Info sur le jeu
Plateforme
  • PC Windows
  • PlaySTation
  • Xbox 360
ÉditeurSquare Enix
DéveloppeurCI Games
Date de sortieJuin 2014

Enemy Front

Le_Moine
23 juin
2014

Annoncé en 2011, Enemy Front a vu son développement ponctué de nombreux rebondissements. Au départ, le jeu était dirigé par Stuart Black, le créateur de l'excellent Black (EA/Criterion Games 2005). Il devait offrir un shooter fun et basé sur l’exactitude historique.

Pour on ne sait quelles raisons, Black est encore parti du poste qu'il occupait (il avait quitté/été viré de Codemasters pendant le développement de Bodycount). Finalement le projet n'est pas tombé à l'eau, et c'est près de 3 ans après son annonce que CI Games (ex City Interactive) propose son FPS sur PC, Playstation 3 et Xbox 360. Avec un développement chaotique et quand on regarde le passé de la firme polonaise (Sniper Ghost Warrior, Terrorist Takedown...) on est en droit de craindre le pire. Alors véritable flop ou belle ballade historique arme à la main ?

Enemy Front

Będziem Polakami

Beaucoup de journalistes et joueurs hurlent à l'horreur quand on évoque les FPS WWII. Véritable phénomène au début des années 2000, le genre est devenu « persona non grata » alors que l'on nous inonde de FPS sur des guerres modernes fictives et/ou de contre-terrorisme. Alors, pour essayer de faire passer la pilule, les développeurs de CI Games (et Stuart Black à l'époque) ont souhaité nous offrir une toile de fond moins utilisée que la Bataille de Normandie. Direction la Pologne, la France et la Norvège pour cet Enemy Front. La trame principale suit Robert Hawkins, un reporter de guerre dépêché en Europe pour couvrir le front. Lié à la Pologne par ses origines maternelles, Hawkins va finalement rallier la résistance et prendre part à l'insurrection de Varsovie (1er août-2 octobre 1944). On ne sait pas si les développeurs ont copié ou non leur compatriotes de DMD Enterprise qui nous ont proposé Uprising 44 : The Silent Shadows il y a un peu moins d'un an. Si le titre des « indies » se voulait plus tactique et réaliste, le jeu qui nous intéresse aujourd'hui propose quelque chose de plus classique. Une sorte de Call of Duty version CI Games.

Car si le choix du contexte est original et très intéressant, son traitement est digne d'un film hollywoodien ou d'un Call of Duty (à l'époque où ils étaient encore bons). On suit notre héros, qui manie aussi bien l'écriture que le M1 Garand. Entre-coupée de cinématiques ronflantes et mal doublées, l'aventure, qui vous prendra environ 9-10h, ne fait que vous faire visiter des niveaux où il est question de Seconde Guerre mondiale et de Résistance. On reste ainsi vraiment sur notre faim, la faute à un développement historique quasi absent et cet aspect de « John Rambo » qui a toujours été associé au genre du FPS. Pire encore, certains anachronismes risquent de provoquer des attaques cardiaques aux plus pointus des passionnés d'Histoire et de la Seconde Guerre mondiale.

En effet, vous pourrez trouver dès 1940 en France une résistance ô combien organisée et bien armée. Vous pourrez même rencontrer une certaine Joséphine Aubrac, un beau mélange entre Josephine Baker (star agent du contre espionnage puis membre des services secrets de la France Libre et de l'armée de l'air) et Lucie Aubrac (célèbre résistante). Le plus flagrant restant les anachronismes dans les armes utilisées. Ainsi, Welrod et STG 44 seront utilisables dès 1940 en France, et dans le même temps on retrouvera des armes anglaises dans les mains des résistants polonais de l'AK (Armia Krajowa, Armée de l’Intérieur). Etc, etc... on pourrait presque rédiger un article entier sur ce genre d'anachronismes. Dommage, car il y avait une réelle volonté de nous proposer un arsenal savoureux et typiquement WWII, avec au casting la trop rare DeLisle Carabine par exemple, ainsi qu'une revue des troupes diversifiée et en adéquation avec les opérations proposées dans le jeu.

Rien qu'à ce niveau là, Enemy Front s'avère être une déception et plutôt moyen. Néanmoins, les amoureux des FPS estampillés WWII seront contents de retrouver un titre offrant un théâtre d'opérations original. On soulignera néanmoins la volonté, louable, des développeurs de montrer l'horreur de la Guerre et les exactions menées contre les résistants et les civils. La dernière mission du jeu proposant d'ailleurs quelques passages criants de vérité et plutôt bouleversants. Cette volonté de dramaturgie est mise en valeur par des animations de chargements pleines de densité et très bien réalisées.

