Récit

Moyen-âgeGuerre de Cent ans

Bataille de Castillon

Le Spartiate
Thématique
31 mars
2016

1453, marque pour un certain nombre d'historiens la fin du Moyen-Age, car c'est à cette date que Constantinople, la capitale de l'empire byzantin, est prise par les troupes turques dirigées par le sultan Mehmet II. Cette prise redistribue les cartes en Europe de l'Est où l'Islam est désormais en position de force.

Malheureusement, ce que l'on sait moins, c'est que dans cette même année 1453, le 17 juillet, s'est déroulée l'une des plus importantes batailles mettant en jeu la pérennité de la souveraineté française.

En effet, ce jour-là, à la bataille de Castillon une lutte acharnée a expulsé définitivement les Anglais du royaume de France et mit fin à la guerre de Cent Ans. À une exception, il est vrai, Calais reste encore aux mains de nos voisins d'outre-Manche.

Cette ultime campagne militaire française face à son éternel rival, voit émerger l'utilisation d'une tactique militaire nouvelle conçue par les troupes portant la fleur de lys. Ce fut l'artillerie qui joua un rôle capital dans l'obtention de la victoire.

Mais avant d'entrer dans les détails, il convient de brosser les principales phases de cette guerre qui opposa Français et Anglais pendant plus d'un siècle.

La Guerre de Cent Ans, de la destruction du Royaume de France à sa renaissance

Carte de France au début de la Guerre de Cent Ans.Carte de France au début de la Guerre de Cent Ans.

La Guerre de Cent Ans débute par une soif inextinguible de conquêtes et de richesses de la part du roi d'Angleterre Edouard III. En effet, celui-ci s'est fixé pour but d'étendre considérablement ses terres en France. À partir de sa possession de la Guyenne (le noyau de l'Aquitaine actuelle), il établit une zone d'influence qui va jusqu'aux Flandres.

L'occasion de mettre la main sur le royaume de France tout entier se présente lors de la mort du capétien Charles IV qui n'a pas d'héritier direct. Le roi anglais, étant un petit-fils de Philippe le Bel, se déclare alors prétendant à la couronne alors qu'il n'est qu'un vassal du roi de France.

Le seul fait qu'il soit Anglais l'écarte du trône de France et c'est le neveu de Philippe le Bel, Philippe VI le Fortuné, qui prend la place du feu souverain.

Philippe IV le Bel, les problèmes dynastiques surgissant après sa mort en 1314 entraîneront des querelles entre les différents prétendants au trône de France.Philippe IV le Bel, les problèmes dynastiques surgissant après sa mort en 1314 entraînèrent des querelles entre les différents prétendants au trône de France.

S'ensuit une querelle dynastique entre les deux rois qui débouche sur la déclaration de guerre d'Edouard III le 7 octobre 1337. Cette « dispute » entre têtes couronnées est le motif officiel qui permet d'attaquer les Français et ainsi se donner la possibilité de faire main basse sur le royaume qui est alors le plus riche de toute la chrétienté.

Les ambitions de conquêtes des terres françaises à partir de la Guyenne, nées à la toute fin du XIème siècle, vont enfin pouvoir se concrétiser.

Lorsque Edouard III débarque sur le continent, de nombreux affrontements ont lieu entre les deux belligérants. Ils sont catastrophiques pour les Français. Ceux-ci sont battus sur mer à la bataille de l'Ecluse, mais aussi et surtout sur terre avec les terribles affrontements qui se sont déroulés à Crécy et à Poitiers où le roi de France Jean II le Bon est capturé. Cette bataille et cette capture font partie des désastres les plus noirs de notre Histoire.

Lors de ces violents combats, les principes chevaleresques restent très présents chez les Français où les charges continues de la cavalerie et le combat au corps à corps sont la règle de la guerre.

Quant aux Anglais, ils innovent en utilisant des troupes composées d'archers, protégés des assauts des cavaliers adverses par des pieux enterrés. C'est une révolution militaire, où la cavalerie n'est plus la reine des batailles.

Cette tactique fut à l'origine mise en application par les Écossais en 1314 à la bataille de Bannockburn contre les Britanniques. Ces derniers l'ont donc reprise à leur compte.

Ainsi lors de cette première phase de la guerre, l'armée du roi de France est défaite, la  perfide Albion  assène un grand coup à la monarchie capétienne. Les espoirs d'Edouard III semble se réaliser. La couronne de France est à portée de main.

Néanmoins le roi d'Angleterre va se heurter à la détermination du nouveau souverain français : Charles V le Sage.

