Grande Femme de l'Histoire : Mata Hari

Mère des phoques
3 décembre
2013

De son véritable nom Margaretha Geertruida Zelle connue du public comme danseuse orientale et espionne fusillée par la France -les Allemands déclareront plus tard qu'elle n'avait donné aucunes informations importantes- celle qui se faisait nommer Mata Hari, s'avère être une femme blessée qui, ne trouvant pas la force de se relever, préféra rêver sa vie au lieu de vivre ses rêves.

Margaretha Zelle

Sa mère lui donna la vie le 7 août 1876 à Leeuwarden, Pays-Bas, son père était un riche chapelier affabulateur qui se disait baron. Margaretha grandit alors dans le mensonge et l'illusion, se faisant elle-même passait pour la fille d'un baron auprès de ses camarades d'école. Elle était bonne élève et excellait surtout dans les langues.

Son père fait faillite quand elle avait 13 ans, il abandonne sa famille qui va alors s'installer dans les quartiers pauvres et Margaretha se retrouve déscolarisée et brimée par ses anciens camarades. C'est ainsi que s'ouvre la première blessure de son existence.

Décidant d'aller de l'avant, elle entreprend une formation d'institutrice à laquelle elle devra mettre fin lorsqu'elle sera surprise à moitié nue dans les bras du directeur de l'établissement, elle avait 17 ans. Elle prend conscience de ses charmes, ayant un physique atypique pour une femme des Pays-bas, avec son teint caramel, sa taille d'1m78 et ses cheveux très bruns.

Lady Mc Leod


Margaretha Zelle et Rudolph Mac Leod en 1897Margaretha Zelle et Rudolph Mac Leod en 1897

À 18 ans, elle épouse le Capitaine Rudolf Mc Leod, officier de la marine néerlandaise. Pour Margaretha, c'est une revanche sur la vie puisqu'elle redevient riche. Le couple part s'installer dans les Indes néerlandaises sur l'île de Java. Margaretha s'intéresse beaucoup à la culture du pays, s'habille à la Javanaise, apprend les rudiments de la langue et de la danse, puis elle commence déjà à se faire nommer « Mata Hari » littéralement « œil du jour », littérairement « Soleil levant » « Aurore ».

De son union avec son mari vont naître deux enfants, un fils qui mourra à l'âge de deux ans empoisonné par la maîtresse de son père et une fille qui survivra à une grave maladie. La mort de leur fils déchire le couple, Rudolf accuse son épouse d'être une mauvaise mère tandis qu'elle l'accuse d'être un mauvais mari puisqu'il la battait et était alcoolique. Elle obtient le divorce en 1902, la garde de leur fille ainsi qu'une pension alimentaire qui ne lui sera jamais versée. Rudolf Mc Leod incapable d'accepter le verdict, enlèvera leur fille, Margaretha se retrouvant seule, derechef blessée et abandonnée par sa famille.

Mata Hari


Carte postale avec Mata Hari à Paris en 1906Carte postale avec Mata Hari à Paris en 1906

À 26 ans, elle gagne Paris où elle deviendra une « cocotte », une courtisane vivant de ses charmes et des richesses de ses amants. Il faut savoir qu'en 1900 avant la guerre, être courtisane était un statut social signe de richesse extérieure. Trop indépendante pour vivre uniquement du bon vouloir de ses amants, elle décide de faire carrière. Elle est dans un premier temps engagée comme écuyère dans un cirque avant de devenir celle qui multipliera les amants, la célèbre danseuse Mata Hari.

Aussi affabulatrice que son père, elle s'invente une vie dans laquelle son père un lord anglais et sa mère une indienne de confession hindoue qui l'aurait élevée pour qu'elle devienne une danseuse sacrée dans les temples. Utilisant alors l'alibi de la religion et de l'exotisme elle lève le tabou du nu. Ses danses étaient volontairement érotiques, elle avait tout simplement introduit l'effeuillage dans une société puritaine. Toutefois complexée par sa petite poitrine elle gardait son soutien-gorge prétextant que son mari violent lui avait arraché un téton avec les dents.

La société française de l'époque ignorant tout de la vie orientale, Mata Hari en profite pour raconter tout ce qui lui plaît. Bien qu'elle avait appris les rudiments de la danse à Java, ce qu'elle présentait n'était que sa version revisitée de façon érotique. Même les orientalistes de l'époque, comme Emile Guimet l'invita à danser dans son musée, décoré en temple en l'honneur de Shiva pour l'occasion.

Mata Hari au musée Guimet à Paris, le 13 mars 1905Mata Hari au musée Guimet à Paris, le 13 mars 1905

Célèbre et adulée, Mata Hari se produit à l'Olympia pour 10 000 francs par soirée dès août 1905. En 1906 elle se produira devant Albert 1er à l'opéra Monte Carlo. C'est aussi la seule courtisane appréciée par les femmes fortunées qui l'invitent parmi elles pour la voir danser et lui faire la conversation, remarquant qu'elle était éduquée et parlait plusieurs langues, elles voyaient en elle une femme de bonne famille et non une vulgaire danseuse érotique.

