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ÉditeurKermorio
DéveloppeurKermorio
Date de sortieNovembre 2014

Wars and Battles : Normandie 1944

Wargameur québécois
13 janvier
2015

Le studio luxembourgeois Kermorio se lance sur le marché des jeux vidéo avec une série de wargames classiques servis dans un paquetage original. Le premier est paru à la fin de 2014 (Normandie 1944) et six autres suivront en 2015 : October 1973 relatif à la guerre israélo-arabe, Kharkov 1943, Market Garden 1944, Austerlitz 1805, Gettysburg 1863 et Corée 1950-53.

Un premier déboursé de 7 $ donne accès à toutes les campagnes d'introduction de ces titres au fur et à mesure de leur parution. Dans le cas de Normandie 1944, les scénarios d'introduction sont répartis en deux campagnes (Alliés et Axe) de 10 courts scénarios chacune. Une bonne part d'entre eux peuvent être disputés en multijoueurs via une interface adaptée, ce qui est à considérer.

Ensuite, si vous êtes tenté par le contenu complet d'une des grandes batailles traitées, vous pouvez l'acheter directement à partir de l'écran d'ouverture du jeu. Le seul module actuellement disponible est Normandie 1944, vendu 10 $. Il contient 11 scénarios avancés ainsi que 2 batailles complètes de 42 tours jouables du point de vue allié ou allemand. Les batailles complètes mettent en présence plus de 150 unités de chaque camp, de quoi vivre toute la reconquête de la Normandie de juin à août 1944.

Kermorio adopte ainsi une approche innovante qui paraît gagnante sur le long terme : au lieu d'offrir successivement plusieurs jeux bâtis sur le même moteur ou de proposer un premier jeu suivi de nombreuses extensions payantes, il commence par solder, en un lot à 7 $, les produits d'appel de toute la série à paraître.

Test de Wars and Battles  Test de Wars and Battles1. Les scénarios d'introduction, tels que « La défense élastique » autour de Villedieu et d'Avranches, se déroulent sur une portion congrue de la carte. - 2. Affichage 2D et 3D de la même situation de départ, tirée du scénario d'introduction « Achtung Jabos ». Lequel est le plus lisible ?

Bataille hypothétique : « Le débarquement contrecarré »

La quasi-totalité des scénarios avancés de Normandie 1944 sont d'inspiration historique. Parmi les deux batailles complètes, l'une est historique et l'autre intègre quelques modifications fécondes : les renforts allemands arrivent plus tôt et profitent d'un mauvais temps qui entrave l'action de l'aviation alliée. Il est vrai que ces seuls facteurs auraient pu avoir des conséquences considérables sur l'issue de la bataille…

Épuré et bien vétu

Normandie 1944 invite deux adversaires à pousser leurs pions l'un après l'autre durant des tours de 2 jours. La carte de 43 x 29 hexagones s'étend de Cherbourg au Havre, jusqu'à englober Alençon au sud, à raison de 5 km par hexagone. Dans ce rapport à la géographie, nous sommes nettement à l'échelle opérationnelle. Il est donc naturel d'y manipuler des régiments d'infanterie à pied ou mécanisée et des brigades blindées, appuyés par de l'artillerie divisionnaire de même que, dans certains scénarios, par des bombardiers et de l'artillerie navale. Malgré le soin apporté au visuel, le joueur penchera vite pour l'affichage de pions en vue de dessus, beaucoup plus lisible que les figurines 3D visionnées en oblique.

L'essentiel des fonctions de reconnaissance sont intégrées aux unités. Celles-ci exercent une détection jusqu'à 20 km chez les Allemands et jusqu'à 30 km chez les Alliés, qui profitent des yeux de leur aviation. Seules quelques unités terrestres spécialisées disposent d'une meilleure mobilité et d'une meilleure vision que leurs collègues.

Test de Wars and Battles  Test de Wars and Battles3. Une attaque avec un rapport de force de 1:1 est vouée à l'échec, à moins que vous ne disposiez d'un appui aérien massif améliorant vos résultats aux dés de combat (de +5 dans cet exemple). - 4. L'élimination ou la retraite du défenseur permet à l'attaquant d'occuper l'hexagone libéré. Choisissez bien le leader de l'attaque car seul ce dernier est autorisé à avancer.

