Chinon, une cité chargée d'Histoire

26 octobre 2015 par Akialam | Une cité chargée d'Histoire

Pour une parisienne sans voiture, trouver une destination pour un week-end, sortant des city breaks habituels - et à portée de train - s'avère parfois plus complexe que prévu. Cette fois-ci, j'ai jeté mon dévolu sur une petite ville du Val de Loire, classée au patrimoine de l'Unesco et dotée d'une belle forteresse afin nourrir mon goût pour le patrimoine : Chinon.

Si ce nom vous est familier, c'est peut-être grâce au célèbre vin qu'on y produit, mais sans doute également car cette forteresse fut le lieu de la première rencontre entre Jeanne D'Arc et Charles VII, racontée à tous les écoliers français. Mais nous reparlerons de cet épisode un peu plus tard, car l'histoire de ce lieu ne tient pas uniquement à la pucelle d'Orléans.

Le site est occupé dès l'Antiquité par les romains pour sa position stratégique : protégé d'un côté par un à-pic donnant sur la Vienne, il présente l'avantage de n'offrir qu'un flanc à défendre face à de potentiels assaillants. La ville de Chinon traverse encore quelques siècles mouvementés avant que son histoire ne rejoigne la grande Histoire de France – et d'Europe - au 12e siècle.

Lorsque Henri II Plantagenêt, alors marié à Aliénor d'Aquitaine, devient roi d'Angleterre, il se querelle avec son frère concernant quelques possessions : rien de plus qu'une banale histoire d'héritage, mais à l'époque, on ne fait pas dans la dentelle, et il s'ensuit une guerre qui aboutit à la prise de Chinon par Henri II. Au soir de sa vie, ce dernier annonce à ses quatre fils la façon dont il compte leur léguer son royaume. Les trois premiers Henri, Geoffroy et Richard dit Cœur de Lion recevront chacun une part de son royaume. Quant à son cadet, Jean, il n'héritera de rien, sauf du surnom de Jean Sans Terre, que lui accordera l'histoire suite à cet inégal partage. Une fois de plus, aucune des parties n'est satisfaite et la fratrie se déchire, nouant et dénouant des alliances pour tenter de récupérer ce qu'ils estiment être leur dû, contre leur père. Entre temps, le roi de France Philippe-Auguste, plutôt intéressé par ces querelles familiales dont il espère bien pouvoir tirer quelque profit – et quelques terres – déclare lui aussi la guerre à Henri II et s'allie avec son fils Richard Cœur de Lion. Lorsque Henri II meurt à Chinon, c'est donc ce troisième fils qui devient maître de la forteresse. Mais l'histoire ne s'arrête pas là : vous souvenez-vous de l'histoire de Robin de bois ? Le roi Jean prenant possession du pouvoir pendant que son frère Richard est aux croisades ? Eh bien nous y voilà précisément : lorsque Richard Cœur de Lion revient de croisades, il a la désagréable surprise de s'apercevoir que son frère s'est entendu avec le roi de France pour se partager ses terres. Heureusement pour Jean, Richard est tué à Châlus, et tout aurait bien pu se finir pour lui s'il avait su arrêter de faire parler de lui. Mais ce jeune roi fougueux décide d'enlever la fiancée d'un autre seigneur afin de l'épouser. Le fiancé bafoué étant quelque peu rancunier, ils finissent par se faire la guerre – un passe-temps parmi les plus courus dans la noblesse de l'époque, semble-t-il. Il faut dire qu'entre temps, ce dernier en a appelé à la justice du roi de France, toujours en quête de nouvelles terres, et que ce conflit arrange bien. Il se retourne donc contre Jean – rappelons-le, son ancien allié- et fait le siège de la forteresse de Chinon, qui finit par tomber, et qu'il annexe au Royaume de France, toute peine méritant salaire.

Au 14e siècle, la forteresse sert de prison, et parmi ses hôtes les plus célèbres, on pourra compter Jacques de Molay, grand-maître des templiers. Mais c'est au 15e siècle que va se jouer à Chinon le chapitre le plus célèbre de sa longue histoire. En effet, c'est là que se tient la première rencontre entre Jeanne d'Arc et Charles VII, dans la célèbre salle dite « de la reconnaissance », aujourd'hui disparue, et dont il ne reste que quelques vestiges encore visibles à Chinon. C'est à cet endroit que Jeanne aurait reconnu le roi parmi la foule de ses courtisans, alors qu'il avait placé un autre seigneur sur le trône, pensant la piéger. Cette reconnaissance miraculeuse, bien qu'emblématique, appartient désormais à la légende car de très nombreux historiens s'accordent pour dire que, si Jeanne a bien officiellement été reçue par Charles VII à Chinon, une première rencontre, plus discrète, avait déjà été orchestrée quelques semaines auparavant entre la jeune femme et le roi.

Au cours des siècles suivants, la forteresse passe de main en main, et son histoire épouse celle de la réforme, particulièrement vivace en Touraine, mais jamais elle ne retrouvera l'importance stratégique qui était la sienne au moyen-âge. Les années et intempéries ayant fait leur œuvre et le château ayant servi de carrière pour la construction de certaines maisons en ville, c'est en mauvais état qu'elle arrive au 19e siècle, où il est question de la rebâtir. C'est l'époque des grands travaux de Viollet Le Duc, au cours de laquelle la France redécouvre son patrimoine médiéval. Si le projet concernant le château de Chinon – trop coûteux – n'a pu voir le jour, la ville basse conserve toutefois quelques vestiges de cette période au travers d'une belle façade néo gothique située au 59 de la rue Rousseau. Dressée entre des maisons à pans de bois médiévales, elle arbore fièrement tout le répertoire architectural du moyen-âge tel qu'on le concevait au milieu du 19e siècle : gargouilles, fleurs de lys, personnages de troubadours et de marchands, mais également présence d'animaux symboliques, comme le porc-épic de Louis XII et l'hermine de son épouse, Anne de Bretagne.

Depuis 2003, la forteresse a bénéficié d'un chantier de fouilles, de restauration et, partiellement, de reconstruction. Pour le visiteur d'aujourd'hui, que reste-t-il, concrètement, à voir ? La forteresse est divisée en trois parties distinctes, dont les séparations ont été creusées par Jean Sans Terre : trois forts qui permettaient, le cas échéant, de se replier toujours plus avant en cas de siège. Le premier, le fort Saint Georges, abrite aujourd'hui le bâtiment moderne servant à l'accueil du public ; le deuxième, le château du milieu, et le plus vaste, possède une vaste esplanade ainsi que le logis royal, relevé au cours des derniers travaux, tel qu'il devait l'être au 15e siècle. Enfin, tout au bout de l'éperon rocheux, s'élève le fort du Coudray, dernier bastion en cas d'attaque. La ville de Chinon elle-même offre également une belle promenade, à la découverte de maisons de toutes les époques, qu'il est charmant d'achever par une traversée du pont permettant de découvrir la ville et le château dans toute leur splendeur.

Si cet article vous avait donné envie de faire un petit tour à Chinon, un dernier conseil : si vous souhaitez découvrir la forteresse, ne vous privez pas de la visite guidée, comprise dans le billet d'entrée, qui vous permettra d'y voir plus clair sur son histoire, mais également de mieux comprendre les élévations restantes.

  • Akialam Lectrice, spectatrice, visiteuse d'expo et blogueuse !Twitter | Facebook

  • La première et la plus simple émotion découverte par l'esprit humain est la curiosité.” Edmund Burke

  • Lien vers son blog : akialam.over-blog.com