La Belgique dans la Première Guerre mondiale

Roi de Dreamland
Thématique
Première Guerre mondiale
17 février
2016

HistoriaGames dispose d'une forte communauté francophone, parmi laquelle les Belges occupent une place non négligeable. A l'époque où j'avais rédigé mon article sur La France dans les jeux vidéo, plusieurs Belges m'avaient sollicité pour me demander si un tel article était envisageable vis-à-vis de la Belgique. Malheureusement, en raison d'un évident manque de matière, la chose n'est pas réalisable. J'ai donc décidé de consacrer un article à la Belgique, mais sur un autre sujet : la Première guerre mondiale.

Souvent moqué dans des histoires drôles qui ne le sont pas toujours, les Belges habitent un pays relativement jeune qui a pourtant marqué l'Histoire à de nombreuse reprises. Si la Belgique est fondée et ne gagne son indépendance qu'en 1830 suite à une révolution contre les Pays-Bas, elle a eu un rôle décisif souvent oublié lors du premier conflit mondial.

À travers cet article, il s'agira donc de revenir sur la situation qu'a connu le Royaume entre 1914 et 1918. Entre résistance et collaboration, les Belges sont sortis du conflit en 1918 sans doute plus uni qu'ils n'y étaient rentrés, quatre ans plus tôt. Hommage et rappel.

La situation belge à l'aube de 1914

En 1914, alors que les grandes puissances européennes marchent vers la guerre et que le mécanisme d'engrenage des alliances militaires tend à rendre ce conflit toujours plus mondial, la Belgique entend bien conserver sa neutralité. Pour cause, elle est située entre la France et l'Allemagne qui semblent décidées à en découdre depuis le différend de 1870 concernant l'Alsace-Lorraine.

Le Royaume de Belgique veut ainsi éviter d'être pris entre le feux de deux des principaux belligérants de la guerre qui s'annonce. Le problème, c'est que les évènements vont rapidement pousser le roi Albert Ier à choisir un camp. En effet, en dépit de sa volonté de rester neutre face aux grandes puissances, les actions de ces dernières vont obliger la Belgique à rejoindre la guerre.

Le 2 août 1914, le Chancelier du Reich, Theobald von Bethmann Hollweg, adresse un ultimatum secret à la Belgique dans lequel il demande le droit de passage à travers le territoire belge pour les armées allemandes afin d'aller combattre en France dans le cadre de la mise en application du plan Schlieffen.

Cette demande est reçue par le ministre des Affaires Etrangères de l'époque, Julien Davignon, membre du parti catholique belge. Les Allemands vont prétexter une violation du territoire belge par des officiers français afin de justifier leur demande.

En l'absence de preuves tangibles, et face à cette exigence allemande inacceptable pour un Etat souverain, la Belgique refuse de céder à l'ultimatum. Elle se prépare à résister face à l'offensive allemande.

De leur côté, les Allemands sont persuadés que ce refus belge ne les retardera que quelques jours. Avec une certaine condescendance, ils sont persuadés d'écraser rapidement l'armée belge sans la moindre difficulté.

Plan Schlieffen

Une offensive allemande qui piétinne face à la "formalité" belge

Le 4 août, suite au refus belge, l'armée allemande aligne près d'un million d'hommes le long de la frontière et se lance à l'offensive. Les objectifs clés sont situés au niveau de Liège et de Namur.

Pour les Allemands, il s'agit d'avancer rapidement et de s'emparer de ces villes afin de vite écraser la Belgique pour porter le combat en France. La rapidité d'exécution était en effet une caractéristique essentielle dans la correcte application du plan Schlieffen.

Or, force est de constater que face à cette énorme force de frappe allemande, la modeste armée belge tient bon et encaisse le choc. Par ailleurs, conformément aux accords de 1830, la Belgique demande l'aide de la France et de la Grande-Bretagne afin de garantir et protéger son indépendance.

En 1914, l'ordre de bataille de l'armée belge présente une armée composée d'uniquement six divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie. La place forte de Liège est défendue par la 3ème division d'infanterie alors que Namur est défendue par la 4ème division. Le reste des forces belges est situé le long de la rivière Gette, en position défensive d'interposition.

Ces divisions se tiennent prêtes à encaisser le choc de l'assaut allemand. Alors que Liège devait tomber en 2 jours pour respecter les délais prévus par le plan Schlieffen, les troupes belges parviennent à défendre les fortifications durant 11 journées avant de se replier, en bon ordre.