Interface exemplaire

L'interface est d'excellente facture et bénéficie de graphismes accrocheurs. Je n'ai relevé que quelques gênes mineures :

  • L'insigne divisionnaire n'est pas visible sur les pions, ce qui oblige à sélectionner chaque unité pour vérifier son appartenance.
  • Le joueur ne dispose pas, en début de scénario, d'une vue d'ensemble des renforts et de l'appui aérien ou naval qui l'attendent au cours de la partie. Il les découvre au début de chaque tour, dans le journal de bord.
  • Des compteurs ou alertes devraient signaler au joueur, en fin de tour, la subsistance de ressources non utilisées (bombardement et reconstitution des effectifs).
  • Le jeu ne comporte pas de bouton d'annulation de la dernière action, mais il propose généralement un clic de confirmation du geste envisagé qui permet d'éviter les maladresses.

Mouvements et combats

La capacité de mouvement est variable selon le type d'unités, mais chacune se voit attribuer une mobilité minimale de 1 hex en toutes circonstances, y compris lorsqu'elle est entourée par l'ennemi sur quatre ou cinq côtés. Autre surprise, le mouvement s'insinue en territoire ennemi aussi aisément qu'en territoire ami. Le revers d'une aussi grande liberté est qu'elle encourage les positionnements opportunistes échevelés en vue de profiter au maximum de la situation tactique.

La séquence mouvement-combat est à sens unique : les unités peuvent combattre après avoir dépensé des points de mouvement, mais elles ne peuvent jamais bouger après combat, sauf pour occuper l'espace laissé vacant par le défenseur éliminé ou en retraite. Les zones de contrôle (ZOC), correspondant aux 6 hex adjacents à une unité ennemie, stoppent tout mouvement, y compris de l'autre côté d'un cours d'eau. Elles sont fortement aimantées, puisqu'il faut d'abord s'en distancer de 1 hex avant de pouvoir reprendre sa course le tour suivant. Paradoxalement, elles n'annulent pas le privilège de mouvement sur 1 hex dont jouissent les unités, si bien que celles-ci peuvent littéralement « glisser » autour d'un ennemi ou au sein d'une grappe d'ennemis et attaquer dans la foulée.

Les unités possèdent généralement huit points de vie sur lesquels repose l'état de l'unité : plus l'unité perd des points de vie, plus son état se dégrade (sur quatre niveaux) et plus elle perd ses capacités de lutte. Un certain nombre de facteurs sont pris en compte au moment des combats : puissance résiduelle des troupes, protection accordée par le terrain, coopération inter-armes, intégrité divisionnaire, létalité des blindés contre l'infanterie à découvert, présence d'un commandant et compétences particulières de certaines troupes d'élite. Le tout contribue à l'établissement d'un rapport de force plutôt impitoyable compris entre un minimum de 1:3 et un maximum de 8:1.

Le fait que chaque unité ne puisse attaquer qu'une fois et que chaque cible ne puisse être assaillie qu'une fois prévient les acharnements offensifs. Le nombre d'attaquants est illimité, tandis que les soutiens à distance (artillerie, bombardiers et navires) sont limités à trois, mais rien n'empêche de faire d'abord cracher un feu indirect, puis d'adjoindre les soutiens résiduels aux troupes d'assaut. Le choix des attaquants se fait facilement via le cartouche affiché à gauche de l'écran.

Les conditions de victoire sont classiques. Le plus souvent, l'occupation de cases-objectifs rapporte des points à chaque tour et à la fin du scénario, auxquels s'ajoutent une rémunération proportionnelle au niveau de pertes ennemies. Il y a en ce moment un écart entre les points de victoire annoncés dans le journal de bord et ce que comptabilise le jeu en cours de partie, mais cette anomalie sera bientôt réparée.

Test de Wars and Battles  Test de Wars and Battles6. Quand l'ennemi se présente en nombre, il vaut mieux reculer et regrouper ses forces. Les hexagones bordés de jaune correspondent aux villes-objectifs. - 7. Un dernier effort et voilà l'encerclement bouclé. Les hachures bleues indiquent la zone actuellement ravitaillée.

Niveau opérationnel

Chaque camp dispose d'un nombre fixe de points d'activation qui devrait l'obliger à faire des choix et à concentrer ses efforts sur certaines parties du front. Dans les grands scénarios, le volume de points d'activation est réparti en deux impulsions alternées, ce qui accentue le sentiment de contingence. Dans les petits scénarios, les points d'activation sont sans effet puisqu'ils sont suffisamment nombreux pour couvrir l'ensemble des besoins.

