathaniel Hawthorne