Info sur le jeu
PlateformeGrande stratégie
ÉditeurParadox Interactive
DéveloppeurParadox Development Studio
Date de sortieOCtobre 2022

Victoria 3

Roi de Dreamland
Thématique
30 août
2022

Alors que Victoria II débarquait sur nos PC le 13 août 2010 et que bien des litres d'eau avaient coulé sous les ponts depuis cette date, les chances de voir arriver un jour son successeur s'amenuisaient à mesure que les mois défilaient... À tel point qu'en 2021, Victoria 3 était devenu une sorte de blague d'initiés même au sein même du studio de développement de Paradox Interactive. Un meme, affiché sur des t-shirts par les employés du studio, amusés de voir une frange d'irréductibles et d'inconditionnels de ses titres continuer à réclamer à grand cri la sortie du messie tant attendu, même douze années plus tard...

Il faut dire que bien des raisons pouvaient expliquer la réticence du studio suédois à considérer le développement de ce titre comme prioritaire. À commencer par son sujet même : l'époque victorienne. Passionnante à bien des égards, témoin de nombreuses révolutions et de chambardements majeurs qui eurent un impact décisif sur le destin de l'humanité, l'époque victorienne est pourtant loin d'être la plus « sexy » pour bon nombre de joueurs... Additionnez cet argument à la volonté de Paradox Interactive de sortir d'une logique de jeu de niche pour migrer vers une stratégie allant dans le sens de la démocratisation du jeu de grande stratégie... et vous comprendrez aisément pourquoi le studio suédois a fait le choix de privilégier le développement de titres comme Hearts of Iron IV, Crusader Kings III ou encore même Imperator : Rome.

Pour autant, si la Rome antique, la Seconde Guerre mondiale ou même le Moyen-âge s'avèrent être des périodes plus vendeuses sur le papier, il n'en reste pas moins qu'elles peuvent finir par lasser les joueurs, à l'instar de ce que l'on a récemment pu constater avec les Vikings... Il n'en fallait pas moins à Victoria 3, véritable arlésienne de Paradox Interactive, pour pointer le bout de son nez et s'engouffrer dans la brèche. Quelques mois après son annonce aussi inattendue qu'appréciée, nous avons eu la chance de faire partie des rares médias français ayant eu la possibilité de tester une version bêta de celui que les joueurs surnomment affectueusement « Vicky 3 ».

Mais alors, que vaut celui dont l'annonce a été attendue durant douze longues années à chaque convention vidéoludique ? La réponse, sans plus tarder !

Nouveaux venus contre pionniers...

Nous l'avons vu, l'annonce de Victoria 3 à elle seule a suffit à ravir un noyau dur d'enthousiastes et d'inconditionnels de Paradox Interactive qui ont connu son vénérable aïeul. Pour autant, depuis 2010, bien des choses ont évolué pour le studio suédois et pour le marché du jeu vidéo.

Ce qui, à l'époque, n'était qu'un petit studio développant des jeux de niche réservés à un public restreint s'est transformé en nom reconnu du jeu vidéo, développant et éditant de nombreux titres à succès.

Alors que Crusader Kings II et Europa Universalis IV ont offert une solide réputation à Paradox Interactive, le studio suédois a pris la décision de démocratiser le domaine de la grande stratégie pour en faire profiter un plus grand nombre de joueurs. Mais à chaque fois que ce débat est posé sur la table, le même enjeu revient immédiatement sur le tapis : où faut-il placer le curseur entre profondeur et réalisme d'un côté et accessibilité et jouabilité de l'autre ?

Cette équation, qui vient irrémédiablement, tôt ou tard, se poser dans le développement de tout jeu de Paradox Interactive, est particulièrement prégnante pour Victoria 3. On pourrait même considérer qu'elle est décisive dans son cas. En effet, dit dans d'autres termes, annoncer la sortie de Victoria 3 implique de trouver un équilibre délicat qui satisfasse à la fois les très fortes attentes des vétérans de Victoria II et les désirs des nouveaux venus sur les jeux de Paradox, qui n'ont pas forcément l'appétence pour un gameplay aussi « aride » que celui du prédécesseur de Vicky 3. Autant le dire, la tâche s'avère ardue... et trouver un consensus qui parvienne à convaincre le tout à chacun ne sera pas aisé. On se souviendra par exemple qu'à se vouloir trop accessibles, Crusader Kings III ou même Imperator : Rome, s'en sont mordus les doigts.

