Chronique : L'histoire des templiers - 1ère partie

15 novembre 2012 par Orochti | Chronique historique | Moyen-âge - Les Croisades

Chronique : L'histoire des templiers - 1ère partie

Première partie du dossier sur l'Histoire des Templiers. Retrouvez les précédentes parties par ici : Chronique des Templiers.

Aujourd'hui, nous débutons une nouvelle série de chroniques basées sur l'histoire des Templiers. Cet ordre à la fois mystérieux est pourtant très connu dans l'univers à la fois des historiens, mais aussi dans celui des jeux vidéo avec notamment les licences Assassin's Creed ou Chevaliers de Baphomet. Le but de cette chronique est de réaliser un dossier complet sur les Templiers, et pour cela, nous verrons cet ordre sur différentes facettes, régulièrement, dans des chroniques comme celle d'aujourd'hui.

Commençons tout d'abord à établir le contexte de l'époque. En effet, les Templiers ne sont pas nés d'eux-mêmes. Ces croisés sont apparus avec les fameuses croisades. Templiers et Croisades sont alors intimement liés, et subissent à la fois les mêmes moments de gloire, comme de déchéance.

Tout d'abord, nous étudierons le contexte du XI-XIIème siècle avec ce qu'on reconnaît aujourd'hui comme étant l'"Appel à la croisade" avec le Concile de Clermont, puis nous verrons rapidement la 1ère croisade, qui amène à la naissance des Templiers.

  • Deus lo vult !
  • La première Croisade
  • Bibliographie

L'élément majeur de la croisade naît avant tout d'un conflit entre deux religions. Nous avons d'un coté la séculaire religion chrétienne, très puissante en Occident, qui est la colonne vertébrale de toute l'histoire médiévale occidentale. Cependant, la religion chrétienne dut subir de grands tords au cours de la seconde moitié du Moyen-âge, dit le "Bas Moyen-âge", avec pour commencer le grand schisme de 1054 qui divisa en deux l'Église chrétienne. En Occident, le catholicisme avec comme chef religieux le Pape, et en Orient l'orthodoxie, avec Byzance, et le Basileus. Cette division brutale a longtemps laissé une ambiance froide, et des correspondances peu enviables entre Rome et Constantinople. Cependant, nous pouvons remarquer que les relations s'améliorèrent vers la fin du XIème siècle, sans pour autant renouer des liens forts entre les deux religions.

De l'autre côté, nous avons une nouvelle religion, apparue dans le courant du VIIème siècle, avec à sa tête un prophète : Mahomet. Depuis lors, l'Islam s'est longtemps développé, prenant toute l'Arabie, l'Empire Perse, et s'étalant même en Occident, en Afrique du Nord, en Espagne et atteignant Poitiers en 732, tout cela en moins de deux siècles. Une religion très puissante considérant que « le paradis est à l'ombre des épées » qui a une force militaire très impressionnante. D'ailleurs, L'Espagne sera toujours un enjeu majeur avec la fameuse Reconquista qui va durer jusqu'au début de l'époque moderne.

Vers 1078, les Turcs Seljoukides, puissante dynastie musulmane qui contrôle un territoire déjà puissant, s'installent au Moyen-Orient et à Jérusalem. Cette dernière est une ville clé pour la religion chrétienne, car un lieu sacré du pèlerinage. Durant toute la période médiévale, on raconte les récits de ces pèlerins qui arrivent en Terre Sainte, et prient devant le Saint-Sépulcre de Jérusalem. Notons que ce mouvement s'intensifie vers le Xème siècle. Cependant, les Seljoukides sont moins tolérants que d'anciennes dynasties, et ont une fâcheuse tendance à mépriser les pèlerins d'Occident, allant parfois jusqu'à la brutalité. En règle générale, les pèlerins sont arrêtés et "rackettés" à l'entrée de la ville et devant la relique. Un comportement peu appréciable, qui avait déjà été aperçu auparavant avec le calife Fatimide Al-Hakim qui avait endommagé le Saint-Sépulcre en 1009. Ce comportement inquiète les chrétiens d'Occident, et les plaintes s'accélèrent en même temps que l'augmentation des pèlerinages. Le Basileus Alexis Ier Comnène voit en ces Seljoukides une sérieuse menace, et perd peu à peu chaque année des territoires aux profits des musulmans. N'y voyant aucune solution, le Basileus envoie un message au pape Urbain II (1088-1099), afin de lui demander une force armée pour reconquérir les territoires perdus.