On constate ainsi que l'armée de Belgique ralentit énormément la progression allemande, et parviennent à chaque fois à se replier en bon ordre, évitant ainsi l'encerclement ou l'anéantissement. Les grandes lignes de fortifications belges, érigées en ceintures autour des places fortes, gênent également énormément les divisions du Reich.

Malgré tout, l'armée allemande, supérieure en nombre, finit par repousser les troupes belges qui se réfugient dans une petite poche de territoire autour d'Anvers appelée : le « réduit national de l'Yser ».

En octobre 1914, les Allemands sont maitres de la plus grande partie de la Belgique, mais d'une part, ils n'ont pas éliminé l'armée belge qui, bien que réduite à la défensive constitue encore une menace, et d'autre part, ils ont perdu un mois qui a permis aux armées françaises de se préparer à recevoir le gros de l'offensive sur la Marne.

Troupes belges sous le feu allemand à Alost  La ceinture de forts autours de la ville d'Anvers1. Troupes belges sous le feu allemand à Alost - 2. La ceinture de forts autours de la ville d'Anvers

La Belgique occupée : entre propagande, tensions nationales, résistance et collaboration

La résistance acharnée des troupes belges est un fait inattendu pour les Allemands qui pensaient l'emporter facilement. Le mois de retard pris sur le plan Schlieffen va contrarier les projets du Reich qui espérait une victoire rapide afin de ne pas avoir à gérer deux fronts en même temps.

À l'inverse, l'armée française est énormément aidée par ce fait d'armes et de bravoure belge puisqu'elle lui permet de s'organiser face au mouvement de revers allemand.

On peut alors se demander ce qu'aurait donné la Première Guerre mondiale si la Belgique avait été écrasée rapidement. Souvent occultée dans l'enseignement de l'Histoire, la résistance des forces belges n'en reste pas moins un évènement déterminant.

Dans ce contexte, la propagande s'emballe. Sur recommandation des militaires et dirigeants politiques français, Albert Ier, roi des Belges, reste à la tête de son armée dans le réduit national.

La figure du « roi soldat » apparait alors à cette époque et elle devient un thème majeur de la propagande qui va idéaliser et héroïser la résistance des Belges. La personne du roi va en effet personnifier la résistance belge et offrir un regain de moral aux troupes. L'accent est mis sur le fait que la Belgique n'est pas encore totalement occupée et qu'elle continue à se battre avec son armée et son roi, symboles de la nation.

Côté allemand, la résistance belge a en revanche été mal vécue. Elle génère des frustrations qui auront des conséquences terribles sur les populations civiles, alimentant un cercle vicieux de haine conduisant à diverses exactions. Les Allemands ont en effet une grande hantise : celle des francs-tireurs et des saboteurs sur leurs arrières.

Dans la zone occupée, les autorités allemandes en place vont donc tenter de jouer la carte des tensions nationalistes pour obtenir un soutien qui les soulagerait. En effet, avant 1914, les tensions entre Flamands et Wallons existaient déjà en Belgique. À cette époque, les régions wallonnes, fortement industrialisées, étaient bien plus riches que les régions flamandes. De fait, les francophones dominaient le pays, ce qui générait une importante frustration et chez les Flamands qui estimaient ne pas être assez reconnus.

En échange de plusieurs promesses quant au renforcement de l'autonomie et quant à l'indépendance de la Flandre, une minorité de nationalistes Flamands accepte de collaborer ouvertement avec l'occupant allemand.

Toutefois, suite à l'action vigoureuse de différentes figures de la résistance belge, et notamment celle du primat religieux catholique de Belgique, monseigneur Mercier, la majorité des Belges fait le choix de rester unie dans une résistance plus ou moins active face à l'occupant allemand.

En effet, le cardinal Mercier, évêque de Malines, prend à l'époque publiquement position contre les occupants. Ces derniers sont contraints de le laisser s'exprimer car ils ne veulent pas prendre le risque d'en faire un martyr.

Au final, la majorité des nationalistes flamands va considérer comme des traitres ceux qui sont prêts à collaborer avec l'ennemi allemand pour faire avancer la cause. Le comportement des autorités d'occupation va ainsi contribuer à renforcer le lien entre les Belges. On constate ainsi différent degrés de résistance, mais une relative unité de la population belge au moment du retrait des forces allemandes à la fin du conflit.