Enemy Front

Le temps des épreuves

Comme l'indique le titre de ce livre que nous vous recommandons chaudement (Le temps des épreuves, 1939-1945 : Histoire d'une famille polonaise au cours de la Deuxième Guerre mondiale de Maria Zdziarska-Zaleska), Enemy Front possède son lot d'épreuves qu'il faudra surmonter pour apprécier un tant soit peu l'aventure. Autant vous le dire toute de suite : allergiques aux bugs et adeptes des jeux tout lisses, passez votre chemin !

Commençons par les graphismes du jeu. La jaquette affiche fièrement un logo « Jeu doté d'une technologie de Tir avancée grâce à CryEngine » et nous promet des « environnements magnifiques, réalistes et interactifs ». L'utilisation du moteur CryEngine 3 par les développeurs a été l'un des arguments de vente du jeu depuis son annonce. Mais comme avec l'Unreal Engine en son temps, son utilisation donne des résultants allant du « wahouu » au « oh regarde un jeu PS2 ! ». Bien, Enemy Front n'est pas moche, c'est certain, et certains effets de lumières sont même plutôt très beaux. Mais l'ensemble est assez moyen. Si les niveaux sont assez vastes, pour un FPS, ils manquent de détails et la modélisation est parfois un peu grossière. Le réalisme tend plutôt vers une ambiance générale plutôt respectueuse de ce que l'on pourrait trouver dans les régions inspirées par les niveaux. Rien de bien transcendent non plus. Enfin, l'interactivité annoncée est quasi-inexistante. En dehors de quelques éléments destructibles, on est très loin d'avoir des décors où les combats ont une quelconque influence. On pourra néanmoins se consoler avec quelques destructions scriptées... mais plutôt grossières. La modélisation des armes est assez proche de la réalité et donnera quelques élans nostalgiques aux joueurs de MOH:DA. De son côté, la modélisation des personnages est plutôt correcte mais loin d'être celle escomptée sur un jeu sortant en 2014, ou même en 2013 si l'on compte le retard... ou même 2012, première date de sortie. En effet, Enemy Front est véritablement daté. Ce qui serait passé pour quelque chose de correct voire joli en 2008-2009 ne l'est plus en 2014. C'est bien la faiblesse et le point noir de ce jeu, il est daté. CryEngine 3 ou pas, sa réalisation et la majorité de ce qu'il propose est datée, relativement loin de ce qu'on pourrait attendre d'un jeu disponible alors que PS4 et Xbox One se battent en duel pour conquérir le marché des « new gen ».

Le pire étant sûrement l'aspect technique du jeu. Véritable déconvenue, et raison pour laquelle le jeu ne peut avoir la moyenne, malheureusement. Par où commencer ? L'IA ! Enemy Front propose un gameplay à deux têtes. On peut soit se la jouer infiltration, soit se la jouer gros bourrin. En fin de compte, on termine souvent par se retrouver dans la même situation que dans les autres FPS : tirez à tout va. La faute à une IA spéciale capable de vous détecter tel un rapace repérant sa proie, ou alors de ne rien capter à ce qui se passe. On pourra ainsi voir l'ensemble des ennemis aller se planquer un à un au même endroit, malgré le tas de cadavres au sol. Une façon très « easy company » de neutraliser une bonne dizaine de soldats. On notera les classiques « je me planque près d'un objet explosif » et « sus à l'ennemi, je lui fond dessus même s'il a une MG42 ». Bref, l'IA est mauvaise.

Les bugs, ils sont très nombreux ! Enemy Front est une compilation, à lui tout seul, d'à peu près tout ce qui peut buguer dans un jeu vidéo : Bug de collision, bug d'animation, personnage statique, bug de synchronisation labiale, bug sonore, bug de script (celui-là est le plus embêtant car il vous obligera à relancer le dernier checkpoint) ou encore bug de localisation des dégâts (idéal pour mourir bêtement en ayant vidé son chargeur sur un ennemi situé à 2m). Bref, ça fait beaucoup. Si la majorité ne sont pas gênant dans la progression, et passerons même inaperçus aux yeux du casu de base voulant « déchirer sa race à des nazis virtuels », leur nombre assez impressionnant n’incite pas à la clémence. On se demande même si le jeu a bénéficié d'une phase de débogage... À croire que le report de 2013 à 2014 n'a servi à rien « oh, Jarosław, y'a un jeu qui traîne sur mon bureau ! Ah oui, c'est vrai on devait le tester et le sortir... oh tant pis, envoie le en presse ! ».

Non content d'être bien bogué, le jeu offre un framerate assez flippant. Flippant dans le sens où il est très inconstant, et de mauvaise qualité... mais une fois passé la moitié du jeu, le tout devient plus fluide et plus constant. Magie, magie, et vos idées ont du génie ! Il est, en effet, étonnant de découvrir que le jeu s'améliore techniquement parlant plus on rapproche de la fin.

