Les conquistadors ont utilisé les forges aztèques
Des recherches récentes apportent des précisions sur l'histoire de la conquête espagnole des Amériques, un sujet bien plus flou qu'on l'imagine et sur lequel l'actualité de la recherche archéologique a été particulièrement active ces derniers temps.
Une équipe de recherches archéologiques américaines du Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Cambridge, dirigée par le professeur Dorothy Hosler, a récemment présenté les résultats obtenus par leur mission au cours des quatre dernières années. Au cours de celle-ci, les archéologues étaient occupés par la fouille d'un important site d'artisanat métallurgique à El Manchon, dans l'état mexicain de Guerrerro, non loin d'Acapulco.
Sur ce site daté de la période coloniale, les archéologues ont mis au jour de très importants dépôts de scorie de cuivre, des traces d'artisanat militaire et de techniques empruntant aux savoir-faire précolombiens et européens. L'équipe de Mme Hosler est parvenue alors à la conclusion que les conquistadors espagnols ont probablement utilisé les fonderies aztèques d'El Manchon pour fabriquer leurs armes, et plus précisément de l'artillerie de petit calibre.
En effet, leur étude publiée récemment dans la revue anglo-saxonne Latin American Antiquity rappelle que la technique de fusion du cuivre était pratiquement inconnue des conquistadors espagnols ; le cuivre n'étant en effet pas exploité en Espagne à cette époque et si cette grande puissance l'utilisait, elle le faisait en achetant à l'étranger cette matière première, sur les marchés d'Europe centrale et du nord.
Or, les conquistadors avaient néanmoins besoin de réparer les armes apportées du Vieux Monde et à l'occasion, d'en fondre de nouvelles ! « Les Espagnols ont alors compris que la seule façon de pouvoir fondre le cuivre était de collaborer avec les indigènes qui le faisaient déjà », a expliqué le professeur Hosler.
L'artisanat du cuivre était en effet une chose connue et pratiquée depuis un bon moment par les civilisations précolombiennes, qui exploitaient depuis le VIIIème siècle ce métal précieux essentiellement pour fabriquer des objets d'art ou de culte. Cependant, la métallurgie du fer est restée inconnue dans cette partie du monde, probablement parce que les artisans locaux ne sont pas parvenus à atteindre les températures beaucoup plus élevées requises pour sa fonte.
Certaines sources bibliographiques laissent aussi apparaître que les Espagnols ont mené certaines négociations commerciales avec les populations du nord-ouest du Mexique, afin d'obtenir de grandes quantités de ce métal, pour pouvoir en faire des armes.
Sur le site d'El Manchon, les archéologues du MIT ont notamment mis au jour les restes d'un four hybride fermé, alimenté par un soufflet à main européen, dont l'apport d'air permettait d'atteindre des températures suffisamment élevées pour fondre de grandes quantités de cuivre.
« Nous pouvons imaginer les conséquences bouleversantes pour ces populations, quand de ces matériaux divins qui représentaient et évoquaient le surnaturel, ils ont vu surgir des éléments d'artillerie ou des armes utilisées pour opprimer », rappelle Mme Hosler. En fin de compte, les datations effectuées sur le site ont permis de supposer qu'il a été utilisé entre 1630 et 1825, soit pendant la grande phase de conquête nordique de la Nouvelle-Espagne.
Les travaux de Mme Hosler et son équipe ont malheureusement dû être abrégés pour rapatrier les scientifiques récemment, en raison de troubles sociaux dus à un cartel de la drogue local.