Pour sa part, le roi sort de cette guerre glorifié et l'armée belge est célébrée dans tout le pays, laissant même les Français admiratifs devant tant d'abnégation et de courage.

Malgré tout, il serait faux de dresser un portrait uniquement idéalisé et héroïsé de la Belgique dans la guerre. Des actes de délation et de collaboration ont bien eu lieu durant les années d'occupation.

Sur un modèle similaire à celui de la résistance française dans la Seconde Guerre mondiale, et malgré ce qu'en a dit le général de Gaulle lors de la Libération, on constate dans les faits que la majorité de la population belge n'a que très peu résisté ou collaboré, se contentant de mener sa vie dans les difficiles conditions de l'occupation.

Albert Ier, le roi-soldat  Le cardinal Mercier1. Albert Ier, le « roi-soldat » - 2. Le cardinal Mercier

Les offensives belges : Grandes oubliées de l'Histoire

L'action de l'armée belge en Europe est assez peu souvent traitée dans l'enseignement de l'Histoire. Dans ces conditions, il est clairement inutile d'espérer entendre parler des autres théâtres d'opérations. Face à ces lacunes, un petit rappel s'impose.

La Belgique est une puissance secondaire européenne, au début du XXème siècle. Cela signifie qu'elle dispose de colonies, en l'occurrence en Afrique. En 1885, le roi Léopold II s'empare de la colonie du Congo pour le compte de la Belgique. Dès lors, dans une guerre mondiale, il est évident que les colonies participent aussi au conflit, et le Congo belge ne va pas échapper à la règle, soutenant sa métropole avec efficacité.

En effet, et c'est là un épisode trop souvent oublié face à la vision « eurocentrée » que nous avons de la Première Guerre mondiale, les troupes coloniales belges présentes au Congo, aidées par des natifs enrôlés pour l'occasion, ont lancé diverses offensives sur le théâtre d'opération secondaire africain.

Après avoir mis hors de combat le cuirassé Von Götzen en 1916, elles lancent une offensive permettant de chasser les Allemands de leur colonie de l'Est-Africain (actuelle Tanzanie).

Cette victoire, bien que secondaire, n'en reste pas moins la capture d'un territoire colonial entier appartenant à l'Allemagne. De surcroît, l'opération a été menée par quelques soldats belges encadrant des miliciens congolais.

Cela vient fortement contraster avec l'image d'une Belgique faible, uniquement bonne à se faire envahir par une Allemagne surpuissante.

Oui, certains d'entre vous le découvrirons peut-être à la lecture de ces lignes, mais « l'insignifiante » Belgique a vaincu l'Allemagne en Afrique, qui plus est à un moment de la guerre où les Britanniques étaient complètement à la ramasse dans cette zone.

Face à la mémoire sélective de l'Histoire et aux clichés qu'elle véhicule, il est donc parfois bon de rappeler certaines choses.


Hydravion belge au Congo
Hydravion belge au Congo

Conclusion : et les jeux vidéo dans tout ça ?

Comme il a été dit en introduction de cet article, peu de jeux vidéo traitent la question de la Belgique dans l'Histoire. Cela est peut-être lié au fait que l'Etat belge est une création récente et partiellement artificielle, mais c'est sans doute également dû au fait que la Belgique est une puissance secondaire.

Or, les jeux vidéo font souvent le choix de se concentrer sur les grandes puissances de l'époque, car d'un point de vue marketing et selon une logique commerciale, il est plus facile de vendre ce qui est connu par le plus grand nombre.

Vu que les faits présentés dans cet article sont en général peu connus du commun des mortels, les gros éditeurs n'ont pas forcément envie de prendre le risque de faire un jeu sur le front belge puisque de fait, il risquerait de mal se vendre ou de ne trouver son public qu'auprès d'une minorité de gens connaissant bien l'Histoire.

Au final, deux jeux présentant la Belgique dans la Première Guerre mondiale me viennent à l'esprit : Victoria 2 de Paradox Interactive d'une part, et Verdun, le FPS de Blackmill Games et M2H d'autre part.

Ce dernier va prochainement consacrer une mise à jour à l'intégration de la faction belge dans le jeu. Un bien bel hommage pour ces hommes qui ont tenus tête à l'armée allemande sur l'Yser, il y a de cela quelques cent années.

  • Zog Chroniqueur, Historien, Testeur, Youtubeur
  • « Une Europe fédérée est indispensable à la sécurité et à la paix du monde libre. » par Jean Monnet en 1952