Normandie 1944 prend en compte le ravitaillement selon une logique binaire : ou bien l'unité est ravitaillée et profite de tous ses moyens, ou bien elle ne l'est plus et est instantanément pénalisée. Le tribut d'une unité isolée est relativement lourd : elle ne peut plus attaquer, perd la moitié de sa capacité de mouvement et perd un point de vie par tour. Elle conserve en revanche la totalité de ses facultés de défense et, plus étrange encore, elle peut être renflouée même lorsqu'elle est encerclée.

Dans certains scénarios, le joueur allié peut faire appel à des frappes aériennes ou à du bombardement naval, des ressources qui font totalement défaut aux troupes de l'Axe. En plus d'accentuer le brouillard de guerre, le mauvais temps impacte la densité de la couverture aérienne, réduite à zéro par la pluie. La suprématie aérienne alliée se manifeste aussi par la contraction de mouvement des unités allemandes, contraintes d'avancer d'autant plus prudemment que le temps est clair. Les unités elles-mêmes ne subissent toutefois aucun dommage causé par cette menace venue des airs.

Un mouvement étendu, qualifié de « stratégique », est possible le long des voies de communication. Il se matérialise sur la carte par des cases hachurées que l'unité peut atteindre sans pouvoir y combattre.

Dans les plus longs scénarios, le joueur allié profite d'un système automatique de reconstitution de ses unités usées, alors que l'Allemand doit attribuer manuellement un lot réduit de points, non cumulables d'un tour à l'autre. Un flot continu de renforts irrigue par ailleurs les deux armées.

Il faut préciser que ces dimensions opérationnelles de Normandie 1944 sont quasi absentes des campagnes d'introduction fournies avec le jeu de base. Les scénarios y sont en effet trop modestes pour permettre une gestion de haut niveau. Du coup, les deux campagnes se résument à des enchaînements de prises de bec tactiques. Comme ils sont indépendants les uns des autres et qu'ils ne suivent pas de chronologie stricte, on se demande pourquoi ils sont verrouillés au sein de la campagne.

Test de Wars and Battles  Test de Wars and Battles8. Ce journal de bord prévoit qu'une seule des unités aériennes de départ sera disponible au premier tour pour de l'attaque au sol. La faute à la météo et peut-être aussi à la défaillance qui menace en permanence les avions. - 9. La portée de ce Nebel Werfer allemand est de 2 hex. Son principal concurrent est le canon Schwere Feldhaubitze (sFH), qui tire plus loin (3 hex) mais avec moins d'efficacité.

Bombardement pour les novices

  • Si vous jouez les Alliés, consultez le journal de bord au début de chaque tour pour savoir quels types de bombardement aérien (appui au sol et bombardement lourd) sont disponibles.
  • Le bouton symbolisant une explosion, dans l'angle supérieur gauche de l'écran, fait ressortir les hexagones ennemis que vous pouvez accabler à l'aide de l'artillerie terrestre (Alliés ou Axe) ou de bombardiers lourds (Alliés seulement). Les unités aériennes d'appui au sol (Alliés seulement) apparaissent au bas de la liste des attaquants qui s'affiche au moment de mener un assaut terrestre.
  • Les bombardiers lourds ne peuvent prendre pour cible que les ennemis entièrement ou partiellement détectés.
  • L'artillerie participant à un assaut terrestre procure un bonus aux dés de combat (+1 par batterie), tandis que l'artillerie qui tire via l'ordre de bombardement cause des dégâts en fonction d'une table distincte (5 points par batterie). La leçon à tirer est celle-ci : sollicitez l'artillerie via l'ordre de bombardement si vous avez au moins une quinzaine de points (3 batteries), sinon faites participer l'artillerie à l'assaut.

Simplicité de conception

Les développeurs ont cherché à synthétiser le plus possible les mécanismes du jeu, de sorte que Normandie 1944 se rapproche davantage d'une schématisation que d'une simulation pure. Plusieurs de leurs choix sont judicieux. Par exemple, ils n'ont pas modélisé le relief de la Normandie puisque ce dernier est supplanté, sur le plan tactique, par la présence des haies de bocage. Cet univers compartimenté n'autorise pas non plus les percées de blindés.