Victoria 3

L'enjeu posé ici était donc colossal et à vouloir faire plaisir à tout le monde, le studio suédois avait bien des chances de totalement se trouer... Ceci étant dit, après plusieurs heures de jeu sur la version alpha de Victoria 3 que nous avons eu l'occasion de tester, force est de constater que la formule trouvée par les développeurs est efficace et satisfaisante.

On retrouve avec plaisir l'ADN et certaines des mécaniques ultra détaillées de Victoria II tout en conservant dans le même temps une interface utilisateur digne des standards de 2022. Ainsi, Victoria 3 parvient à atteindre un équilibre satisfaisant qui, normalement, devrait s 'avérer suffisant pour convaincre et satisfaire les modérés des deux camps. Pour les radicaux en revanche... rien n'est garanti, et il y a fort à parier que Pierre, Paul ou Jacques trouveront telle mécanique trop simplifiée ou, à l'inverse, tel domaine du gameplay totalement incompréhensible...

En tant que joueur rompu aux différents titres de Paradox Interactive, je vous dirai ceci : Victoria 3 n'est certainement pas à mettre entre toutes les mains et il nécessitera un peu de pratique et de préparation avant de pleinement être apprivoisé. Cela s'explique par l'incroyable richesse et les possibilités que le titre vous offre, avec un aspect bac à sable totalement assumé dans la gestion politique et économique de votre population et de votre pays.

En effet, au premier lancement du jeu, on se sent très vite perdu malgré une interface qui se veut relativement ergonomique. X dépend de Y qui a un impact sur Z selon la valeur de W... il y a de quoi se noyer très rapidement, et le pseudo tutoriel prévu par Paradox Interactive, décidément très moyen dans cet exercice, n'aide pas... Notez également que la traduction française n'était, dans cette version alpha que nous avons testée, pas finalisée, avec des bugs similaires à ceux rencontrés au lancement d'Imperator : Rome.

Aussi, malgré le fait qu'il s'avère être plus accessible que Victoria II, le titre mélange un nombre important de mécaniques et de systèmes de jeux qui s'entrecroisent et ont une influence les uns sur les autres. Ce qui pouvait s'observer dès la traduction des différents journaux de développement, qui n'était pas chose aisée, se confirme une fois la souris en main...d'autant plus que les développeurs ont rebroussé chemin sur certains de leurs choix en cours de route afin de réviser leur copie. Par conséquent, le stratège du dimanche pourrait baisser les bras avant de parvenir à dompter la bête... ce qui serait fort dommage.

Car si le coût d'entrée et la courbe d'apprentissage de Vicky 3 restent plus abordables que ceux de Victoria II, ils nécessiteront, dans tous les cas, un véritable investissement de la part du joueur si ce dernier souhaite tirer la quintessence maximale du titre... et quelle quintessence !

L'économie et la politique : véritable coeur du jeu

La seule compréhension de toutes les subtilités relatives à la gestion des besoins économiques des différentes classes composant votre population prendra, à elle seule, quelques heures. Il en est de même pour le développement de votre marché domestique et pour vos relations commerciales, qui constitueront le cœur du jeu.

Il faut voir Victoria 3 comme un bon jeu de plateau... l'apprentissage de ses mécaniques et de ses règles nécessitera un temps d'adaptation, pas forcément très agréable... mais la récompense n'en sera que plus belle une fois que vous maitriserez le jeu !

Ainsi, en simplifiant certains aspects qui étaient, à mon goût, bien trop détaillés dans Victoria II, notamment au niveau de l'importation et de l'exportation de biens, Victoria 3 parvient à offrir à son joueur une véritable expérience « bac à sable », lui donnant les outils et la possibilité d'influencer le destin de son pays de par ses seuls choix. L'impression est loin d'être déplaisante, pour ne pas dire totalement grisante.

