Info sur le jeu |
Plateforme
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ÉditeurFocus Home Interactive |
DéveloppeurAsobo Studio |
Date de sortieOctobre 2022 |
A Plague Tale : Requiem
L'industrie vidéoludique recèle d'innombrables exemples de jeux vidéo de qualité variable, et souvent médiocre, pollués aujourd'hui par des prises de décisions marketing néfastes et dangereuses. Malheureusement, en réalité, seuls quelques jeux marquent la vie d'un joueur.
Si, Assassin's Creed Origins reste, à mes yeux, le plus grand de tous les temps, pour avoir su réaliser un rêve d'enfance, si, Death Stranding m'a marqué par son scénario et son univers improbable, malgré l'incompréhension d'une partie des joueurs, si, Mass Effect 2 a été le premier à m'avoir fait verser une petite larme et procuré des sensations comme rarement vécues, si, Elden Ring a su magnifier la difficulté et l'exploration... alors, A Plague Tale : Requiem m'aura fait vivre une aventure inoubliable qui mérite d'être considérée comme une œuvre d'art à part entière.
Une aventure bourrée d'émotions diverses
Réalisé par les Bordelais d'Asobo Studio, A Plague Tale : Requiem est la suite directe d'A Plague Tale : Innocence, un jeu que l'on avait grandement apprécié lors de sa sortie, en 2019. Par conséquent, dire que ce nouvel épisode était très attendu est un doux euphémisme, d'autant que la fin laissait quelques questions sans réponse.
Requiem reprend les aventures d'Hugo et Amicia, six mois après les événements d'Innocence. Accompagnés de leur mère Béatrice de Rune et du jeune Lucas, apprenti alchimiste, ils ont quitté une Guyenne dévastée pour une Provence apaisée afin d'y soigner Hugo, atteint de la macula, une mystérieuse et ancienne malédiction qui court dans les lignées de certaines familles depuis près de cinq siècles, et qui a notamment sévi au temps de la Peste de Justinien.
Recherchée par l'Inquisition, souhaitant en faire une arme, la malédiction qui affecte le sang d'Hugo provoque des cataclysmes partout où il passe, en faisant notamment déferler des hordes de rats grouillant et dévorant tout ce qui vit sur leur passage, tout en propageant la peste. On terminait ainsi Innocence avec l'anéantissement de l'Inquisition dans la région et l'on pouvait imaginer ensuite le début d'un long périple en quête d'un remède pour Hugo.
Durant ces six mois d'accalmie, il semble que la macula ne se soit pas de nouveau manifestée, laissant à la famille un moment de répit bienvenu. Alors que la Guyenne était déchirée par la guerre de Cent ans, celle-ci semble bien loin de concerner les Provençaux. Nous débarquons ainsi dans un paysage idyllique, laissant rêveur un Hugo ayant recouvré ses forces et sa joie de vivre malgré les catastrophes récentes. Cependant, les ennuis arrivent très vite, réveillant peu à peu la macula...
Nous n'en dirons pas plus, le scénario étant le point fort du titre. Il n'est d'ailleurs pas anodin qu'Asobo Studios prennent les devants en vous prévenant de faire très attention les jours suivant la sortie, car les divulgâcheurs risquent de s'en donner à cœur joie, sans oublier les "Reaction video" d'influenceurs peu inspirés. Bref, protégez-vous du mal.
Des personnages plus vrais que nature
Au delà de son écriture, le scénario d'A Plague Tale : Requiem repose beaucoup sur ses personnages, et plus particulièrement Amicia et Hugo. Il s'agit certainement d'une des plus belles relations entre deux protagonistes dans un jeu vidéo. On pense forcément à Ellie et Joel de The Last of Us, Lee et Clémentine de The Walking Dead : A Telltale Games, ou encore à Kratos et Atreus de God of War. Mais, dans Requiem, on atteint un niveau rarement vu : celui d'une sœur protectrice et d'un frère porteur d'une malédiction effroyable. On vit l'aventure à leur côté avec leur lot d'émotions contraires. Ainsi, se mêle des moments de joie intense et de calme apaisant, aussitôt suivi par l'angoisse face à une situation inextricable, le dégoût d'un monde de plus en plus déviant, ou encore la haine, la colère, la rage de vivre...
Bien que l'on incarne Amicia, Hugo n'est jamais très loin, au point d'avoir parfois l'impression de diriger deux personnages en même temps, chacun se tenant la main pour évoluer dans les différents environnements et faire face aux nombreux dangers. De plus, le fait qu'ils n'arrêtent pas de parler, et chuchoter, entre eux, apporte beaucoup de vie à cette aventure.
