La tombe d'un mystérieux prince normand découverte en Normandie

Thématique
Protohistoire
11 décembre
2020

Il faut plus qu'une pandémie planétaire pour décourager les acharnés du triple-décimètre et de la truelle : dans la plaine à l'est de Caen, en Normandie, les équipes de fouilles de l'INRAP continuent leurs recherches sur les occupations humaines dans la région à la fin du Néolithique, et viennent de faire une superbe découverte : une tombe princière !

Préventivement aux travaux de constructions d'une ZAC à Giberville, la prospection et la fouille des archéologues ont permis de découvrir des structures appartenant à deux périodes différentes : tout d'abord des fosses vraisemblablement utilisées comme pièges pour les chasseurs de la fin du Mésolithique, il y a environ 8 400 ans :

La tombe d'un mystérieux prince normand découverte en NormandieFouille d'une des fosses de chasses. Photo E. Ghesquière, Inrap

Astucieusement disposées en longueur, ces fosses étroites mais profondes constituaient vraisemblablement un dispositif de chasse prévu pour piéger définitivement du gros gibier comme les cerfs, les chevreuils, les sangliers ou les imposants aurochs disparus de nos jours, que nos ancêtres rabattaient avant de les achever à la lance une fois tombés dans les fosses. Il ne s'agit cependant pas des seules, car les fouilleurs ont également mis au jour un deuxième ensemble de fosses, cylindriques cette fois, ainsi qu'un four remontant au Néolithique ancien, l'un des trois connus dans toute la Basse-Normandie.

Mais la plus impressionnante découverte réside dans les quatre ensembles funéraires découverts, datés de l'âge du Bronze ancien, soit d'environ 3000 avant J.-C. Là, les scientifiques ont mis au jour deux grandes tombes ainsi qu'un groupe de petites inhumations vraisemblablement liées à une exceptionnelle tombe princière datée de 1800-1600 avant notre ère, en caveau trapézoïdal.

La tombe d'un mystérieux prince normand découverte en NormandieVue d'une partie du site fouillé. Photo E. Ghesquière, Inrap
La tombe d'un mystérieux prince normand découverte en NormandieUne des tombes révèle peu à peu son défunt propriétaire... Photo E. Ghesquière, Inrap

Qui est inhumé ici ? On l'ignore, mais il s'agissait vraisemblablement de quelqu'un d'aussi riche que puissant dans la société de l'âge du bronze celtique : il repose allongé sur le dos, tête à l'est et accompagné d'un riche mobilier funéraire : un poignard en bronze de 27 centimètres et doté de six rivets, des fragments de parure en ambre (de la résine fossilisée il y a des millions d'années, très précieuse et généralement marqueur d'importations lointaines) et des pointes de flèches.

La tombe d'un mystérieux prince normand découverte en Normandie  La tombe d'un mystérieux prince normand découverte en NormandieVue des pointes de flèches et du poignards découverts à Giberville. Photo E. Ghesquière, Inrap
La tombe d'un mystérieux prince normand découverte en NormandieVue du souterrain découvert sur le site de Giberville. Photo E. Ghesquière, Inrap.

Particulièrement acérées, ces pointes de flèches semblent selon les premières analyses avoir été travaillées avec des outils de cuivre et fait l'objet d'une standardisation caractéristique de la production artisanale de l'époque, en l'occurrence en silex jaune de la vallée du Cher (autre importation). Vraisemblablement plus des pièces d'apparat plutôt que de guerre ou de chasse, mais les objets n'en sont pas moins superbes.

Cet ensemble funéraire groupé est caractéristique du regroupement des communautés celtes au tournant du IIe millénaire avant notre ère, ce qui aurait probablement formé les futurs territoires tribaux. Il s'accompagne enfin de la mise au jour d'une nécropole “civile” de 45 tombes dotées de parures métalliques et d'urnes à incinération, d'un enclos de forme elliptique remontant à la même période et qui a livré un abondant mobilier d'os animaux, de poteries et de silex taillés ; et même d'emplacements de huttes dotées de plusieurs caves témoignage d'une vie quotidienne importante à la surface.

La fouille sera bientôt clôturée, et les pièces découvertes seront prochainement exposées au musée archéologique de Normandie.