Chronique : Saint François d'Assise

5 novembre 2012 par Orochti en collaboration avec Gatien Wierez | Chronique historique | Moyen-âge

La période du bas moyen-âge, c'est-à-dire entre le Xème et XVème, connait de nombreux bouleversements religieux. Si l'idée d'une décadence de la chrétienté a été mise en avant, elle est aujourd'hui controversée. Toujours est-il que durant cette période, la religion chrétienne catholique connait de nombreux changements et de développements. Citons le cas de la papauté à Avignon, ou encore la lutte des hérésies, comme les Vaudois.

Le sujet aujourd'hui est de présenter un homme, mais pas n'importe quel homme. Nous allons étudier le cas d'un saint, avec Saint François d'Assise. Définir un saint n'est pas une chose difficile en soi. Dans l'ancien testament, est considéré comme saint ce qui réfère à Dieu et ce qu'il lui appartient. Dans le monde chrétien, le terme prend une connotation de valeur morale, et désigne une personne considéré comme proche de Dieu. Les  saints  sont donc des hommes (ou des femmes) distingués pour leur élévation spirituelle et proposés aux croyants comme modèles de vie en raison d'un trait de personnalité ou d'un comportement réputé exemplaire. Au début de la religion chrétienne, la vox populi (la voix du peuple) désignait qui était saint, et qui ne l'était pas. Cependant, vers le XII-XIIIème siècle, l'Église va mettre en place la canonisation, qui leur permettra de gérer définitivement les saints.

Revenons à Saint François d'Assise. Comme le dit son nom, il est né à Assise, en Italie, entre 1181 et 1182. Il est le fils d'un riche marchand, et désire dans sa jeunesse de devenir chevalier. Cependant, suite à la maladie, celui-ci se rapprochera peu à peu de Dieu. Nous vous proposons d'étudier le cas de Saint François d'Assise en deux parties : d'abord, percevoir l'homme comme étant un intermédiaire entre les hommes, Dieu et l'Église, puis dans une seconde partie, étudier la mort du saint, qui est un événement, tragique certes, mais d'importance dans la vie d'un saint.

  • Le saint, un intermédiaire
  • "La mort d’un homme, la naissance d’un saint" (A. Vauchez)
  • Bibliographie sur Saint-François d'Assise et les Saints

Le saint, un lien entre le ciel et la terre

Les représentations des Saint montrent toujours un lien entre l'homme et Dieu, entre l'humain et le divin. Saint François d'Assise eut à plusieurs reprises des rencontres divines, comme le décrit la plupart des hagiographies, comme La légende Dorée de Jacques de Voragine. La première rencontre se fait dans un rêve où Saint-François voit Dieu lui parler. La seconde approche se fait à l'intérieur d'une église, où le crucifix portant Jésus se met à lui parler, et lui demande alors de reconstruire son église. Nous pouvons y voir déjà un  terme assez flou dans la mission de François. Doit-il reconstruire l'église, le bâtiment, ou doit-il reconstruire l'Église, l'institution ? 

François d'Assise prêchant aux oiseaux (d'après les Fioretti) par GiottoPar la suite, dans la vie de Saint François d'Assise apparaît alors une petite série de miracle, comme l'épisode à Arezzo où François transmet la force divine à un de ses frères afin d'exorciser la ville. Un autre miracle connu est celui dit du miracle de la source, où François fait jaillir de l'eau du sol afin d'abreuver un paysan assoiffé. François eut également d'autre anecdote, comme le sermon aux oiseaux, qui montre que François était imprégné d'une impulsion divine.

Toujours dans l'idée de lien entre le divin et l'humain, nous avons la stigmatisation de Saint-François qui est un épisode particulier. Selon les sources, un séraphin à six ailes serait alors apparu devant François et l'aurait couvert de blessures, à l'image du Christ. Cependant, nous pouvons supposés que cet épisode avait pour but pour l'Église de montrer en François l'image d'un saint équivalent au Christ, et d'en faire une sorte de martyr. Ainsi, via toutes ces images miraculeuses, l'Église ici veut montrer la légitimité de Saint-François, et qu'il est l'outil de Dieu pour accomplir sa mission.

