Info sur le jeu |
Plateforme
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ÉditeurConifer Games |
DéveloppeurConifer Games |
Date de sortieJanvier 2019 |
At the Gates
Il y a des gens qui n'apprécient pas la Rome antique. Si, si, je vous assure : il existe, dans ce triste monde, des béotiens ignares qui ne savent pas apprécier la beauté sculpturale d'un arc de Titus, qui restent insensibles à la perfection d'une manipule de légionnaires manœuvrant sur le champ de bataille, ou qui sont désespérément indifférent à l'énoncé du triste destin de l'empereur Julien l'Apostat.
Je ne critique pas : chacun ses goûts, même s'ils sont mauvais. Mais toujours est-il que pour ces gens-là, il existe désormais un jeu vidéo consacré spécifiquement à ceux qui ont ruiné Rome : c'est At the Gates.
Codeur depuis ses huit ans, quinze ans d'expérience de travail sur la série Civilization au sein de Firaxis Games, moddeur, passionné d'histoire et récemment parti bosser pour les Suédois de Paradox, avant de rapidement les quitter... voilà un CV qui a de l'allure, et qui paraît avoir tout le nécessaire pour un jeu de grande stratégie historique. Jon Shafer, on a envie de lui faire confiance.
Qu'est-ce que ça donne, son bébé ? C'est qu'il a eu le temps de grandir : annoncé en Février 2013 avec le lancement d'une campagne Kickstarter, ça lui fait six ans au compteur pour arriver à maturation. Désormais disponible sur Steam, At the Gates propose, comme son nom l'indique, de s'immerger au Ve siècle de notre ère et de prendre en main la destinée d'un des nombreux peuples dit barbares, qui s'amassaient aux portes de l'Empire en rêvant de l'envahir et d'y établir leur propre royaume.
Goths, Huns, Vandales, Alamans, Pictes, Lombards, Francs, Slaves, Saxons, Avars... presque tout le casting de tout ce que le Bas-Empire compte de peuplades hostiles à Rome est présent.
L'expérience de travail de Jon Shafer sur Civilization se ressent très vite : on y retrouve la même vue isométrique (en 2D cependant, mais elle est très jolie), les mêmes octogones, et les mêmes principes généraux de spécialisation des unités. Mais la ressemblance s'arrête là : At the Gates consiste à sublimer ces principes pour être un jeu de gestion particulièrement ardu.
Après avoir choisi votre peuple (au début, vous n'aurez que les Goths), vous êtes catapulté sur la carte. Et à partir de cet instant, vous aurez un unique objectif, faire tomber Rome. Il n'y a cependant que deux moyens d'y arriver : soit trouver et assiéger la capitale d'un des empires, d'Orient ou d'Occident, soit les miner de l'intérieur en les rejoignant avant de se débrouiller pour être nommé magister militum de l'empire, c'est-à-dire général, et ériger cinq de ses clans en légions romaines.
Inutile de dire que la solution martiale va être atrocement difficile, car dès le début, At The Gates vous remet brutalement le nez dans le crottin : avant de songer à raser Rome, il va déjà falloir assurer la subsistance de votre peuple, ce qui n'est pas une mince affaire.
De fait, At The Gates n'est pas réellement un jeu de stratégie militaire ; les combats étant relativement simplistes et rares (hormis contre les brigands de passage) à la manière de ce qui se fait sur Civilization. Non, c'est plutôt un curieux entre-deux, entre le jeu de survie et le jeu de gestion.
Je m'explique : la carte est grande, et les ressources n'abondent pas. Elles sont variées, très souvent distantes et hors de portée de votre campement initial. Il n'existe pas de villageois ou d'ouvriers à proprement parler : régulièrement, un nouveau clan va rejoindre votre peuple.
Il se met à vos ordres, et l'ensemble de ces clans que vous dominez fait alors office de masse ouvrière. Pour cela, il faut alors les spécialiser dans votre campement. Sauf que chaque clan est différent, disposant de deux traits générés aléatoirement, et qui vous obligent dès lors à faire des choix draconiens : tel clan ne supporte pas d'être envoyé à l'extérieur durant les mois d'hiver, tel autre est naturellement porté sur la guerre et demandera donc moins de temps pour être formé en tant qu'archers, tel autre provoquera des disputes de par son caractère de cochon... et ainsi de suite.
Et la profondeur du jeu se révèle à cet instant : Jon Shafer est un inconditionnel de la gestion. D'autres dirait « un psychopathe », mais je m'égare : en fonction du nombre de points de recherche que vous générez, vous pouvez régulièrement rechercher un nouveau métier, lesquels se divisent en l'honneur (les professions militaires), l'agriculture (la production de nourriture), l'élevage (la production de n... ben, de nourriture aussi, mais via le bétail et le gibier, ainsi que les produits d'origine animale), l'artisanat (menuisiers, potiers, carriers), le travail du métal (charbonniers, forgerons, armuriers), et les explorateurs (les professions de commerce, d'exploration, de recherche).
Sachant que chacune de ces catégories de subdivise entre dix et quinze sous-professions, vous devriez avoir alors des frissons dans le dos.
Vous spécialisez donc votre premier clan en explorateurs, et vous découvrez un champ d'herbes inconnues un peu plus loin : vous spécialisez un autre clan en faucheurs, et une fois l'herbe identifiée, vous obtenez du blé, de l'orge, ou une des nombreuses autres variétés de céréales (avec leurs utilités propres, et vous pouvez donc appliquer ce schéma à toutes les ressources du jeu), que vous pouvez alors cueillir.
Oui, mais attention : si vous ordonnez à votre clan de faucher ces grains pour rapporter la précieuse et rare nourriture indispensable à votre survie (parce que l'hiver arrive vite et les saisons sont très marquées), vous obtiendrez un certain montant de nourriture. Seulement, il peut être grandement augmenté, si vous attendez un peu de débloquer le métier de fermiers, et que vous ordonnez à vos nouveaux paysans de transformer cet emplacement en une ferme, qui rapportera alors beaucoup plus... et ça, c'est juste pour la collecte des ressources. Car leur transformation est alors l'occasion de constituer des chaînes logistiques qui feraient baver n'importe quel amateur de Sim City-like : ce bois que vous coupez, vaut-il mieux le confier à vos menuisiers pour que leur artisanat augmente votre taux de Renommée, ou le donner aux charbonniers qui produiront du charbon de bois avec ?
At The Gates se transforme alors en un complexe casse-têtes où vous devrez peaufiner et peaufiner encore votre peuple afin de parvenir à l'équilibre et de résoudre les pénuries quotidiennes. Car le manque de nourriture en plein hiver mène à la famine, qui mène à la mort ; et votre peuple exige de manger, un peu plus à chaque fois qu'un nouveau clan vous rejoint. Et c'est sans parler des autres peuples barbares, généralement déjà présents sur la carte et bien plus développés, qui vous contacteront.
Au premier essai, vos gens finissent alors par mourir de froid et de faim dans la toundra gelée (je vous ai précisé que les terrains étaient tous différents et avaient un impact sur ce que vous pouvez faire dessus ?). Au deuxième, vous parvenez à subsister quelques hivers de plus, et en fin de compte il devient envisageable de migrer vers des terres plus hospitalières, jusqu'au stade où vous pouvez vous ériger en royaume, et construire en dur, avant de parvenir à votre but. Mais autant vous dire que la route est longue : At the Gates est une leçon d'humilité pour les Attila en herbe.
Jon Shafer's : At the Gates
Complexe et exigeant
- +La direction artistique
- +La très grande variété de clans, de professions, de ressources et de terrains
- +Le thème
- +Grande profondeur de jeu
- -IA des peuples rivaux incohérente
- -D'accord c'est de la gestion velue, mais on se sent quand même très vite perdu si on ne s'accroche pas
- -Interface perfectible
DIrection artistique
Rien à redire : un moteur 3D n'est pas accessible à tout le monde, mais la 2D isométrique d'At the Gates est très jolie et agréable à l'œil.
Jouabilité
Elle est très convenable, même si une interface plus travaillée aurait été un plus, en s'épargnant tous ces menus et sous-menus alourdis de fenêtres qui s'ouvrent en permanence.
Ambiance
On ne parle donc pas ici de l'ambiance inquiète et tendue d'un romain du Ve siècle, mais de celle d'un peuple barbare aux abois car en manque de terres et de subsistance. Sur ce point, on ferait difficilement mieux.
Technique
Le jeu supporte assez mal les retours au bureau, mais hormis cela, il est léger et tourne bien.
Durée de vie
Excellente, étant donné que les années sont divisées en un grand nombre de tours et que le jeu est généré aléatoirement : la rejouabilité est garantie.
Scénario
Il n’y en a pas vraiment en raison de la génération aléatoire.
- Cernunnos Testeur, Rédacteur
- "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach