Des bas-reliefs assyriens rares découverts au Kurdistan irakien

Thématique
Antiquité
5 février
2020

La défaite récente de éphémère état islamique a permis aux recherches archéologiques de reprendre en Irak. Au nord de Mossoul, dans la région de Dahuk, une équipe de chercheurs italiens et kurdes a pu rouvrir un site proche de la frontière turque resté inaccessible pendant des décennies. Co-dirigée par l’archéologue Morandi Bonacossi, envoyé par l’université d’Udine, l’expédition est parvenue a approfondir un diagnostic archéologique réalisé en 1973, qui avait relevé dans les collines la présence de reliefs sculptés dans la pierre, ornant un réseau de canaux creusés dans la roche.

Mr. Bonacossi et son confrère Hassan Ahmed Qasim, le directeur du département des Antiquités de Duhok, au Kurdistan irakien, ont pu découvrir au total dix bas-reliefs sculptés dans la pierre; datés de la période assyrienne et représentant le puissant roi Sargon II, resté dans l’Histoire pour être monté sur le trône de Babylone et d’Assyrie au VIIIème siècle avant notre ère et fondé la dynastie des Sargodines.

À cette époque ou l’Egypte s’affaiblissait, il conquit le royaume d’Israël voisin et en déporta une grande partie de la population, s’empara des dominions égyptiens et écrasa les Hittites, asseyant la domination de son pays sur tout le Proche-Orient pour plusieurs siècles. Sargon II était donc jusqu’ici essentiellement connu comme un conquérant à l’oeuvre militaire importante, mais la découverte de l’expédition italo-kurde vient souligner que le roi ne négligea pas l’administration de son royaume et finança le développement agricole de ses provinces, celui du commerce et l’innovation technologique.

La découverte de ces bas-reliefs est étonnante car ce type d’ornement est d’ordinaire exclusivement réservé aux palais royaux.

Des bas-reliefs assyriens rares découverts au Kurdistan irakienPhotographie Isabella Finzi Contini.

« Les reliefs en pierre assyriens sont extrêmement rares... [...] Il est fort probable que d'autres reliefs ou des inscriptions cunéiformes soient encore ensevelis sous les débris qui obstruent le canal. », confie Mr Bonacossi.

Les scènes sculptées montrent le roi Sargon II et la reine Mulissu en majesté, entourés de créatures mythologiques et suivis ou précédés par des divinités comme Ishtar, déesse de l’amour et de la guerre, Shamash le dieu-soleil et Nabu, le dieu de la connaissance.

Tout un symbole, car « Ces reliefs laissent entendre que des scènes au message politique mettant en scène la puissance royale et sa légitimité divine étaient un lieu commun à l'époque », d’après Jason Ur, archéologue de l’université de Harvard. « ça n’était pas uniquement réservées aux palais impériaux, elles avaient leur place partout, même là où les agriculteurs puisaient l'eau des canaux pour leurs champs. »

Des bas-reliefs assyriens rares découverts au Kurdistan irakienPhoto du site de fouilles par Alberto Savioli.

Le canal découvert tirerait son eau des sources voisines dans les collines, et auraient permis d’irriguer une grande quantité de terres dans la région, permettant l’exploitation de l’orge, du blé et d’autres céréales, indispensables à l’approvisionnement de la cité royale de Ninive, à cent kilomètres au sud, sur la rive opposée du Tigre. Après le décès de son père, le roi Sénnachérib aurait lui aussi entretenu et élargi le réseau hydrographique régional, allant même jusqu’à construire le tout premier aqueduc du monde, bien avant les Romains. Une inscription en cunéiforme marquée de son nom rapporte en effet que « Par-dessus les vallées escarpées, j'ai dressé un aqueduc en blocs de calcaire blanc ; puis j'y ai fait couler l'eau. »

Morandi Bonacossi se soucie cependant de la conservation de ces vestiges assyriens : le vandalisme, les fouilles illégales et les conflits qui ravagent cette partie du monde depuis vingt ans ont gravement endommagé les restes de ce patrimoine unique au monde. L’objectif des scientifiques serait ici de créer un parc archéologique et d’obtenir le label du patrimoine mondial de l’UNESCO, pour garantir sa préservation.