Info sur le jeu |
PlateformePC Windows |
ÉditeurToplitz Productions |
DéveloppeurRender Cube |
Date de sortieSeptembre 2021 |
Medieval Dynasty, vis ma vie de gueux
Qu'est-ce que nous allons laisser derrière nous ? Des océans plein de plastiques, une atmosphère en gruyère et des mégacorporations tentaculaires qui supplanteront les états et s'affronteront pour les dernières ressources dans des guerres menées à coups de méchas géants. Oui, ça va de soi.
Certes, mais je voulais dire, en tant que joueurs ? Il n'y a pas beaucoup de jeux de survie qui envisagent les choses sur le long terme dans leur propre univers. Dans un Subnautica, vous n'êtes ici que le temps de trouver le moyen de vous échapper de la planète. Dans Conan Exiles, vous avez une quête à suivre ; dans Stranded Deep, vous devez vous faire secourir au milieu des mers ; dans Raft, vous savez que vous êtes à la recherche du dernier bout de terre encore habitable. Donc, et malgré l'absence de méchas géants, Medieval Dynasty a suscité ma curiosité.
Et notamment parce que pour une fois, plongé en pleine période médiévale, nous n'allions pas sauter dans les chausses d'un roi ou d'un chevalier, mais plutôt dans les frusques sales, et sentant la bouse, d'un paysan. Racimir vivait des jours heureux au sein de l'exploitation familiale, lorsque soudain, ce fut le drame : une guerre éclata dans le pays, et des bandes d'écorcheurs en maraude se mirent à quadriller la campagne dans le sillage des armées. Ceux qui vinrent enfoncer la porte de la ferme ne se contentèrent pas de brûler la chaumière et voler les récoltes, ils assassinèrent sauvagement toute sa famille, forçant votre personnage à s'enfuir sur la route, jusqu'à une vallée lointaine.
Lointaine, mais au moins paisible, et fertile : le terrain de jeu est immense et peuplé de petits hameaux aux noms pittoresques qui fleurent bon le terroir d'Europe centrale. Ici, les populations semblent vivre dans une paix relative et ne refusent pas les nouveaux arrivants. D'ailleurs, le castellan local me donne l'autorisation de m'installer à peu près où je veux en haussant les épaules.
Plus qu'à se retrousser les manches, donc. La nature de Medieval Dynasty est belle. Ce doit être le printemps ; on m'indique que l'été arrivera dans trois jours, ce qui sous-entend que je ne dois pas perdre de temps. Cette clairière n'est pas plus mauvaise qu'une autre, non loin des autres agglomérations, au bord de la rivière, cernée d'arbres qui donneront le bois dont je vais avoir besoin. En l'espace d'une journée, mon Racimir s'est ficelé quelques outils rudimentaires avec quelques bâtons et des pierres, et il a bâti une modeste bicoque avec des rondins.
Et les jours se sont écoulés. Ma ferme était bien placée ; j'ai passé un certain temps à courir le sanglier dans les forêts – jusqu'à tomber nez à nez avec des loups, après quoi c'est eux qui m'ont couru après -, à abattre des arbres, rassembler du foin, cueillir des baies. En fabriquant quelques outils supplémentaires, j'ai pu en tirer quelques pièces auprès des marchands du coin ; de quoi m'acheter quelques fournitures que je n'avais pas.


Jusqu'ici, Medieval Dynasty ressemblait quand même beaucoup à n'importe quel jeu de survie, avec une vague teinte moyenâgeuse. Les choses ont pris de l'ampleur quand je me suis rendu compte que survivre seul en pleine campagne était inutilement difficile et que je pouvais faire bien plus en attirant d'autres paires de bras. J'ai épousé une jolie villageoise des environs (elle n'a pas été difficile, il m'a suffi de lui offrir un bol de soupe, deux bouquets de fleurs et une verroterie en tôle négociée à un escroc de passage pour faire grimper une bête barre d'affection) et j'ai recruté des inconnus aux tavernes et aux coins des feux : des fermiers, des chasseurs, des charpentiers, des bûcherons, des mineurs. Autant de braves gens qui sont venus me rejoindre, et qui n'ont étrangement pas rechigné à dormir dehors en plein hiver par des températures sibériennes, parce que leur nouveau bourgmestre n'avait pas anticipé l'effrayante quantité de matériaux nécessaires pour leur fabriquer des maisons à eux aussi. Pour ça, il m'a fallu fabriquer 30 haches et 50 maillets, aller abattre 400 arbres et arracher 650 roseaux pour fournir la paille. Tous ces gens se sont mis à travailler pour moi, ou plutôt pour nous, en défrichant la forêt, en plantant le blé, le seigle, l'avoine et le lin, en élevant des poules et des oies lorsque la chasse et la pêche n'ont plus suffi à nourrir autant de monde.
Bizarrement, ils n'ont pas non plus rechigné les premières années, lorsque la mise en place laborieuse et pénible d'une agriculture vivrière obligeait tout ce beau monde à sucer des racines de pissenlit pour survivre, parce que les outils et l'engrais coûtaient affreusement cher et que tout le pognon que je gagnais en revendant de petits couteaux en pierre taillée devait passer là-dedans. Dans d'autres jeux, j'en ai connu qui n'auraient pas hésité à me faire rôtir au bout d'une pique pour régler le problème du chef et de la faim en même temps, mais pas ici. D'ailleurs, même ma femme est folle de moi et continue de me donner des cadeaux de temps en temps, bien qu'elle soit enceinte et que le toit de la chaumière soit plus troué qu'un gruyère suisse.
Toutes ces activités ont permis aussi de débloquer de précieux points d'expérience à répartir dans des arbres de compétences dédiées à la survie, la diplomatie, la chasse, la production ou l'agriculture (je vous conseille de viser en priorité les compétences améliorant le mode Inspection, qui souligne les objets importants dans votre environnement) ; et de débloquer de nouveaux bâtiments : la grange, l'établi à bois, la cabane de chasse, l'herboriste, et ainsi de suite.