L'empilement est normalement limité à trois unités par hexagone. Peuvent s'ajouter sans restriction les commandants de même que différentes unités de combat allemandes, généralement blindées, de l'ordre du bataillon. La présence de ces petites unités reflète la souplesse de l'organisation de l'armée de terre ainsi que la force de frappe de certaines unités de choc, notamment les redoutables bataillons de Tiger, qui jouissent d'un bonus supplémentaire au combat.

L'effet de la météo sur la disponibilité de l'aviation et, par voie de conséquence, sur les mouvements terrestres constitue un autre exemple de simplification intelligente.

Test de Wars and Battles  Test de Wars and Battles10. Au début du scénario avancé « Patton à l'attaque », devinez qui se pointe, en haut à droite, avec son étoile de commandant. - 11. Une unité encerclée, et dès lors non ravitaillée, peut malgré tout régénérer ses effectifs…

Faiblesses structurelles

Le principal reproche que l'on peut adresser à Normandie 1944 concerne la dynamique malsaine engendrée par la primauté du rapport de force dans la résolution des combats. Pour éviter l'élimination de ses soldats, le joueur n'a d'autre choix que d'empiler les régiments pour profiter du bonus lié à l'intégrité divisionnaire ou du bonus de mixité fantassins-blindés. S'il réussit en plus à occuper un terrain offrant de la protection, il devient quasi indélogeable.

Par exemple, dans une ville importante, le défenseur profite d'un décalage de 3 colonnes du rapport de force sur la table de résolution des combats. Cela signifie qu'une attaque à 3 contre 1 – le minimum syndical pour ne pas subir de déconfiture – est rabaissée à un assaut suicidaire à 1 contre 2. Dans un tel cas, il faut réunir 6 fois plus de puissance de feu que le défenseur pour ramener le rapport de force à 3:1 et obtenir un effet digne de mention ! Cela rend certains scénarios particulièrement difficiles, voire impossibles à réussir tant il faut de temps pour s'emparer des objectifs clés.

Après avoir constitué ses piles d'unités, personne n'a envie de les user en des confrontations stériles contre des piles ennemies de valeur équivalente (rapport de 1:1 ou même 2:1), sauf peut-être dans les longs scénarios où l'attrition dans une portion de la carte peut être compensée par d'autres évolutions du champ de bataille. Les deux camps se livreront plutôt à une valse-hésitation dans le but d'être le premier à s'agglutiner en masse autour d'une pile adverse dans des conditions suffisamment favorables pour la briser, sans subir en retour le même traitement. En attaque, on verra souvent le joueur lancer quelques piles sur les arrières ennemis en vue de se rabattre sur les unités prises au piège, tandis qu'en défense il cherchera à freiner l'adversaire en lui mettant des unités résistantes dans les jambes.

Pour ramener ce galop de meutes à quelque chose qui ressemble aux tactiques de la Seconde Guerre mondiale, il faudrait ajuster certains paramètres du jeu. Plusieurs pistes sont possibles, les plus prometteuses me paraissant les suivantes :

  • Accorder un bonus d'encerclement aux attaquants qui cernent un ennemi sur plusieurs côtés d'hexagone. Cela permettrait aux joueurs d'obtenir des résultats offensifs honnêtes sans empiler à outrance leurs unités.
  • Doubler le coût de déplacement en territoire ennemi et interdire le glissement sur 1 hex à l'intérieur d'une ZOC ennemie de façon à empêcher la fabrication artificielle d'un rapport de force favorable. Ces contraintes de mouvement seraient en outre plus réalistes.

D'autres améliorations du jeu sont envisageables. Dans le cas des unités non ravitaillées, il serait plus naturel qu'elles conservent une partie de leur capacité d'attaque (plutôt que de la perdre entièrement) et qu'elles perdent une partie de leur capacité de défense (plutôt que de la conserver entièrement), quitte à ce que ces capacités s'amenuisent avec le temps. Dans la situation actuelle, deux ou trois unités parviennent à tenir en respect des corps d'armée entiers puisque ceux-ci, sans ravitaillement, ne peuvent ouvrir le feu. À l'inverse, il est inexplicable que des unités totalement isolées maintiennent une pleine défense pendant de multiples tours.

Un autre élément préjudiciable provient de la disponibilité sans limite des soutiens à une attaque terrestre. Une unité adjacente à la cible, même entourée d'ennemis, fournit la totalité de sa valeur d'attaque à l'unité d'assaut, alors qu'elle devrait être incommodée par cet environnement hostile.