Hugo et Amicia peuvent heureusement compter sur des alliés. Il y a, bien entendu, le très fidèle Lucas. Comment un gamin si frêle, censé avoir 12 ans, peut-il avoir autant de sagesse ? En réalité, sa maturité nous étonnera toujours, mais heureusement qu'il est là. Sans en dire davantage, d'autres personnages, tout aussi attachants, vous accompagnent, et apportent leurs propres compétences pour vous aider à traverser les nombreux dangers.
Évoquons également le doublage. Je n'ai pas encore eu le temps de jouer à la version en anglais - la version française se suffisant à elle-seule. Si Amicia et Hugo font désormais partie de mes duo favoris, alors leur doublage y est certainement pour quelque chose. Il ne faudra pas être étonné si le jeu reçoit des prix en ce domaine d'ici la fin de l'année, en plus de bien d'autres, sans doute... Léopoldine Serre (Amicia) et Cécile Gatto (Hugo) proposent ici une performance parfaite, particulièrement crédible et prenant souvent aux tripes. Ce n'est que mon avis, mais de tous les jeux auxquels j'ai joué - et il y en a beaucoup - j'ai rarement entendu un doublage en français aussi convaincant, et mixé à la perfection.
Enfin, ne soyez pas surpris si quelques mois après la sortie du jeu, de nombreux bébés portent le nom d'Amicia. Comme Arya, il fut un temps pour les séries télévisées, les jeux vidéo détiennent désormais une nouvelle héroïne encore plus "badass" que dans le premier épisode. Oubliez les Lara Croft, Samus, Bayonetta, Jill Valentine, et autre Aloy, la nouvelle patronne se nomme Amicia !
Des rats par centaines de milliers
Alors qu'Innocence nous avait proposé un antagoniste aussi ambitieux qu'exécrable en la personne du Grand Inquisiteur Vitalis Bénévent, c'est la macula et les hordes de rats qui jouent ce rôle à merveille dans Requiem.
Que ne serait pas A Plague Tale sans les rats... Le moteur d'Asobo Studio a bien évolué en trois ans et permet désormais d'afficher des centaines de milliers de rats sans broncher. Le résultat est techniquement époustouflant et ce sont de véritables vagues de rongeurs qui déferlent à l'écran, démolissant tout sur leur passage, dans des séquences de fuites à couper le souffle.
Toujours repoussés par la moindre source de lumière, ces surmulots à fourrure sombre vivent dans des endroits non éclairés et vous procureront, sans nul doute, pas mal de situations angoissantes, surtout si vous n'avez pas de torche à portée de main. À la fois ennemis imparables et alliés de circonstance, les rats pourront être manipulés par Hugo, notamment pour connaître la position de bandits et soldats hostiles, et exécuter d'autres actions peu réjouissantes.
Même si A Plague Tale : Requiem se déroule durant un XIVème siècle bien retranscrit, il reste un jeu à thématique fantastique et avant tout très sombre. Les rats participent à cette atmosphère, évoluant telles des hordes de zombies, dans un monde de plus en plus sinistre et décimé. Sans en dévoiler davantage sur le scénario, la peste de Justinien, déjà évoquée dans le premier épisode, est davantage mise en avant dans Requiem, et permet ainsi de répondre en grande partie à nos questions... même si certaines restent encore en suspens.
Un gameplay en retrait, au service de l'expérience
A Plague Tale : Requiem reprend quasi identiquement le gameplay d'Innocence. Il reste à mes yeux tout aussi basique et n'offre aucun véritable challenge. Le jeu reste un long couloir, plus ou moins large, dans lequel on progresse et l'on fait face à des situations variées : discrétion, cache-cache dans les hautes herbes, tir à la fronde, lancer de jarre remplie d'huile, lancer de caillou pour faire diversion... On retrouve sans surprise tous les éléments qui ont contribué au succès du premier épisode.
Comme dans Innocence, on pourra rechercher, dans les différentes zones parcourues, des coffres refermant divers ingrédients et ressources. Ceux-ci nous permettent d'améliorer notre équipement, comme la fronde, ou de créer des réactifs d'alchimie qui pourront être utilisés afin de créer de la lumière, enflammer des braseros, éteindre des torches, aveugler momentanément les ennemis... Bien entendu, la recherche des ces précieuses ressources n'est pas sans risque. En plus des rats, les ennemis patrouillent et il vous faudra donc trouver des astuces pour vous faufiller. Rassurez-vous, rien n'est insurmontable et surtout, c'est parfaitement négligeable. J'ai fini le jeu sans avoir tout ouvert, et donc sans avoir amélioré mon équipement à fond. Vous pouvez aussi foncer dans le tas et éliminer tout le monde sur votre passage. Mais, est-ce bien raisonnable ?