En effet, Victoria 3 parvient à vous offrir suffisamment de profondeur pour vous donner les leviers nécessaires en vue de faire émerger tel courant social ou tel vent contestataire au sein de votre pays... J'ai rarement pu constater une telle liberté d'action dans un jeu de grande stratégie, et cela s'explique probablement par le fait que la guerre est ici bien moins une fin en soi que dans d'autres titres du studio suédois tels Hearts of Iron IV, Europa Universalis IV ou encore Crusader Kings. Plus largement, il n'y a pas « une bonne façon » de remporter la partie et la victoire pourra être obtenue par la réussite d'objectifs variés, selon la tournure et l'orientation que le joueur souhaite donner à sa partie.

Victoria 3

Une diplomatie repensée et optimisée

La diplomatie, totalement repensée, occupe également une place importante et se veut bien plus agréable et moins punitive à jouer que dans Victoria II. Elle est, en outre, plus aisée à prendre en main, tout en offrant au joueur un nombre important d'options.

Concrètement, la nouvelle gestion des différends entre pays, s'ouvrant sur une crise diplomatique séparée en plusieurs phases et pouvant aboutir sur un conflit ouvert en cas d'impasse, est une grande réussite. S'inspirant de ce qui existait dans Victoria II, les développeurs en éliminent les aspects les plus rébarbatifs et inutile pour, à l'inverse, faire émerger quelque chose de vraiment positif. Ces corrections s'observent également au niveau de la mécanique d'infamie du jeu, bien moins contraignante que dans Victoria II où la moindre action diplomatique engagée, même anodine, pouvait rapidement mener à coaliser l'Europe contre vous...

Le résultat nous offre un gameplay vraiment particulier, qui diffère grandement des autres titres de grande stratégie du studio suédois.

Le piège de la comparaison et le prix de l'ambition

Mais alors, allez vous me dire : Victoria 3 remplit-il totalement le contrat ? Il est encore un peu tôt pour se prononcer sur la qualité finale de celui qui, malgré tout, nous offre de nombreuses et belles promesses.

Ce qui peut être dit, à ce stade, c'est que Victoria 3, bien qu'étant plus simple que son prédécesseur, n'en est pas pour autant un jeu simpliste et qu'il nécessitera un temps d'apprentissage non négligeable pour pleinement maitriser ses riches et nombreuses mécaniques.

En revanche, deux questions restent pleinement en suspens : celle de la comparaison, et celle du niveau d'ambition des développeurs.

Victoria 3

Pour ce qui est de la comparaison, l'idée est de savoir à quel référentiel on souhaite comparer Victoria 3. L'une des possibilités est de logiquement se tourner vers son prédécesseur, Victoria II, auprès duquel il puise une inspiration certaine. Certains vous diront toutefois que la comparaison à un titre vieux de douze ans est un peu facile et qu'il est plus pertinent de comparer Victoria 3 aux derniers titres les plus récents publiés par Paradox Interactive...

Si je serais, personnellement, plus prompt à comparer Victoria II à Victoria 3, il n'est pas incongru d'envisager de se tourner également sur des titres comme Hearts of Iron IV ou Crusader Kings III. Si ces derniers disposent, nous l'avons vu, d'un gameplay très différent de celui de Vicky 3, force est de constater qu'ils lui prêtent également certaines de leurs mécaniques.

En bref, ceux qui feront le choix de comparer Victoria 3 à Victoria II devraient être largement satisfaits par le petit nouveau... à l'exception des vieux de la vieille qui regretteront certainement la réduction de la micro-gestion, pourtant encore omniprésente dans le jeu.

Pour ceux qui, à l'inverse, feront le choix de comparer Victoria 3 aux jeux de grande stratégie les plus récents de chez Paradox Interactive, les risques de déceptions pourraient être plus grand en constatant que telle mécanique, pourtant présente dans Europa Universalis IV avec ses 185 DLC, est absente au lancement de Victoria 3...