Le pape Urbain II prêchant la 1re croisade, Grandes Chroniques de France enluminées par Jean Fouquet vers 1455-1460Le pape décida d'appeler officiellement de l'aide lors du Concile de Clermont, qui se tint entre le 18 et le 26 novembre 1095. Urbain II avait auparavant déjà fait plusieurs conciles en France, et c'est à Clermont qu'il décida de rajouter dans ses canons le fameux appel à la croisade. Cependant, il est clair qu'aujourd'hui, affirmait que le Concile de Clermont prêchait la croisade serait faux. En effet, la croisade n'existait pas, et le mot lui-même n'est venu que tardivement. L'idée même est quelque chose de disons révolutionnaire. Prendre les armes contre les musulmans n'est pas une nouveauté pour autant. Il suffit de regarder alors en Espagne, où la Reconquista est déjà en marche. La vraie nouveauté, c'est de prendre les armes en Orient, pour délivrer la Terre Sainte, et surtout Jérusalem. En effet, Urbain II comprit rapidement que d'appeler les chevaliers à se battre pour l'Empire Byzantin et reprendre ses territoires, aurait eu très peu d'effet. En revanche, mettre en avant la Ville Sainte chrétienne par excellence attirerait beaucoup plus de monde. Ainsi, parler de Jérusalem et de la relique en danger permit à bon nombre de chevaliers de prendre leurs épées pour délivrer la "terre souillée".

À la même époque, il existe plusieurs prêcheurs qui parlent à la population proche, en mettant notamment en avant les reliques et leurs importances. Ainsi, à la suite même de cet appel, Urbain II reçu un grand nombre de réponses positives de personnes souhaitant partir en terre d'Orient. Mais plus encore, il n'y a pas seulement que les chevaliers qui prirent les armes, il y a également des barons, des prêtres, et même des paysans. Urbain II voulait du monde à son appel, mais jamais il aurait deviné qu'il aurait eut autant d'impact ! En effet, l'aide apporté pour la reconquête de l'Espagne était certes présente, mais très faible en comparaison de l'appel d'Urbain II.

Prenons l'exemple de moines de Vallombreuse. Certain voulait partir prendre les armes. À ce moment là, le pape Urbain II leur répond que là n'est pas leur rôle, qu'ils ont choisi de servir Dieu dans une militia spirituel, alors que le pape a fait appel aux milites, aux guerriers.

Si ce n'est pas une croisade, comment est considéré alors ce mouvement ? La plupart des contemporains de cette époque considèrent cela comme un grand pèlerinage armé. C'est également un pèlerinage avec une récompense à la clé, car en effet, Urbain II déclare que tous ceux qui partiront les armes en main pour libérer Jérusalem se verront expier de tous leurs péchés. Évidemment, dans un monde occidental, où la priorité première est d'aller au Paradis, cette absolution offerte est une opportunité à saisir. Ceci explique sans doute, en plus de tous les autres éléments contextuels, cet énorme soulèvement des armes pour se rendre en Palestine.

Pierre l'Ermite priant au Saint Sépulcre.Dès le printemps 1096, les premiers groupes de croisés se mettent en route avant même que les chefs désignés ou auto-désignés n'aient réuni leurs armées. On désigne souvent le terme de croisade populaire pour la 1ère croisade. En effet, il y avait beaucoup de gens faisant partie de la simple paysannerie, ou encore du clergé qui ont participés, armés ou non, à la croisade. Cependant, il faut nuancer, et montrer avant tout que la majorité des expéditions est remplie de chevaliers, et particulièrement de barons. Ainsi, on peut retrouver le terme de "croisade des barons" dans certains ouvrages.

Citons un personnage clé de cette première croisade : Pierre L'Ermite. Ce religieux, qui avait déjà effectué un pèlerinage à Jérusalem, va mener une longue campagne de recrutement en France avant de se diriger vers l'Allemagne et de partir en Terre Sainte, avec une petite armée. Après un long voyage semé d'embûches et de pièges, les troupes arrivèrent en territoire Turcs où ils se firent décimer. Les survivants parvinrent à fuir vers Constantinople. Cette expédition de Pierre l'Ermite montre ce qu'était la 1ère croisade à ces débuts : des expéditions peu préparées, dans un territoire totalement méconnu, face à de puissants musulmans, plus nombreux, connaissant bien le terrain et avec des stratégies adaptées.