En fonction de vos actions, vous développez des capacités améliorant les aptitudes d'Amicia à survivre dans les environnements hostiles. Plus vous vous montrez discret, plus elle gagnera des capacités allant dans ce sens. De même, si vous passez votre temps à poignarder ou tirer dans la tête de vos ennemis sans protection, Amicia se montrera plus féroce. C'est également anecdotique, mais ça peut influencer votre manière de jouer.
Des ateliers pour améliorer notre équipement, un codex à remplir d'objets et de souvenirs cachés et des capacités qui évoluent en fonction de nos actions.
Il y a bien quelques nouveautés, comme l'arbalète que pourra manier avec dextérité Amicia, et d'autres actions qu'on vous laisse découvrir. Mais si s'amuser reste important dans la plupart des jeux vidéo, vivre une aventure exaltante et ressentir une expérience comme rarement l'on en voit est plus important encore dans A Plague Tale : Requiem. C'est en ce sens, que j'ai du mal à reprocher aux développeurs de proposer si peu d'évolution dans leur gameplay.
Par contre, les énigmes représentent le seul point véritablement négatif et critiquable à mes yeux. Tout d'abord, il y en a peu par rapport à un jeu d'aventure traditionnel. Surtout, elles sont trop classiques et déjà vues. On ne peut jamais ressentir les joies de parvenir à résoudre un casse-tête qui nous aura longuement bloqué, ni de cogiter suffisamment longtemps. C'est pourtant là que se trouve le sel des jeux d'aventure.
Après avoir sué à grosses gouttes sur Elden Ring, il est quelque peu étrange de tomber sur quelque chose de très abordable et n'offrant aucune réelle difficulté. En même temps, ce n'est pas plus mal. Comme on le dit souvent, il en faut pour tous les goûts. Même si A Plague Tale : Requiem ne s'adresse pas du tout aux enfants (très fortement déconseillé), c'est le jeu parfait pour le grand public qui ne dispose pas forcément de beaucoup de temps devant lui pour jouer.
Entre deux mondes ouverts à la durée de vie énorme, jouer à un jeu de pure aventure se terminant en 15-18 heures est, somme toute, rafraîchissant. Surtout, Requiem nous évite l'alourdissement de son aventure par du remplissage inutile avec l'ajout d'heures supplémentaires d'activités pompeuses et de nombreux pseudo sites d'intérêt à explorer à travers son monde (coucou les plumes d'Assassin's Creed II). Point non plus de microtransaction, ni de NFT à la noix. À l'heure actuelle, c'est toujours bon de le saluer. Requiem sent bon le jeu à l'ancienne, qui n'en fait pas des tonnes pour en faire des tonnes, mais qui le fait pour son public et les amoureux des jeux d'aventure, devenus rares ces derniers temps.
Personnellement, il m'a fallu 16 heures pour venir à bout de A Plague Tale : Requiem (contre 9 heures pour Innocence), en ayant découvert seulement la moitié de tous les secrets que renferme le jeu. Comme dans le premier épisode, en sortant quelque peu des sentiers battus, il est possible de tomber sur des souvenirs et des objets à collectionner pour Hugo qui rempliront le codex. Depuis le menu principal du jeu, il est tout à fait possible de revisiter les chapitres déjà finis et de chercher les derniers secrets à trouver, pour deux-trois heures de plus.
Une ambiance parfaitement maîtrisée et sublimée
Innocence était déjà un très beau jeu, A Plague Tale : Requiem l'est encore davantage. Il s'agit très certainement de l'un des plus beaux titres de la génération actuelle. Même s'il ne s'agit que d'un jeu couloir, il arrive à proposer une grande variété de paysages et d'environnements. De plus, Requiem a le luxe de proposer des arrière-plans bien mieux réalisés que son prédécesseur. Vous aurez de quoi vous amuser avec le mode photo.
Les différentes scènes que l'on traverse proposent des environnements, des paysages et des nuances de couleurs différents à chaque fois, changeant ainsi radicalement d'ambiance, et permettant d'éviter toute forme de redondance qui pourrait s'installer. De jour comme de nuit, on en prend clairement plein les yeux. Tout est réalisé à la perfection, sans fausse note : des jeux de lumières à la modélisation des personnages, tout est incroyable, d'autant plus pour un studio qui ne dispose pas des mêmes moyens que les mastodontes de l'industrie vidéoludique. On sait leur talent reconnu à travers le monde (Microsoft Flight Simulator), et les développeurs le démontrent encore une fois.
