Les Romains se souciaient de leur empreinte carbone

Thématique
Antiquité, Rome antique
1er mai
2020

Comme quoi les bonnes habitudes ne datent pas d’hier. Le Guardian rapportait le 26 avril dernier les conclusions de trois archéologues de l’université américaine de Tulane, qui ont œuvré récemment sur le site de Pompéï, que l’on ne présente plus.

Grace à l’analyse sédimentaire des couches de sols de la cité martyre, nous savons que les quartiers sont assez différenciés, car leurs sols ont été marqués par différentes sortes de déchets qui y ont été jetés. Le prélèvement de leurs fouilles dans les plus grandes concentrations de ces ordures antiques, hors des murs de la ville, a permis de comprendre que certains n’avaient pas été produits sur place, mais amenés ici délibérément.

Quid, donc ? Il était déjà connu des archéologues que l’on trouvait habituellement certaines concentrations de déchets à l’extérieur des villes, à l’instar de nos déchetteries modernes. D’après le professeur Allison Emmerson, certaines de ces déchetteries antiques faisaient plusieurs mètres d’épaisseur. Autrefois prises pour des stigmates d’un séisme ayant précédé l’éruption du Vésuve, le traçage de certains éléments a confirmé qu’ils étaient destinés a être recyclés, et notamment dans la construction. Ces déchetteries antiques n’étaient donc pas destinées à recueillir uniformément toutes les ordures d’une grande ville romaine, car leurs matériaux étaient visiblement triés et réutilisés ensuite, notamment la céramique et le plâtre.

« Nous avons découvert qu'une partie de la ville était construite avec des ordures », confie le pr. Emmerson. « Les ordures déversées dans des endroits comme les latrines ou les fosses septiques laissent un sol riche et organique. En revanche, les déchets qui se sont accumulés au fil du temps dans les rues ou dans les monticules à l'extérieur de la ville donnent un sol beaucoup plus sablonneux. La différence des sols nous permet de voir si ces déchets ont été générés à l'endroit où ils ont été trouvés, ou ramassés ailleurs pour être réutilisés et recyclés ».

Les Romains se souciaient de leur empreinte carboneVue de la Porta Ercolano, au nord de Pompéï, où se trouve la zone fouillée par l’équipe de Mme Emmerson (Photographie : Allison Emmerson).

Cette découverte sur le recyclage des matériaux antiques confirme aussi certaines connaissances sur l’architecture romaine, car nous savions déjà que certains opus romains (des méthodes d’agencement des matériaux dans une maçonnerie) mélangeaient effectivement des déchets variés pour combler le gros-oeuvre, comme l’opus caementicium.

Les Romains se souciaient de leur empreinte carboneFresque pompéienne illustrant une scène d’une boulangerie romaine, appelée tablinum (photographie L.Pedicini)

C’est donc également le cas ici, car « presque tous ces murs ont reçu une dernière couche de plâtre, cachant le désordre des matériaux à l'intérieur », d’après le pr. Emmerson. Cela souligne également la nécessité absolue, pour le chercheur, de ne pas observer le passé avec un œil trop contemporain. En effet, l’urbanisme moderne élimine au plus vite les déchets, rapidement enlevés et évacués là où on ne se soucie que peu de leur devenir ; alors que cette découverte laisse à penser que les citadins antiques avaient un tout autre rapport à leurs déchets.

« Les Pompéiens vivaient beaucoup plus près de leurs ordures que la plupart d'entre nous ne le jugeraient acceptable, non pas parce que la ville manquait d'infrastructures et qu'ils ne se donnaient pas la peine de gérer les déchets, mais parce que leurs systèmes de gestion urbaine étaient organisés autour de principes différents », a-t-elle ajouté.

Sa prochaine publication, Life and Death in the Roman Suburb, sera publiée ce mois-ci par les presses universitaires d’Oxford.