À ce stade-là, Medieval Dynasty était toujours un jeu de survie, en m'obligeant à faire attention aux températures glaciales qui menaçaient Racimir d'engelures, à l'empoisonnement ou aux menaces des quelques bandits en maraude dans les montagnes. Heureusement, ces derniers deviennent vite moins menaçant avec un carreau d'arbalète dans le front. Mais c'était également un stade où le jeu s'est transformé en simulateur de chef de village. Survivre soi-même ne suffisait pas : il a fallu se mettre à régler tous les petits problèmes du village que j'ai bâti de mes mains, afin que celui-ci continue de tourner rond, que les récoltes soient faites et les fourneaux toujours approvisionnés.
De loin, la plus importante des tâches était de s'occuper moi-même de fabriquer la montagne d'outils nécessaires pour les tâches quotidiennes : seaux, couteaux, harpons, arcs, houes, pelles, maillets, faucilles, sacs, j'en passe et des meilleures ; promettant de nouvelles et longues sessions de farm dont on se serait agréablement passé, même si l'on peut heureusement automatiser cette tâche plus tard en construisant une forge et en y assignant un artisan.
Pareillement, il faut veiller à replâtrer les murs des maisons et des ateliers et réparer les toits endommagés par les tempêtes saisonnières ; tenir à distance les loups un peu trop voraces, veiller à ce que l'entrepôt de nourriture soit toujours garni (il vous arrivera souvent de devoir aller acheter en urgence de quoi sustenter vos compagnons, faute d'avoir prévu), ou aller de villages en village pour revendre vos production et acheter des graines, des têtes de bétail, des outils que vous ne pouvez pas encore vous fabriquer, ou des vêtements, avant d'avoir construit un atelier de couture.


Même si les personnages sont relativement monolithiques et récitent trop souvent les mêmes lignes de dialogues, c'est suffisant pour que Medieval Dynasty confère une étrange satisfaction à voir cette cabane se transformer en grosse ferme, puis en hameau, en village, voire en bourgade, organique et vivante. En réalité, peu importe ce grind de ressources qui me tape déjà sur le système dans World of Warcraft, car Racimir vieillit avec les saisons qui passent, et c'est une sensation gratifiante que d'embellir le village avec des décorations, des bassines pour s'y laver, des bancs, des éclairages ou des clôtures, et de voir les premiers enfants de votre communauté gambader dans les rues. La taxe royale due au castellan, payable chaque printemps, n'est heureusement généralement pas trop lourde pour être un problème. Malgré ses longueurs, le jeu sait rester assez addictif, et il y a toujours quelque chose à faire au sein du village.
Et une fois que celui-ci est -pratiquement- autonome, Racimir a un peu plus de temps pour lui pour aller rencontrer le voisinage et suivre les histoires à disposition un peu partout, verbeuses et limitées à des quêtes « Fedex » qui vous feront maudire l'andouille de développeur qui vous oblige à voyager à pied (le voyage rapide coûte épouvantablement cher), mais tout de même assez divertissantes et convenablement écrites ; la première d'entre elle étant d'apprendre l'histoire de la vie de votre oncle par la bouche de ses anciens compagnons de route, un personnage que vous avez cru connaître.