Test de Wars and Battles  Test de Wars and Battles12. Au cours d'une même activation, cette pile d'unités encerclées réussit à s'extirper de la nasse pour aller détruire les batteries d'artillerie installées sur la plage. - 13. Les déplacements se prolongent impudemment à l'intérieur du territoire ennemi.

La course aux bonus

Pour réussir vos attaques, veillez à établir un rapport de force d'au moins 3:1 grâce aux moyens suivants :

  • Maintenez les divisions groupées (rapport de force amélioré de 1 colonne dans la table de résolution des combats).
  • Faites collaborer les fantassins et les blindés (+1 colonne).
  • Lancez des unités blindées (+2 colonnes) ou mécanisées (+1 colonne) contre des fantassins en terrain clair.
  • Choisissez les lieux de vos attaques. En particulier, empêchez les ennemis de s'installer dans les villes et les marais (-2 colonnes) et placez-vous du bon côté des cours d'eau pour éviter le malus de « séparation » (-1 colonne).
  • Amenez un commandant sur place. Leur qualité est variable, les meilleurs étant Patton et Rommel (+2 colonnes).
  • Assurez vos arrières : si vous perdez votre ligne de ravitaillement, votre capacité d'attaque tombe à zéro.
  • Amenez l'artillerie à portée pour améliorer votre résultat aux dés de combat (un bonus de +2 aux dés équivaut à une amélioration de +1 colonne).

Moral en berne

Dans Normandie 1944, la qualité des unités se reflète d'abord dans leurs valeurs en attaque et en défense. Elle se manifeste aussi par la résistance à la fatigue, représentée par un curseur sur une petite silhouette de pile électrique dans le cartouche de l'unité. Plus l'unité est compétente, plus elle met du temps à se fatiguer. Lorsque le seuil de fatigue est atteint, elle perd un niveau d'état (sur quatre), ce qui altère ses capacités de combat.

Le moral fait partie intégrante de la fatigue et n'est pas autrement géré par le jeu. Les unités rompent le combat lorsqu'elles subissent un certain niveau de pertes sans considération de la qualité des protagonistes. Le seuil de retraite est par ailleurs assez élevé et n'est pas adapté à la taille du défenseur, de sorte que les unités solitaires sont pulvérisées avant de battre en retraite.

Le système de combat basé sur le rapport de force, sans réelle gestion du moral, tend à homogénéiser les unités. Les corps d'élite auront à peine moins de mal à s'emparer d'une position fortifiée que les jeunes conscrits. De même, des soldats inexpérimentés retranchés dans une ville tiendront tête sans trop de difficulté à des vétérans.

Test de Wars and Battles  Test de Wars and Battles14. Les Alliés ont parfois accès à des bombardiers lourds qui peuvent frapper partout où des ennemis ont été détectés. - 15. Rundstedt arrive en renfort avec 5 unités empilées sur le même hexagone, un privilège que n'ont pas les Alliés.

Vivement le multijoueurs

Les développeurs l'admettent volontiers, l'intelligence artificielle (IA) offre un piètre challenge dans les grands scénarios. J'ai facilement plié la bataille complète en une dizaine de tours, alors qu'elle en compte 42. Dans les petits engagements, l'IA fait preuve d'une belle agressivité, mais elle perd de vue les enjeux tactiques et tend, en défense, à camper sur les objectifs. Elle a notamment la mauvaise habitude d'amener son artillerie au contact de l'ennemi.

Heureusement, après vous avoir fait la main avec différents scénarios, vous pourrez proposer des parties en multijoueurs ou faire votre choix dans la liste qui s'affiche sous l'onglet « Rejoindre une partie ». Il est un peu dommage que l'interface ne permette pas les parties en chaise tournante.

Même si le jeu contre un adversaire humain est nettement plus exigeant, vous vous heurterez tôt ou tard aux limites du gameplay actuel de Wars and Battles. On s'y sent davantage engagé dans une compétition entre qui-réussira-à-encercler-l'autre-le-premier que dans un affrontement entre deux maîtres de la stratégie opérationnelle.

Test de Wars and Battles16. La poche de Falaise est-elle refermée ou non ? L'affichage de l'aire ravitaillée permet de lever le doute.

En un mot

La série Wars and Battles est promise à un grand avenir, à la condition que ses développeurs ajustent les mécanismes tactiques inscrits dans leur moteur de jeu pour les mettre en cohérence avec les ambitions opérationnelles propres à la série. Ils ont déjà réussi un sans-faute avec leur interface adaptée au support des tablettes. Ils ont innové dans leur modélisation de la guerre opérationnelle. Il ne leur reste qu'à faire aussi bien avec le volet tactique et à poursuivre le développement d'une IA supérieure.

Kermorio a prévu d'adapter le moteur de jeu de Wars and Battles à chaque théâtre d'opérations de façon à en restituer les particularités. Ainsi, October 1973, annoncé pour la fin de février 2015, permettra les embuscades de même que la répartition des renforts entre les différents fronts, tandis que le parachutage sera dynamique dans Market Garden 1944 et que les prises de flanc seront percutantes dans Gettysburg 1863 et Austerlitz 1805. On peut s'attendre à que l'éditeur profite de ces prochaines parutions pour renforcer la personnalité de sa série.

L'achat du jeu de base à 7$ est certainement justifié, car il donne accès à de nombreux contextes qui pourraient intéresser le joueur en quête d'un jeu d'histoire militaire à la fois intelligent et accessible. Pour l'amateur de guerre en bocage, les scénarios d'introduction de Normandie 1944 le laisseront sur sa faim ; il devra passer par l'achat intégré de 10$ pour obtenir un contenu conséquent.

Malgré ses limites, Normandie 1944 offre un gameplay plus pertinent que la plupart des pseudo-wargames qui ont actuellement la vogue, dans la veine des Panzer Corps ou des Company of Heroes. Je parie sur la capacité de Kermorio de mener intelligemment sa barque jusqu'à faire de Wars and Battles un des incontournables du marché des wargames vidéo. Il a la capacité de rejoindre, voire dépasser les jeux des séries Advanced Tactics/Decisive Campaigns sur PC ou des Crisis in Command sur tablettes. Il serait criminel de laisser ce trésor sommeiller.

8.0
Wars and Battles : Normandie 1944

Wars and Battles : Normandie 1944 remplit sa mission d'être un jeu de guerre accessible de faible complexité, mais il lui manque quelques ingrédients pour en faire un jeu addictif créant de l'intimité avec les théâtres traités. Les développeurs ont défriché un terrain neuf dans leur modélisation des composantes opérationnelles de l'affrontement normand, mais ont négligé – peut-être par manque de moyens – la dimension tactique. Leurs travaux méritent d'être poursuivis jusqu'à porter tous leurs fruits.
Intérêt historique :Avec un gameplay plus réaliste, Wars and Battles aurait obtenu la note parfaite. Il remporte néanmoins les honneurs avec sa brochette fournie de scénarios historiques ainsi que ses ordres de bataille crédibles et respectueux du déroulement de l'opération Overlord. L'ambiance opérationnelle est également bien rendue. Un résumé des faits historiques de la journée est proposé au début de chaque tour, tandis que des fiches sur les troupes et le matériel rappellent leurs principaux emplois durant la bataille.
  • +Interface léchée
  • +Mise en perspective de l'ensemble de la bataille de Normandie
  • +Synthèse intelligente de plusieurs réalités du champ de bataille : commandement, bocage, météo, fatigue, aviation et reconnaissance
  • +Système d'activation à double impulsion
  • +Accès aux scénarios d'introduction des modules à venir
  • +Jeu et manuel en français impeccable
  • +Multijoueurs efficace (bien que déserté…)
  • +Grand potentiel lié à l'universalité du moteur de jeu
  • -Défauts d'affichage et déséquilibre de certains scénarios (en voie de correction)
  • -Scénarios souvent trop modestes pour la mise en œuvre des contraintes opérationnelles (activation et ravitaillement)
  • -Défauts de conception et schématisation excessive : déplacements permissifs, rôle mineur du moral, ravitaillement instantané, encerclement inopérant et soutien indifférent à la présence ennemie
  • -Gameplay centré sur l'établissement de rapports de force avantageux
  • -IA déclassée dans les plus gros scénarios

  • Moet le wargameur québécois, pisteur de jeux de stratégie historiques, testeur de wargames
  • "La route d'Auschwitz fut construite par la haine mais pavée d'indifférence." lan Kershaw