Par la suite, quatre puissantes armées se préparèrent :

  • La première composée de Lorrains et d'Allemands, avec à sa tête Godefroy IV de Boulogne (ou Godefroy de Bouillon), avec son frère Baudouin et son cousin.
  • La seconde composée essentiellement de Français du Nord, avec Hugues de Vermandois, le frère du roi Philippe Ier. On retrouve également le duc de Normandie Robert Courteheuse, le duc de Bretagne Alain IV Fergent et le comte Etienne de Blois.
  • Une troisième qui part du Midi avec à sa tête le comte de Toulouse Raymond IV.
  • Et la dernière, composée de Normand de Sicile avec Bohémond de Tarente.

Ces armées se retrouvèrent entre décembre 1096 et mai 1097 à Constantinople. Ils traversèrent le détroit du Bosphore, et font le siège de la ville de Nicée.  En mars 1098, Baudouin de Boulogne, en réponse à l'appel des Arméniens, prend Edesse, et fond le premier État latin d'Orient.

À ce moment là, nous pouvons voir que l'objectif de la guerre a changé. En effet, Alexis Ier Comnène, l'empereur Byzantin, n'avait demandé que de l'aide pour reconquérir des territoires, et se défendre face aux Turcs. Pourtant, de nouveaux états sont crées, non sous le contrôle des Byzantins, mais des états latins sous l'autorité du pape ! Outre ce nouvel objectif, Jérusalem restait une priorité. Les troupes continuèrent alors la marche vers le sud, en passant par Antioche, où ils firent le siège. Les récits racontent alors des événements parfois atroces, comme des actes de cannibalisme. Il faut cependant ne pas exagérer sur ces actes, qui restent mineurs, et il ne faut pas non plus transformer les croisés en des cannibales.

Après 7 mois de siège, Antioche est pris le 29 juin 1098. La ville aurait dû être rendue à Byzance, il n'en fut rien. Le chef normand, Bohémond, avide d'ambition, fut reconnu Prince d'Antioche. Par la suite, l'expédition se poursuivit à Ma'arat, qui sera complètement brûlé, avant d'atteindre la ville sainte de Jérusalem, le 7 juin 1099.

Élection de Godefroy de Bouillon au titre d'Avoué du Saint-Sépulcre. Manuscrit réalisé à Acre vers 1280.Pendant cinq semaines, une hécatombe va s'abattre dans la ville, dans chaque camp. La majeure partie de la population juive et musulmane fut massacrée. Il faut y voir ici la fureur des croisés qui sont arrivés à Jérusalem après une longue expédition, l'objectif suprême. Ils se donnent aux maximum, ne craignant pas la mort, portant sur eux tous les espoirs de l'Occident et se battant pour récupérer la ville aux mains des infidèles ! Dans beaucoup de sources, nous retrouvons alors le terme de purification. La ville de Jérusalem aurait été alors purifiée dans le feu et le sang. Le 15 juillet 1099, Jérusalem est pris, et la 1ère croisade se termine par une réussite pour les chrétiens d'Occident.

Peu de temps après, le 29 juillet 1099, Urbain II meurt en paix en ayant à l'esprit la victoire de cette première croisade. En Orient, Godefroy de Bouillon est proclamé roi de Jérusalem, mais celui-ci refuse, et prend le titre "D'avoué du Saint-Sépulcre" (image ci-contre). Son frère en revanche, celui qui avait déjà crée le titre d'Edesse, va prendre la couronne, et deviendra Baudouin Ier, roi de Jérusalem.

Si la 1ère croisade est terminée, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers ! En effet, il reste beaucoup de chose à faire, à commencer par conquérir les territoires autour de Jérusalem, et surtout il va falloir les défendre face à des musulmans revanchards et extrêmement furieux. Ainsi, l'objectif suivant des croisades est la défense de la Terre Sainte (in subsidium Terrae sanctae).

C'est aussi à cette époque que naît les ordres sacrés, dont les Templiers, le thème de ce dossier, qui ont pour but de défendre les pèlerins et les reliques du Christ. Nous verrons tout cela lors de la prochaine chronique qui traitera de la fondation des États latins d'Orient, et de la formation de l'ordre du Temple.

  • DEMURGER Alain, Croisades et Croisés au Moyen-âge, Flammarion, collection Champs, 2006, 410 pages.
  • FLORI JEAN, La croix, la tiare et l'épée : la croisade confisquée, Payot & Rivage, Collection Histoire, 2010, 350 pages.
  • HUCHET Patrick, Les Templiers de la gloire à la tragédie, Editions OUEST-France, Collection Histoire, 2010, 130 pages.
  • BRIAIS Bernard, Les Templiers, France Loisirs, collection Les mémoires du Temps, 2011, 190 pages.
  • Source des images : Wikipédia
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