Remise de l'épée de Connétable à Duguesclin par le roi Charles V.Remise de l'épée de Connétable à Bertrand du Guesclin par le roi Charles V.

Au milieu du XIVème siècle, ce dernier monte sur le trône de France et opte pour un changement de tactique face à l'envahisseur. Pour cela, il décide de rester en position défensive et de ne plus tenter de batailles rangées. Les troupes anglaises ne pouvant que difficilement piller les terres du pays pour s'approvisionner s'affaiblissent petit à petit.

De plus, Bertrand du Guesclin, chef des armées françaises, remporte à l'exemple de celle de Cocherel, plusieurs batailles et reprend aux Anglais bon nombre de territoires. Le chevalier breton utilise des ruses et des tactiques que l'on peut rapprocher de celles utilisée lors de guérillas.

Les Anglais semblent perdre la partie, pour le moment. Effectivement, tous les succès enregistrés par la monarchie française vont être annihilés après la mort de Charles V qui survient en 1380.

Son successeur, Charles VI est frappé de crises de démence.

Lors de son règne, la chevalerie française subit un nouveau désastre à Azincourt en 1415. Pour ne rien arranger, le roi dans un moment d'absence signe le traité de Troyes en 1420 avec les Anglais.

Charles VII le victorieux représenté par Jean Fouquet en 1450.Charles VII le victorieux représenté par Jean Fouquet en 1450.

Le texte prévoit qu'à la mort de Charles VI, son beau frère Henri V, roi d'Angleterre, héritera du royaume. Mais le capétien selon les Lois Fondamentales ne peut disposer de la couronne à sa guise, elle ne lui appartient pas.

Lorsque Charles VI décède, son fils Charles VII reprend le combat et reconquiert les territoires perdus. Il retrouve sa légitimité de roi, grâce à l'aide de Jeanne d'Arc. Face à l'usurpateur anglais, il est sacré roi à Reims en 1429.

Le jeune souverain ne s'arrête pas là. Épaulé par des capitaines compétents, il réorganise l'armée. Il vole alors de succès en succès.

Mais en Guyenne, tout est à refaire, c'est une terre où les Anglais sont bien vus par la population comparés à l'administration française qui abuse de son autorité et prélève taxes sur taxes. Voyant l'agitation qui anime le Sud-Ouest de la France, le roi Henri VI envoie une escadre et reprend possession de cette province sans difficulté.

Charles VII ne peut tolérer cet affront, il décide de lancer ses troupes pour en finir une bonne fois pour toute avec ces maudits Anglais.

Castillon : une soif de domination anglaise se heurtant au pragmatisme français

Jean Bureau, Grand maître de l'artillerie royal, il fut l'un des artisans de la victoire contre les Anglais.Jean Bureau, Grand maître de l'artillerie royal, il fut l'un des artisans de la victoire contre les Anglais.

Le corps expéditionnaire britannique est mené par Lord Talbot, un excellent capitaine. Celui-ci, à 64 ans, semble être l'un des derniers grands cadre de cette armée conquérante qui s'est trop reposée sur sa réputation. Le vieux chef a sous son commandement 8 000 hommes ainsi que des Gascons anglophiles - des traîtres pour les Français puisqu'ils ont renié le serment qu'ils avaient prêté au roi de France.

Quant aux troupes du capétien, elles comprennent 4 000 hommes, ainsi que 1 500 Bretons, sous le commandement des maréchaux de France : André de Lohéac, ancien compagnon de Jeanne d'Arc, et de Philippe de Culant.

Les inséparables frères Bureau, connaissant parfaitement la région, sont aussi présents et disposent d'un parc d'artillerie impressionnant d'environ 300 pièces. Celles-ci sont retranchées dans un camp de 600 mètres sur 300 avec un talus renforcé de tronc d'arbres.

Cette armée stationne non loin de la ville de Castillon, à 50 kilomètres à l'Est de Bordeaux, qu'elle désire assiéger pour contrôler la Dordogne.

Lord Talbot apprenant cela décide d'aller à la rencontre de ses adversaires au plus vite. Il part de Bordeaux avec ses soldats. En trois jours, il arrive avec sa cavalerie à Castillon en laissant derrière lui ses fantassins ainsi que ses canons. Le vieux chef arrive confiant. Il pense que l'évocation de son seul nom couvert de gloire fera fuir ses ennemis.

A l'aube du 17 juillet, il s'empare de l'abbaye Saint Laurent au Nord de Castillon où se trouvaient 800 archers français. L'armée anglaise fête cette victoire en y célébrant une messe et en s'abreuvant du délicieux vin de Bordeaux.

