Info sur le livre
Titre originalLes Rois maudits, tome 1 : Le Roi de fer
AuteurMaurice Druon
ÉditeurLe Livre de Poche
GenreRoman historique
Sortie1955
Nombre de pages249

Le Roi de fer

Discab
Thématique
2 mai
2014

En ce deuxième trimestre 2014, la quatrième saison de Game of Thrones explose littéralement les records d'audience aux États-Unis. S'il est un phénomène culturel impossible à ignorer ces dernières années, c'est bien la saga littéraire A Song of Ice and Fire, et sa récente adaptation par la chaine télévisée HBO. Quel rapport avec l'Histoire, me direz-vous ? On sait bien que l'auteur, George R. R. Martin, s'est grandement inspiré des peuples du monde pour garnir les désormais mythiques continents de Westeros et d'Essos. Mais c'est d'un aspect plus littéraire dont je voudrais vous entretenir.

En effet, un des auteurs ayant eu le plus d'influence sur George R. R. Martin n'est autre que Maurice Druon, célèbre entre autres pour sa série romanesque Les Rois maudits. Dans la préface de l'édition américaine, Martin écrit ainsi : « Rois de fer et reines étranglées, batailles et trahisons, mensonges et luxure, malédiction des Templiers, la ruine d'une grande dynastie - le tout (enfin, presque tout) issu des pages de l'Histoire, et croyez-moi, les Starks et les Lannisters n'ont rien à envier aux Capétiens et aux Plantagenêts. Que vous soyez un passionné d'Histoire ou un fanatique de fantasy, l'épopée de Druon vous captivera page après page. C'est le Game of Thrones original. »

Un tel aveu ne peut laisser de marbre, et nous nous sommes dès lors rués sur les fameux romans dans l'espoir de pénétrer les sombres et froides cours d'Europe des siècles passés. Commençons donc par le premier tome : Le Roi de Fer.

Complots et Templiers

Ce premier roman commence à la conclusion du procès de l'Ordre du Temple, le « plus vaste procès dont l’Histoire ait gardé le souvenir, puisque ce procès pesa sur près de quinze mille inculpés. Toutes les infamies y furent perpétrées, et il dura sept ans. » Philippe IV, dit Le Bel, est au faite de sa puissance. Il a installé le Pape à Avignon et la France est l’État le plus peuplé d'Europe. Je ne me hasarderai pas à chroniquer ici le procès des Templiers, mais cette incroyable manœuvre politique a renforcé le pouvoir royal, tout en grossissant le trésor. Cependant, les chevaliers de l'Ordre du Temple étaient des proches du pouvoir en place. Son grand maître, Jacques de Molay, était le parrain de la reine Isabelle d'Angleterre, fille de Philippe IV. Aussi, si l'éradication de l'Ordre apparaît comme une nécessité d’État, peu sont ceux éprouvant un réel bonheur à accomplir cette tâche. Le contexte pouvant être réduit à cette idée, prise du prologue à ce premier roman : « L’idée nationale logeait dans la tête de ce prince calme et cruel pour qui la raison d’État dominait toutes les autres. Sous son règne, la France était grande et les Français malheureux. »

Mais tout ceci n'est qu'un tableau, au fond duquel s'agite la foule des personnages, fictifs ou réels, à laquelle Druon donne vie. Du comte d'Artois, brute vulgaire, à la fois haineux et réfléchi, dont le seul désir est de voir crever sa tante Mahaut, au terrible garde des Sceaux Guillaume de Nogaret, expert dans l'art de l'interrogatoire, en passant par Tolomei, avide marchand lombard ; nombreux sont les personnages que l'on rencontre et tous ne servent qu'un maître : eux-mêmes. Les complots des uns se répercutant sur ceux des autres, on n'imagine pas vers quel destin chacun se dirige, quoiqu'on soit sûr qu'il sera funeste.

Du sexe et du sang ; mais pas trop quand même

Si certaines scènes peuvent apparaître choquantes pour le lecteur, le style de Druon permet d'adoucir le tout. Délicatesse ou lâcheté ? Il ne faut pas oublier que le roman fut publié dans les années cinquante, et la télévision n'avait pas alors rendu quotidiennes les visions de meurtre et de rapport sexuel ; consentant ou pas. Il est pourtant difficile de ne pas faire le rapprochement avec le 1984 d'Orwell, publié en 1949, et qui six ans avant Le Roi de fer proposait des descriptions autrement plus inspirées. Mais c'est broutille d'insister là-dessus, tant l'intrigue pardonne ces quelques faiblesses stylistiques. En outre, la seule mention de certains supplices suffit à nous déstabiliser et peut-être est-il aussi bien de nous épargner trop de détails. Par ailleurs, le comportement des brus du roi est assez clair sans que nous ayons besoin de les suivre jusqu'au plus profond de leurs couches. Vous l'aurez compris, vous ne trouverez ici que peu d'occasions de vous rincer l'oeil, mais est-ce vraiment ce que l'on attend d'un tel ouvrage ?

Enfin, Druon se permet quelques infidélités à l'Histoire, en changeant par exemple les dates de morts de certains personnages, ceci afin de coller à son intrigue. Il s'inscrit ainsi dans la perspective d'un Dumas plutôt que dans celle d'un Rambaud. La question étant de savoir ce que chacun attend d'un roman historique.

Verdict

Le Roi de fer ouvre magnifiquement la série des Rois maudits. Avec son intrigue complexe sans être compliquée, et sa variété de personnages et de points de vue, ce roman historique offre un panorama des mentalités à l'époque de Philippe IV sans jamais laisser trop loin le monarque dont la vie reste le fil rouge du roman. Malédiction, complots, torture, infidélité, tout y est pour faire de ce moment de lecture une inoubliable rencontre avec l'Histoire de France.

  • Discab Contributeur
  • "D'abord, apprenez que je ne suis point le défenseur du peuple ; jamais je n'ai prétendu à ce titre fastueux ; je suis du peuple, je n'ai jamais été que cela, je ne veux être que cela ; je méprise quiconque a la prétention d'être quelque chose de plus." Maximilien Robespierre