Le saint face à l'institution ecclésiastique

Ce qui démarque François et de son ordre de l'hérésie est la rencontre et le rapprochement du saint et de l'institution ecclésiastique représentée par le Pape. En effet, en 1210, François rencontra alors le pape Innocent III, où ce dernier leur appliquera la petite tonsure. De par ce geste, le pape accueille François et sa communauté dans le clergé, ce qui leur permettent d'être officiellement "en règle". Ainsi, François et les Franciscains peuvent prêcher leurs idéaux dans le pays. Cette union entre la communauté des frères mineurs et l'Église semble être nécessaire et prédestinés, comme le veut montrer les sources hagiographiques en présentant le rêve d'Innocent III, fait quelques jours avant l'arrivée de François et de ses frères.

Rencontre entre le sultan Al Kamil et François d'AssisePlus loin encore, le Pape lors de cette rencontre profite alors de l'identité de François et de son charisme pour lui donner des missions à accomplir. Ainsi, on retrouve Saint-François lors de la 5ème croisade (1217-1221) en Egypte, tentant de convertir le sultan Al-Kamil. Il est dit que lors de cette rencontre, François, pour persuader les musulmans à se convertir, aurait allumé alors un feu, que chacun devait traverser. Celui qui ne se brûlera pas aura la foi véritable, et dans un sens la vraie religion. Aucuns des imams, et même le sultan ne traversèrent les flammes, mais cette image montre la volonté véritable de François dans la religion catholique.

Vers la fin de sa vie, Saint-François rencontra de nouveau le pape, Honorius III cette fois-ci, où il aura surtout une remise en forme de l'ordre Franciscain. En effet, suite au charisme de Saint-François, la communauté des frères mineurs va vite gagner en nombre de fidèle, et le pape souhaite établir de véritable règle. Cette règle définit la façon de vivre des Franciscains, et une ébauche fut monté en 1221, puis réécrite et approuvé devant le pape, en 1223. De plus, le pape Honorius III en profite pour rappeler le canon 13 du concile de Latran IV qui obligé tout nouvel ordre d'adopter une règle de Saint Benoit qui régissait la vie des moines.

Le saint parmi les hommes

Comme nous l'avons vu, le saint est un modèle de vie pour tout homme chrétien. Ainsi, la vie de Saint-François reflète des idées que l'Église approuve. François dégage cette image par la vie simple et la pauvreté qu'il vécut. Et, cette image de passer à une vie simple est montrée dans l'épisode décisive de sa vie, où il rendit tout l'argent et ses affaires, se mettant alors nu devant la foule et son père. Par cette image, il montre l'abandon de tout bien matériel, qui le retenait sur terre, afin de se consacrer au mieux au ciel et à Dieu. 

Après cela, François ne portera plus que des vêtements simples, menant une de vie de prière et de mendicité. Ainsi, l'image de Saint-François est toute créée. Ce mode de vie, et le charisme de François va attirer un bon nombre de fidèle à se rapprocher de lui et ainsi créer peu à peu l'ordre des Franciscains, connu également sous le nom des frères mineurs. Les franciscains cultivent la pauvreté volontaire, mais ne méprise pas indistinctement tout ce qui est créé et connaît l'amour de la nature et de la vie. Ils veulent concilier l'obéissance, le civisme, le sens de la hiérarchie, avec le sentiment de l'autonomie personnelle, le goût des libertés et l'idéal d'un certain égalitarisme.

Ces idées vont permettent alors un changement conséquent dans la société, et permettent également de valoriser l'Église, et de transmettre toujours la foi. L'image de François est tellement forte, que par la suite, des franciscains vont eux-mêmes devenir des saints (Saint Antoine de Padoue, Sainte Claire) et même des papes (Nicolas IV, Sixte IV, Sixte-Quint).