Pas de méchant maléfique qui veut anéantir le monde ou d'invasions barbares à repousser à la pointe de la lance, mais plutôt des préoccupations du quotidien : untel a besoin d'aide pour se former au tir à l'arc, telle autre souhaite un coup de main pour faire réparer ses outils, tel autre vous charge d'une course à faire à l'herboriste du village derrière la montagne. La vie s'écoule paisiblement dans Medieval Dynasty, et votre dynastie vous survit : si votre personnage meurt, c'est votre enfant qui vous succèdera à la tête de la famille, et à la tête du bourg que vous aurez bâti et des autres familles qui l'habitent. Évitez quand même de mourir prématurément, car il faut du temps pour avoir descendance, entre le moment où vous rencontrez votre femme et celui où votre fils sera en âge de travailler. Mais c'est le moyen-âge, donc attendez-vous à entendre la Mort arriver à l'âge vénérable de trente-cinq ans grand maximum.
Là où Medieval Dynasty révèle ses imperfection, outre son interface à s'arracher les cheveux et les personnages qui ont la personnalité d'un Google Home mal embouché, c'est surtout dans son rythme, car bien que l'on soit là pour vivre comme un paysan médiéval et parer à tous les problèmes du quotidien, certaines tâches se révèlent vite répétitives ou laborieuses ; entre autres citons la réparation des bicoques de votre hameau, un véritable problème quand vous vous étendrez de plus en plus, car le torchis et la chaume tiennent mal avec les années : à ce titre, vous allez vivre le déblocage de l'atelier de constructeur comme une bénédiction. Ou encore la lenteur de la production de certaines marchandises, comme le lin ou la nourriture pour animaux. On pourrait aussi arguer que les étapes sont longues à venir, car débloquer des constructions de niveau supérieur et des objets spéciaux est particulièrement long. Cela dit, on y répondrait que l'intérêt du jeu est justement de prendre son temps et de laisser les années passées, de voir ses compagnons prospérer et mettre le terroir de la vallée en valeur. C'est à chacun de voir, mais sachez que Medieval Dynasty a le bon goût de permettre de modifier certains réglages de difficulté pendant la partie : durée des saisons, vie ou endurance illimitées et autres multiplicateurs d'expérience.
Malgré tous ces hics, c'est inexplicablement grisant d'y revenir une soirée de plus et de repartir miner une cinquantaine de gisements d'étain pour fabriquer une centaine d'outils supplémentaires.


On aurait du mal à expliquer qu'une telle existence de tâches répétitives puisse être prenante et que malgré son farm obligatoire et pénible, malgré les personnages qui récitent leur texte et malgré l'interface utilisateur médiévale, le titre des Polonais de Render Cube sache rester satisfaisant, surtout quand vous rentrez d'une longue chasse dans les forêts pour voir vos habitants moissonner les champs et les enfants jouer dans les rues à courir après les oies et les cochons. C'est une vie éreintante et paisible que celle d'un paysan. En tout cas, c'est celle que Medieval Dynasty me permet de vivre, le temps d'une partie.
Medieval Dynasty
À la sueur de son front
- +La présence des IA, un vrai plus
- +Du contenu à long terme à débloquer
- +Mécaniques bien ficelées, aucune n'est vraiment inutile
- +Le rythme des saisons et le système agricole
- -Quelques rares bugs
- -Le farm, nécessaire mais parfois un peu long
- -On aurait aimé pouvoir plus personnaliser les bâtiments, trop copiés/collés
- -L'automatisation de certaines tâches est longue à venir
Graphismes
L'Unreal Engine est très beau et n'offre que peu de bugs visuels ; la campagne de Medieval Dynasty est très belle et sa nature sauvage particulièrement crédible.
Technique
À part un plantage et quelques personnages coincés dans le décor accidentellement, aucun bug sérieux n'a été rencontré, et le jeu n'est pas spécialement exigeant pour un bon PC.
Jouabilité
L'interface utilisateur et la gestion des membres de votre village sont parfois confus, notamment quand il faut déterminer pourquoi est-ce qu'ils ne travaillent pas ; mais c'est surtout le farm systématique de ressources qui alourdit considérablement le jeu.
Durée de vie
Visiblement, tout était ici conçu pour durer. Medieval Dynasty s'envisage sur le long terme, des centaines d'heures au bas mot, à moins que vous n'ayez un accident malheureux relativement tôt, votre personnage aura une longue vie devant lui. Comme tout s'envisage longtemps à l'avance, vous avez des années de labeur devant vous pour faire surgir de terre votre communauté.
Ambiance
Même si cet aspect aurait pu être amélioré sans trop de risque, l'immersion est bonne. Le rythme des saisons et des tâches qui les accompagnent entraîne dans une agréable routine paysanne. Désactivez quand même la bande-son, qui boucle un peu trop souvent sur le même morceau.
Scénario
On n'en attendait pas, étant donné que le cœur du titre réside dans la perspective de bâtir et faire vivre un village médiéval. Mais pourtant, il y a un scénario, qu'on ne vous dévoilera pas mais qui se contente d'une quête assez étendue pour connaître le fin mot de l'histoire du défunt chef de votre famille, pas toujours passionnante, mais qui a le mérite d'exister cependant.
Cernunnos Testeur, Rédacteur
- "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach