Interview avec les développeurs de Steel Division : Normandy 44

Roi de Dreamland
14 avril
2017

Alors que la beta de Steel Division : Normandy 44 bat actuellement son plein, nous avons eu l'opportunité de nous entretenir avec deux membres de son équipe de développement, travaillant pour Eugen System.

Une interview enrichissante qui nous en apprend beaucoup sur l'orientation que va prendre le prochain jeu du studio.

Membres de l’équipe :
Matthieu Brevet, Associate Producer, Docteur en Histoire
Pierre-Yves Navetat, Responsable Communication

Steel Division : Normandy 44

1. Depuis combien de temps le jeu était-il en développement au moment où vous en avez fait l’annonce au public ?

Pierre-Yves : Steel Division: Normandy 44 est en développement depuis près de 3 ans.


2. Votre expérience sur la série des « Wargame » vous facilite-t-elle la tâche ? Steel Division reprend-il le même moteur ?

Pierre-Yves : Je ne sais pas si on peut parler de « facilité » quand on évoque la création d’un jeu comme Steel Division: Normandy 44. Il hérite aussi bien de la série Wargame que de R.U.S.E. Au fil des années, nous développons et affinons notre propre style de jeu. Steel Division est le fruit de cette expérience, mais contient également des nouveautés, telles que la ligne de front dynamique, le gameplay en 3 phases, et la mécanique de suppression des unités et bien évidemment, les divisions.

Il utilise la dernière version de notre moteur maison, IRISZOOM qui permet, entre autres, de zoomer d’une vue aérienne très éloignée jusqu’à se rapprocher d’une unité au plus près, sans lag ni temps de chargement.


3. Comment s’est passé la prise de contact avec Paradox Interactive ? Pourquoi vous être associés à eux alors que vous étiez avec Focus sur la série des « Wargame » ?

Pierre-Yves : Nous connaissons l’équipe de Paradox Interactive depuis longtemps, et nous sommes de grands fans de leurs productions. Je ne sais pas si on peut parler de « prise de contact », les choses se sont faites naturellement. Nous avons travaillé avec de nombreux éditeurs depuis notre création il y a 17 ans, et avons choisi de collaborer avec Paradox car ils ont une expertise solide dans les jeux de stratégie historiques sur PC.


4. Bénéficiez-vous de l’expertise de Paradox Interactive ? Le jeu aura-t-il un volet « grande stratégie » similaire à Hearts of Iron IV avec des cartes de campagne au niveau stratégique ?

Pierre-Yves : Steel Division : Normandy 44 se situe à un niveau « tactique », et non « stratégique », on joue les batailles avec sa propre division, on y déploie et contrôle des unités sur le terrain, alors qu’Hearts of Iron, comme tu l’as dit, est un jeu de Grande Stratégie. Paradox nous a donné d’intéressantes suggestions, dont certaines ont été intégrées dans le jeu, pour le reste, c’est du 100% Eugen Systems.


5. Un jeu sur la seule campagne de Normandie, n’est-ce-pas un peu risqué ? Pouvez-vous expliquer ce choix ? Y’a-t-il volonté de se restreindre à une bataille seule pour plonger plus loin dans le détail ?

Matthieu : Complètement. Rien qu’en se « restreignant » à une campagne de trois mois (D-Day le 6 juin à la Libération de Paris le 25 août) sur un théâtre limité, on arrive déjà à plus 400 unités différentes représentées, pour six nations ! Et si nous avons modélisé 18 divisions impliquées, il y en a encore bien d’autres que nous avons dû laisser de côté.

La bataille de Normandie, loin d’une contrainte, était donc au contraire un parfait écosystème pour Steel Division, limité en temps et en lieu mais extrêmement riche d’un point de vue Histoire militaire.

En outre, c’est une campagne, et des unités (Sherman, Tigres, parachutistes…), emblématique dans la culture populaire et qui génère toujours autant d’intérêt de la part du public, surtout anglo-saxon. Et elle a l’avantage de s’être déroulée non loin d’ici, aussi avons-nous pu en profiter pour nous immerger dedans.

Steel Division : Normandy 44

6. Steel Division trouve-t-il une inspiration dans des jeux déjà existants (Close Combat, R.U.S.E, Company of Heroes…) ou dispose-t-il une identité unique qui lui est propre ?

Pierre-Yves : Les deux ! On ne peut pas nier que Steel Division (comme tous les jeux ?) puise son inspiration dans de nombreuses références, y compris nos propres jeux, bien sûr. Ça ne l’empêche pas d’avoir son identité propre. Je ne connais pas de jeu qui combine à la fois la création de groupes de combat, la ligne de front dynamique, un gameplay en 3 phases, la suppression, le tout propulsé par un moteur 3D capable de zoomer de façon fluide et rapide d’une vue globale à une vue rapprochée d’un Königstiger !


7. Comment vous est venue l’idée de faire ce jeu ? Avez-vous eu recourt au soutien de musées, d’archives ou d’historiens pour la modélisation et les caractéristiques des unités et des différentes maps ?

Matthieu : Par chance, la Seconde Guerre Mondiale est une guerre très documentée. Nous avons essentiellement fait nos recherches dans les ouvrages publiés, particulièrement la littérature militaire anglo-saxonne plus fournie que ce que l’on peut trouver en France, et dans les archives ou documents numérisés. Ainsi, nous avons constitué notre propre base de données concernant les différents engagements et l’organisation, les tables d’équipement et ordres de bataille des forces engagées.

Nous nous sommes également appuyés sur les archives photographiques de la Royal Air Force pour reconstituer à l’identique les champs de bataille de Normandie à l’identique de ce qu’ils étaient en 1944, et non pas comme Google Earth nous les montre aujourd’hui !

L’un de nos collaborateurs est même parti en expédition en Normandie pour photographier bocages, bunkers et lieux emblématiques de la bataille de Normandie (Pointe du Hoc, Ouistreham, …) sous toutes les coutures.


8. Y-aura-t-il une campagne solo ? Si oui, sera-t-elle scénarisée comme celle d’European Escalation, ou davantage liée à une carte stratégique comme dans Red Dragon ?

Pierre-Yves : Oui, il y aura une campagne solo. Trois, en fait ! Nous pourrons jouer du côté des Américains, des Allemands, et des Anglais. Ce seront des campagnes « scénarisées », plus à la manière d’European Escalation, mais offrant une grande latitude d’action, notamment grâce à la constitution des groupes de combat. On pourra rejouer les missions de façon très différente et essayer plusieurs tactiques.

Mais la fonctionnalité la plus intéressante de la campagne solo est la persistance entre les missions. Je vais prendre un exemple : mettons que dans une mission, vous réussissez une mission secondaire qui consiste à détruire les unités Anti-Air de votre ennemi, alors dans la mission suivante, vous disposerez d’avions supplémentaires. De façon générale, les unités que vous perdez sur une mission sont perdues définitivement, vous devez donc être très prudent et ce dès la première mission. Certains objectifs ou certains évènements vous permettront d’obtenir de nouvelles unités et de varier les stratégies.


9. Au niveau des spécificités du jeu, on note la ligne de front visible et dynamique ainsi que la présence de trois phases de déploiement des unités correspondant à une montée en puissance progressive des deux armées s’affrontant. Pouvez-vous nous expliquer ces choix et brièvement préciser leurs apports au jeu ?

Pierre-Yves : La ligne de front s’inspire directement des cartes de commandement de la Seconde Guerre mondiale. Le fait qu’elle soit dynamique fait d’elle un puissant outil tactique et stratégique qui permet de visualiser, en temps réel, l’évolution de la bataille. On identifie en un clin d’œil les points de tension et les percées de chaque camp.

Concernant les 3 phases, elles nous permettent non seulement de proposer une expérience digne de vraies batailles (on commence souvent par la reconnaissance et l’infanterie, puis on monte en puissance), mais également de proposer encore plus d’options tactiques aux joueurs, notamment dans la construction de groupes de combat. Il ne s’agit plus seulement de savoir quelles unités on va amener sur le champ de bataille, mais également de prévoir quel rythme on souhaite donner au combat, à quel moment on souhaite pouvoir déployer ses unités.

Steel Division : Normandy 44

10. La ligne de front visible et dynamique ne va-t-elle pas poser des problèmes pour ce qui est des opérations commandos discrètes derrières les lignes ennemies ? Par exemple, un largage de parachutiste dans le dos des lignes (si cette fonctionnalité existe dans le jeu en version finale) ne sera-t-il pas détecté immédiatement avec un cercle bleu au milieu du territoire rouge indiquant directement le lieu du saut, puis le mouvement des unités ?

Pierre-Yves : Certaines unités ne sont pas affectées par la ligne de front dynamique, telles que les unités de reconnaissance, ainsi que certaines infanteries antitanks. Il est donc possible d’envoyer ces unités derrière les lignes ennemies pour les espionner et tendre des embuscades.

Matthieu : Ainsi, la ligne de front ne constitue pas une « reconnaissance gratuite » qui dégagerait le joueur de la nécessité de s’éclairer par lui-même, car il pourrait bien se trouver sans le savoir avec un petit groupement de chasse infiltré sur ses arrières. En outre, la ligne de front vous dit où l’ennemi avance, mais pas avec quelles forces...


11. La béta présentait des unités terrestres et aériennes. La flotte sera-t-elle de la partie dans la version finale du jeu ?

Pierre-Yves : Notre jeu est avant tout un jeu de combat terrestre, il n’y a donc pas de flotte à proprement parler dans Steel Division : Normandy 44. Certaines unités d’artillerie hors cartes sont capables d’appeler des tirs qui proviennent de navires situés au large, mais on ne peut pas commander ces bateaux en jeu.


12. Au niveau du nombre et de la taille des cartes, vers quoi se dirige-t-on exactement ?

Pierre-Yves : Les cartes du jeu, créées d’après des photos aériennes d’époque (par l’US Air Force et la RAF), sont disponibles en différentes tailles en fonction du nombre de joueurs. Les parties peuvent aller du simple duel jusqu’au 10 contre 10 ! La carte actuellement disponible pour ces matchs, Sword, est gigantesque, certainement la plus grande que nous ayons produite. Je ne peux pas encore révéler combien de cartes il y aura dans la version finale du jeu, mais sachez que nous allons en ajouter dans la bêta dans les semaines qui viennent.


13. Des captures d’écrans ont présenté l’Armée Française de Libération. On connait leur rôle dans le débarquement de Normandie. Pour vous, est-ce important de représenter la France dans vos jeux historiques ? Est-ce-par pédagogie ? Par patriotisme ? Par devoir de mémoire ? Pour faire face à une vision anglo-saxonne dominante dont le dernier exemple en date est la polémique autour de Battlefield 1 ?

Matthieu : Un peu de tout cela sans doute... Le rôle de la France Libre est en effet souvent méconnu des joueurs, surtout anglo-américains, qui ont tendance à ignorer la participation de toute autre nation dans la défaite de l’Allemagne à l’exception de l’Union Soviétique. Et nous ne sommes pas les seuls concernés : Steel Division mettra aussi en avant les Polonais libres et les Canadiens, également rarement représentés. C’est pourquoi il nous a paru intéressant, nécessaire même, de rendre à ces combattants la part de visibilité qui leur était due, moins par patriotisme que par soucis de réalisme historique.

Donc oui, il y a un côté « pédagogie et devoir de mémoire », mais également un aspect purement gameplay. Inclure l’Armée Française de Libération, Polonais et Canadiens nous permet d’amener plus de variations, de « factions » côté Alliés, avec chacune leurs spécificités militaires, leur style de combat, voire leurs unités particulières.


14. Sur l’échelle et la balance entre « fun » et « authenticité/réalisme », où placez-vous exactement ce Steel Division ?

Pierre-Yves : On espère avoir trouvé le « juste milieu » ! En tous cas, celui qui permet à la fois d’avoir un gameplay extrêmement solide et intelligent, tout en conservant l’authenticité qui nous est chère chez Eugen Systems.

Steel Division : Normandy 44

15. Dernières questions. Avez-vous une idée du prix et de la date de sortie ? Auriez-vous d’autres petites informations croustillantes à partager à notre communauté ? Vis-à-vis des DLC, y’en aura-t-il ? Si oui, seront-il gratuits ou payants ? Le jeu sera-t-il compatible et ouvert aux mods et au Steam Workshop ?

Pierre-Yves : Oui ! Le jeu sera disponible le 23 Mai 2017 pour 39,99€ en version Standard, et en édition « Deluxe » pour 59,99€. Le jeu sera ouvert aux mods via le Steam Workshop. Concernant les DLC, pour le moment, nous nous concentrons sur la fin du développement du jeu.

Un truc croustillant ? Disons que certains d’entre nous (moi y-compris) ont donné de la voix pendant le développement du jeu.