Enfin, on soulignera que l'aliasing et le clipping sont très présents. De quoi peser encore plus sur la faible qualité technique que propose Enemy Front. En bonus track, on citera la longueur des chargements... bien trop importante pour ce qu'on nous propose derrière.

D'un point de vue sonore, Enemy Front s'en sort un peu mieux. Les thèmes principaux offrant quelques réminiscences de Medal of Honor ainsi qu'un petit aspect rétro. Les bruitages sont, somme toute, corrects et bénéficient d'une localisation sonore. C'est à dire qu'ils réagissent en fonction du décor. C'est toujours sympathique. Gros bémol sur le doublage français. Pourquoi ? Là est toute la question. Caricatural et mal joué, ce doublage offre un aspect « série B » au jeu. Un point noir qui casse toute dramaturgie et donne parfois envie de se moquer ou carrément de zapper les cinématiques. Les doublages polonais et allemands sont souvent caricaturaux et donnent peu de crédit à l'ensemble. Dommage. À noter qu'en VO, tout le monde parle anglais (sauf l'ennemi toujours accro à la langue de Goethe).

Enemy Front

« Lepiej grzeszyc a pozniej zalowac niz zalowac ze sie nie grzeszylo »

Le gameplay d'Enemy Front ne rattrape pas le tout. Une fois le pad en mains, on est choqué par la sensation de glisse. On est sur une sorte de savonnette virtuelle et on avance de la sorte, c'est assez spécial. De plus, en courant et en faisant une glissade on finit par se la jouer « Fast & Furious » humain en driftant dans le décor... unique. Une fois, la sensibilité baissée et le tout pris en mains, on parvient à s'y habituer et à jouer comme si de rien était. La précision du jeu est assez étonnante, et on se retrouve à se la jouer Vassili Zaïtsev avec un simple fusil ou carrément une MP-40. Pas très réaliste mais parfois grisant. Le reste est très classique et ne casse absolument pas des briques. On est face à un FPS traditionnel, ne prenant d'ailleurs aucun risque. Certains acquis des FPS actuels n'étant même pas au menu, comme un vrai système de couverture dynamique. Ceux qui ont joué à Sniper Ghost Warrior (1 ou 2) retrouveront au final exactement le même gameplay... jusqu'aux ralentis de tir lors de quelques shoot lointains effectués au fusil sniper. À ce niveau là, on dirait même un Spin off de Sniper GW ! C'est dire.

Tout le monde n'est pas Wolfenstein : The New Order ; du coup, Enemy Front succombe à la mode du mode multijoueurs. Un univers désertique et sans aucune originalité. Macth à mort en solo ou en équipe, ou défense de territoire. Désertique, voilà le mot pour qualifier le multi de ce jeu. On y retrouvera quelques joueurs perdus et surtout des chasseurs de trophées/succès, une fois trouvé quelques frères d'armes, le lag vous fera fuir une bonne fois pour toutes ce coin du jeu. À oublier !

4.0
Enemy Front

Enemy Front est une déception. Malgré son contexte original et ses théâtres d'opérations qui sortent de ce que l'on a pu voir en FPS WWII, on ne peut que regretter que tout ceci ne soit qu'une toile de fond bourrée d'anachronismes et avec un manque de saveur certain. Mais le pire réside dans l'essence même du jeu : sa technique est mauvaise, sa réalisation moyenne et son gameplay discount. Les thèmes musicaux et le fait d'avoir enfin un nouveau FPS sur la Seconde Guerre mondiale sauvent un peu le tout. Loin d'être immonde ou injouable, le jeu de CI Games reste néanmoins très moyen et aurait du être mieux peaufiné. Car le jeu est avant tout daté et presque indigne de ce que l'on devrait voir en 2014. On comprend mieux pourquoi Stuart Black s'est retiré du projet...
Intérêt historique :On peut revivre l'insurrection de Varsovie et quelques autres aventures tirées de la Seconde Guerre mondiale, c'est sympathique... mais ça ne reste qu'une toile de fond entachée d'anachronismes.
  • +Enfin un nouveau FPS WWII !
  • +La dernière mission
  • +Les musiques (un peu oldschool)
  • -Les anachronismes
  • -L'aspect technique du jeu
  • -L'IA
  • -Le gameplay trop classique
  • -Le multijoueurs, inutile et vide
  • -CryEngine 3 ?
  • -Un FPS classique et daté

  • Le_Moine Fan de Rallye et des brunes, Ancien membre d'HistoriaGames
  • « La fin de l’espoir est le commencement de la mort. » De Gaulle
    « If in Doubt, flatout. » Colin McRae