Après ces courtes festivités, Lord Talbot décide, sans attendre le reste de son armée, contre toute attente, d'attaquer, en se déplaçant à découvert, les positions retranchées mais puissamment défendues des Français. Malgré les conseils de prudence de son capitaine, le vieux lion n'en fait qu'à sa tête. Son orgueil le pousse à se ruer à l'assaut d'un fortin hérissé de couleuvrines, cette tactique ne peut être vouée qu'à l'échec.

Plusieurs raisons ont pu pousser ce vieil homme à tenter une pareille manœuvre. La première est l'emprise de l'alcool, car dans cette région le vin de Bordeaux ne manquait pas et le vieux chef en avait bu en bonne quantité dans l'abbaye. Comment résister à un tel nectar ?

Un autre élément est que Lord Talbot a voulu miser sur la prudence au tout début de sa campagne, mais ses troupes voulaient en découdre au plus vite, elles avaient soif de bataille. Dès lors de nombreux soldats se moquent du vieux capitaine, le trouvant trop craintif. Piqué au vif, ce dernier aurait alors complètement changé de stratégie en se ruant sur l'ennemi.

Devant Castillon, c'est toujours cette même hargne qui l'anime et lorsqu'un soldat se présente à lui et déclare avoir vu un nuage de poussière dans le camp français il n'hésite pas une seule seconde.

Prenant ses désirs pour des réalités, Lord Talbot croit que l'armée adverse bat en retraite. Celui-ci décide instamment d'attaquer, il fait mettre pied à terre à ses cavaliers et du haut de son destrier lance l'attaque, sans arme et protégé d'une simple brigandine. Ses soldats le suivent en criant : « Talbot ! Talbot ! Saint Georges ! », pour se donner du courage et tenter d'effrayer les Français.

Les frères Bureau voyant cet assaut décident d'ajuster leurs bouches à feu sur l'ennemi, ces deux excellents artilleurs sont les précurseurs d'une nouvelle tactique.

Les canons à la fin du Moyen-Age sont conçus à l'origine pour détruire les fortifications adverses, mais ces deux ingénieurs vont les détourner de leur utilisation première pour les employer afin de tailler en pièce l'infanterie adverse. Pour cela, Jean et Gaspard Bureau peuvent compter sur un équipement très performant, ils ont remplacé les traditionnels boulets en pierre par des boulets en fer. Ces derniers sont alors plus petits mais tout aussi destructeurs, cela permet d'avoir des canons plus courts et beaucoup plus maniables. L'artillerie de campagne est née.


Artillerie de campagne médiévale en pleine action

Face à cette nouvelle façon de faire la guerre les Anglais n'ont aucune chance. Un déluge de feu s'abat sur les troupes du roi d'Angleterre. Celles-ci sont décimées, néanmoins une partie d'entre elles arrive à passer par-dessus les barricades. Mais l'infanterie anglaise est repoussée à la suite d'un violent corps à corps contre les Français mais aussi les Bretons venus en renfort.


La chute de Lord Talbot peint par Charles-Philippe Larivière 1839.La chute de Lord Talbot peint par Charles-Philippe Larivière 1839.

La bataille a duré un peu plus d'une heure. C'est la fin pour Talbot. Le vieux chef voit son cheval abattu par un coup de canon, l'Anglais se retrouve alors à terre sous sa monture. Il ne peut se dégager. Des archers français, le voyant dans cette position, décide de massacrer le pauvre homme au point de rendre son cadavre méconnaissable.

Ainsi s'éteint l'un des plus grands chef de cette armée britannique en voie de pleine déliquescence.

A contrario, dans le camp adverse, renaît une armée française qui a faillit disparaître quelques années plus tôt.

Cette victoire de Charles VII est lourde de conséquence pour les Anglais. Ces derniers perdent 4 000 hommes dont bon nombre sont noyés dans la Dordogne suite à la terreur qu'a suscité les nombreux canons des frères Bureau. Mille autres se réfugient à Castillon, et les troupes du roi de France font 200 prisonniers.

Le camp français quant à lui ne déplore qu'une centaine de morts et de blessés.

Le lendemain de cette bataille, Castillon capitule, la reconquête de la Guyenne se réalise alors en un éclair.

Les Français après plus de cent ans de guerre voient ainsi leur royaume délivré des Anglais.

Cette reconquête n'aurait pu avoir lieu sans les précurseurs de l'artillerie moderne, les frères Bureau. Ces derniers auraient inspiré un certain Napoléon Bonaparte quelques siècles plus tard...

  • Brasidas Ancien membre d'HistoriaGames
  • "Les Spartiates ne s'inquiètent pas de savoir combien sont les ennemis, mais seulement où ils sont !" Cléomène III