Le passage à l'au-delà

En 1226, François d'Assise meurt. Ce fut un choc dans la société, mais aussi dans l'Église. Durant sa mort, nous retrouvons toujours la volonté de laisser une image symbolique du personnage. Ainsi, François aurait refusé de manger alors des sucreries, préférant avoir du pain. Ce refus résume la vie de François de vivre simplement, refusant tout excès qui pourrait le séparer de Dieu. Il mourut la nuit du 4 au 5 octobre, vêtu d'un cilice et recouvert de cendre à l'âge de 45 ans. On y retrouve une symbolique à sa mort, avec le Christ encore une fois.

Sa mort eut lieu à Assise, ce qui est forte car toute sa vie, de sa naissance à sa mort s'est faite dans la ville d'Assise, et ses alentours. Il est important alors de parler de François d'Assise, plus que de Saint-François. À sa mort, c'est une situation nouvelle pour les Franciscains et l'Église. Pour l'ordre, François avait toujours refusé de gérer les frères mineurs par lui-même, donc il n'eut pas réellement de problème d'héritage. Ce fut frère Elie au début, puis à la pentecôte de 1227, Jean Parenti qui prit les commandes. Pour l'Église, la mort de François était une lourde perte. La papauté perdait à la fois un missionnaire, mais aussi un ami proche de l'institution.

De François à Saint-François, la canonisation.

Une fois mort, François est déshabillé, et tout le monde aperçoit alors ses stigmates. Un symbole fort de volonté de montrer un homme qui fut un martyr, comme le Christ. Cependant,  le frère Elie déclare que les jours qui suivent, le corps de Saint-François a retrouvé la souplesse et la beauté d'un enfant miraculeusement. Ceci est un signe de sainteté à l'époque. Nous pouvons critiquer les stigmates, et supposait qu'ils n'ont jamais vraiment existé, qu'ils ne furent qu'une excuse pour déclarer François comme étant un saint.

Le nouveau pape Grégoire IX est l'ancien cardinal Hugolin. Ce dernier joua un rôle très important vu que c'est lui qui va fonder réellement l'image qu'on connait de François. Grégoire IX est à l'origine de la légende et du culte de Saint-François d'Assise. De plus, le pape était un ami proche de François, ce qui explique son engouement et sa volonté dans le processus de canonisation. Il voit également dans le projet franciscain un moyen de faire avancer les réformes de l'Église prononcé lors du concile de Latran IV. La canonisation en elle-même fut très rapide. D'une part, Grégoire IX connaissait très bien François et donc, sa sainteté était déjà toute prouvée, et d'autre part la canonisation à l'époque était assez sommaire. Selon les sources, les stigmates sont la principale raison de la canonisation, mais nous pouvons en douter. Ensuite, on a prit la déposition des témoins sur les miracles, mais ces derniers sont finalement classiques aux autres saints de l'époque. (Guérison, libération des démons etc.).

Le dossier fut transmis à des cardinaux, qui furent favorables à déclarer François comme étant alors un Saint. Le pape fixa la date et le lieu de la canonisation : le 16 juillet 1228, à la place de l'église Saint-Georges d'Assise. Grégoire IX prononça la formule rituelle par laquelle il l'inscrivait au catalogue des saints. Puis, il célébra la messe à l'intérieur avec une ambiance de grande ferveur et de liesse populaire.

L'héritage matériel du saint, les reliques

Dès 1227, Grégoire IX veut construire une basilique en l'honneur de Saint-François. Vers 1230, l'église inférieure est déjà construite, pour accueillir alors les reliques de François. Le pape offrit à la basilique un crucifix couvert de pierres précieuses contenant un fragment de la croix du christ. La cérémonie de transfert a lieu la veille de la pentecôte en 1230, où on y dénombre près de 2000 frères mineurs à Assise.  Le caractère sacré des reliques attise des tensions parmi les fidèles de l'Église, plus particulièrement les Franciscains. En effet une rumeur dit que les franciscains tentèrent clandestinement de déménager les reliques avant la cérémonie dans l'idée de conserver au maximum l'état de la relique, afin qu'elle ne soit pas endommager. Pour certains historiens, c'est surtout pour cacher la disparition des stigmates.