Le prix pour y jouer dans les meilleures conditions est cependant assez élevé. Le jeu demande une carte RTX 3070 pour avoir des graphismes en 1080p Ultra et un jeu fluide à 60 FPS constant. Le lobbying de Nvidia y est sans doute pour quelque chose... On connaît le gonflement des configurations requises pour vendre plus de cartes, surtout quand le jeu est annoncé compatible avec DLSS 3, disponible uniquement sur les prochaines cartes de la série RTX 40xx... Comme par hasard, hein !
Bonne nouvelle cependant, si vous disposez d'une configuration minimale, le jeu sera disponible sur le Geforce Now, vous permettant d'y jouer dans de meilleures conditions, si tant est que vous disposiez d'une bonne connexion à internet.
Il n'y a malheureusement pas d'option pour limiter les FPS. Pour cela, il faut passer par le panneau de configuration de votre carte Nvidia afin de fixer une limitation, de préférence sur 60. Au-delà, vous risquez d'avoir de sévères chutes dans le nombre d'images par seconde. Privilégiez également le jeu à la manette, bien plus agréable pour les jeux à la troisième personne de ce type.
Nous n'avons pas encore pu tester le Ray Tracing. Celui-ci sera disponible au lancement, prévu le 18 octobre 2022. Le jeu des lumières étant déjà impressionnant sans, on a du mal à voir ce que cela pourrait offrir de plus... Le DLSS est quant à lui bien présent, permettant d'avoir des options graphiques en Ultra et un jeu fluide la plupart du temps. Il est tout de même à noter quelques pertes de FPS sur notre version, notamment lors des phases de transition (lorsque l'on ouvre une porte et qu'on la traverse, le mouvement de la caméra est souvent saccadé). Mais, une fois encore, nous ne disposons pas du patch day-one, et surtout, Nvidia proposera sans doute un driver optimisé à la sortie du jeu qui, espérons-le, réglera le problème. Nous mettrons ce test à jour selon ce qu'il en est.
Enfin, n'oublions pas l'ambiance sonore. Si les voix des personnages sont déjà fabuleuses, que dire des musiques ! Toujours composées par Olivier Deriviere, elles s'adaptent parfaitement selon les situations. Le summum étant atteint dans la dernière partie du jeu avec un chœur féminin montant en pression au fur et à mesure de notre progression. Encore un élément qui risque de recevoir des prix.
A Plague Tale : Requiem
Une expérience remplie d'émotions
- +Une aventure palpitante, captivante et riche en émotions
- +Des personnages magnifiques et plus vrais que nature
- +Amicia, la nouvelle héroïne du jeu vidéo
- +Un scénario parfaitement maîtrisé et une fin qui vous marquera sans aucun doute
- +Une réalisation impeccable et une beauté incroyable
- +Des séquences spectaculaires et mémorables
- +Des rats par centaines de milliers à l'écran
- +Le doublage en français magistral
- +Un jeu dénué de bug et de microtransaction
- -Un gameplay trop classique
- -Des énigmes peu originales
Graphismes
A Plague Tale : Requiem propose des scènes d'anthologie. Aucune n'est en dessous de l'autre, et chaque paysage et environnement traversé est un émerveillement pour les yeux. Une nouvelle prouesse pour les français d'Asobo Studio qui ne cessent de nous étonner.
Technique
Bien entendu, le prix à payer pour bénéficier des graphismes dans leur qualité maximale est relativement élevé. Malgré une RTX 3070, les chutes de FPS étaient présentes lors des phases de transition. Espérons que le patch day one et les pilotes graphiques prévus par NVIDIA amélioreront un peu les performances, car dans l'ensemble le jeu ne souffre d'aucun bug et reste fluide la plupart du temps avec le DLSS activé.
Jouabilité
Tout dépend du type de joueur que vous êtes. Personnellement, ça m'a paru beaucoup trop classique. Le grand public y trouvera assurément son compte, d'autant que tout ce qui est proposé est parfaitement maîtrisé. Même en mode difficile, le jeu reste accessible, hormis peut-être un passage, ou deux, particulièrement tendus.
Durée de vie
Il vous faudra entre 15 et 18 heures pour finir le jeu, ce qui est largement suffisant. Malheureusement, la rejouabilité n'est pas au rendez-vous, car vous vivrez la même histoire sans choix possible.
Ambiance
La musique (les chants dans la dernière partie… incroyable !), encore une fois composée par Olivier Deriviere, le doublage parfait (un des meilleurs doublages en français, si ce n'est le meilleur), ou les différents tableaux proposant une ambiance visuelle différente à chaque fois, valent le détour.
Scénario
Assurément, A Plague Tale : Requiem vous marquera encore longtemps après l'avoir fini. Et risque même de nouer la gorge de pas mal de personnes. Je reste embêté par l'absence de choix, mais le scénario n'a pas été prévu pour et, à la vue du final, cela peut se comprendre.