Aussi, à son lancement, Victoria 3 pourrait, effectivement, ne pas être doté d'un système, pourtant présent et mieux abouti dans un autre titre plus ancien de Paradox Interactive. Pour autant, je reste persuadé qu'il dispose d'un potentiel colossal qui (hélas ?) ne demandera qu'à être développé au fur et à mesure des DLC à venir. Cela ne pourra toutefois se faire qu'à la condition où Victoria 3 ne souffre pas d'un lancement entaché par un « review bombing » exagérément immérité et orchestré par quelques joueurs susceptibles et impatients... Nombre de projets, pourtant fort prometteurs, ont été ainsi condamnés à mort.

Victoria 3

Ce qui m'offre une transition toute trouvée sur le second point que je souhaitais évoquer en guise de conclusion : le prix de l'ambition. Avec Victoria 3, Paradox Interactive signe un retour à l'ambition et en fait grandement montre dans un projet qui, nous l'avons vu, est très attendu au tournant.

Il est clair que les journalistes que nous sommes et qui avons eu l'opportunité de tester durant quelques jours la version alpha du titre ont servi de testeurs bénévoles pour le compte de l'équipe de développement, puisque nous étions invités à lui rapporter tout bug et autre dysfonctionnement rencontré au cours de nos parties...

Par conséquent, il est probable que des bugs trainent encore, ça et là, au lancement de Victoria 3, dont vous savez dorénavant que la date est fixée au 25 octobre 2022.

Aussi, je vous invite à faire preuve de patience et de bienveillance. N'oubliez pas qu'un jeu de grande stratégie du niveau d'ambition de Victoria 3, c'est comme le bon vin. Il nécessitera probablement une maturation prenant un peu de temps (et probablement plusieurs DLCs !) avec une période initiale durant laquelle il faudra essuyer les plâtres.

Quand un développeur se donne la peine de prendre des risques en tentant de remettre au goût du jour un classique vieux de 12 ans et de le réadapter à un public en grande partie nouveau, en lieu et place de nous sortir la même bouillie standardisée, j'estime que le jeu en vaut la chandelle...

Pour ce qui est des premiers éléments de réponses à cette question, rendez-vous est donc pris en date du 25 octobre !

A
Victoria 3

Ambitieux, riche, mais très attendu
Après l'échec d'Empire of Sins et d'Imperator : Rome, Victoria 3 est attendu au tournant, y compris par des joueurs qui en rêvent depuis maintenant 12 ans. Il va sans dire que la version alpha que nous avons pu tester se veut rassurante et nous promet de très belles choses. Pour autant, le lancement d'un jeu de cette ampleur et de ce niveau d'ambition est toujours délicat, surtout chez Paradox Interactive, et la persistance de bugs divers et variés pourraient provoquer l'ire de certains joueurs... Toujours est il que Victoria 3, à travers ces quelques heures de jeu, nous a fait montre d'un potentiel colossal, dont on espère qu'il pourra pleinement se développer avec le temps !
Intérêt historique :En plus de remettre au goût du jour l'époque victorienne, injustement snobée la plupart du temps par les créateurs de jeux vidéo à thématiques historiques, Victoria 3 vous offre une expérience de contrôle quasi-total sur la politique, l'économie et la société de votre pays. De quoi s'amuser à refaire l'Histoire durant des heures... à condition de toutefois maitriser le titre !
  • +Riche, immersif, et plus simple que Victoria 2
  • +Le cœur du jeu et son niveau de détail : la gestion économique et politique
  • +Une immersion impressionnante dans l'époque victorienne
  • +La gestion diplomatique des crises, plus intéressante et moins punitive
  • +De l'ambition, avec les risques qu'elle comporte
  • -Un jeu qui reste complexe malgré tout et devra être apprivoisé
  • -Un gameplay riche qui multiplie les risques de bugs
  • -Une carte du monde visuellement un peu fade...
  • -La flopée de DLC à venir et l'investissement qu'ils représenteront probablement