Lors du transfert des reliques de l'église Saint-Georges  à la nouvelle basilique, le char triomphal fut bousculé par la population, forçant la milice communale à intervenir. Au final pour éviter une émeute, le podestat et le frère Elie interdirent à la foule mais également aux frères mineurs et au ministre général de pénétrer dans la basilique, dont les portes ont étaient bien fermées et gardées par les hommes armée. Les reliques auraient été posées alors dans un petit caveau creusé dans la roche à l'intersection de la nef et du transept, par lequel on pouvait parvenir que par un étroit couloir venant du chœur et fermé par une porte bien close.

Ainsi, comme nous pouvons le voir, les reliques de Saint-François connurent un épisode assez désastreux, et furent finalement rapidement cachés. Les reliques, qui se résument à ses ossements, sont toutes au même endroit. Elles n'ont pas étaient dispersées dans toute l'Europe grâce à la mise en place de protection comme le sarcophage retrouvé en 1818 protégé par une grille de fer. Le pape Grégoire IX était très en colère du fiasco de la cérémonie, allant même jusqu'à évoquer l'excommunication des autorités municipales si elles ne réparaient par leur tort envers Dieu, comme il est dit dans la bulle Speravimus hactenus du 16 juin 1230. Le fait que Saint-François ait choisi une vie austère limite le nombre de relique non-corporel. Vu que son corps est vraiment bien protégé, Saint-François apparaît alors comme un saint atypique pour ses reliques.

Ouvrages généraux :

  • BALARD Michel, GENET  Jean-Philippe, ROUCHE Michel, Le Moyen Âge En Occident,  Paris, Hachette supérieur, 2002.
  • BARNAY Sylvie, Les Saints : Des Êtres De Chair Et De Sang, Paris, Gallimard, 2004.
  • HELVETIUS Anne-Marie, MATZ  Jean-Michel, BALARD Michel, Église Et Société Au Moyen Âge : Vème-XVème Siècle, Paris, Hachette supérieur, 2008.
  • PAUL  Jacques. Le Christianisme Occidental Au Moyen Âge : IVème-XVème Siècle. Paris: A. Colin, 2004.
  • VAUCHEZ André, Saints, Prophètes Et Visionnaires : Le Pouvoir Surnaturel Au Moyen Age, Paris, A. Michel, 1999.

Ouvrage spécialisés :

  • BERLIOZ Jacques, Moines Et Religieux Au Moyen Age, Paris, Editions du Seuil, 1994.
  • BOZOKY  Edina, La Politique Des Reliques De Constantin à Saint Louis : Protection Collective Et Légitimation Du Pouvoir, Paris, Beauchesne, 2007.
  • CHASTEL André, BACCHESCHI Edi, Tout l'œuvre peint de Giotto, Flammarion, Les classiques de l'Art, 1982, Milan (Italie).
  • HERRMANN-MASCARD Nicole, Les Reliques Des Saints : Formation Coutumière D'un Droit, Paris, Klincksieck, 1975.
  • PACAUT Marcel,  Les Ordres Monastiques Et Religieux Au Moyen Âge, Paris, Colin, 2005.
  • VAUCHEZ André, La Sainteté En Occident Aux Derniers Siècles Du Moyen Age : D'après Les Procès De Canonisation Et Les Documents Hagiographiques, Paris, École française de Rome, Boccard, 1988.
  • VAUCHEZ André, François d'Assise : entre histoire et mémoire, Fayard, Litt. Gene, 2010, Espagne.
    Site Internet :
  • MOREAU Christophe, Décor de la nef de la Basilique Saint-François, [En ligne] Universalis, Consulté le samedi 6 octobre 2012 à 13H53. <www.universalis-edu.com/>
  • VAN DIJK Willibrord-Christiaan, Franciscains, [En ligne] Universalis, Consulté le samedi 6 octobre 2012 à 13H55. www.universalis-edu.com/
  • Orochti Le Chti templier, Testeur, Chroniqueur, Historien, Star de Youtube Email | Twitter

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