Au sommet de sa carrière, elle décide de tout abandonner ! Uniquement pour suivre son amant, ce qui ne convient pas à l'image calculatrice dépeinte lors de son procès pour espionnage. Quand elle se sépare de son amant quelques années plus tard, elle a déjà été évincée par d'autres danseuses. Désormais endettée, elle tombe même dans la prostitution, vend ses biens puis quitte Neuilly devenu trop cher pour elle. Désespérée, elle ira même attendre devant l'école de sa fille, âgée de 13 ans pour tenter de la kidnapper. Malgré cela elles continuèrent de correspondre jusqu'à la fin.

L'agent H21


Mata Hari aux Pays-Bas en 1915Mata Hari aux Pays-Bas en 1915

Lorsque la Grande Guerre éclate, Mata Hari se trouve à Berlin qu'elle veut quitter à tout prix pour la même raison. Cependant, elle reste bloquée à la frontière Suisse tandis que le train part avec ses bagages. Plus tard, lors de son procès en France, le fait qu'elle se soit trouvée à Berlin aux premiers instants de la guerre sera retenue comme preuve bien que cela n'est aucun rapport. Finalement, la belle renoue avec un riche colonel qui va lui louer une maison aux Pays-bas. C'est dans cette demeure que le consul Allemand, Kramer lui rendra visite.

Kramer vient dans l'idée de lui proposer de devenir espionne contre un salaire de 20 000 francs. S'il s'intéresse à elle, c'est parce qu'elle est célèbre en France, ce qui lui permet de s'approcher des personnages hauts-placés sans paraître suspecte, d'autant plus qu'elle maîtrise plusieurs langues. Kramer lui donne 3 flacons d'encre sympathique restés introuvables et inutilisés. Au fond l'espionnage ne l'intéresse pas, Mata Hari a seulement besoin d'argent.

Les services allemands l'envoie à Francfort où elle rencontre Fräulein Schragmüller, une espionne expérimenté qui forme les agents. Mata Hari reçoit le nom de code H21. Schragmüller déclara qu'H21 n'était pas intéressée à l'idée d'être espionne et que de toute façon elle était trop excentrique pour l'être. Mata Hari accepta dans l'idée de se mystifier davantage. Elle retourne alors à Paris pour y retrouver son succès. Seulement la guerre a tout changé, les « cocottes » sont tombées dans l'oubli.

Un jour qu'elle désire se rendre en cure à Vittel, elle rencontre Georges Ladoux le chef du contre espionnage français afin d'obtenir un laisser-passer, celui-ci lui propose un accord, un laisser-passer en échange de ses services d'espionne. Mata Hari rejette l'offre mais va finalement l'accepter quand elle apprendra que son amant blessé à la guerre est soigné à Vittel. Ce dernier est un officier russe de 22 ans, l'âge qu'aurait eu son fils s'il avait vécu, Mata Hari avait 41 ans. Une fois ensemble à Vittel, il la demande en mariage. En vérité, il ne tient pas réellement à sa fiancée et souhaite l'épouser dans le seul but de s'enrichir. Il se trouve que l'espionne réclame 1 million de francs à Ladoux en échange de ses services. Somme qu'elle ne percevra jamais.

Elle va d'abord en Espagne pour prendre un bateau en direction de la Belgique. 3 fois elle annulera son voyage en bateau, ces 3 bateaux finiront torpillés, alors qu'elle s'estime chanceuse, au procès elle sera jugée comme avertie. Lors d'une escale à Londres, elle est confondue avec une autre espionne et interpellée. Les services londoniens refusent de la laisser continuer sa route et s'adressent à Ladoux qui leur demande de la renvoyer à Madrid, ce qu'elle ne sait pas.  De retour à Madrid, elle y séduit le major allemand Kalle, pour gagner sa confiance elle lui avoue faire partie des services d'espionnage allemand sous le nom de code H21. Kalle se laisse prendre au départ et lui révèle qu'il fait venir des hommes et des armes sur la côte marocaine via des sous-marins.

L'espionne s'empresse alors de tout raconter à Ladoux, pensant qu'elle recevra enfin son million de francs. L'information est en effet très importante mais pour avoir séduit un major allemand, Mata Hari peut désormais paraître suspecte aux yeux du public, ce dont Ladoux profite. Finalement, le major Kalle la trahit à son tour en faisant mine de la dénoncer involontairement aux français grâce à un code qui sera déchiffré à la Tour Eiffel. Dans ce code, il donne son identifiant H21 ainsi que son adresse, la faisant passer pour une espionne de la plus haute importance. Le Général Ladoux comprend rapidement que livrer Mata Hari fera grandement avancer sa carrière.

Mata Hari, le jour de son arrestationMata Hari, le jour de son arrestation

Arrêtée, jugée pour espionnage, Bouchardon mène le procès tandis que Maître Cluney la défend. Ses anciens amants militaires refusent de venir témoigner, surtout en sa faveur. L'ancienne courtisane n'ayant pas encore compris que les « cocottes » ne sont plus à la mode. Seul Ladoux est en mesure de mettre fin aux accusations mais il l'enfonce à son tour, trop heureux pour sa carrière, il ignore que plus tard il sera lui-même jugé pour espionnage. Mata Hari est encore et pour la dernière fois abandonnée, son fiancé, l'officier russe, viendra aussi témoigner contre elle. La blessure n'aura jamais le temps de cicatriser.

Blessée par la vie, Mata Hari n'a jamais cessé d'affabuler pour combler son désespoir, comment croire quelqu'un qui a menti toute sa vie ? Elle est déclarée coupable et condamnée à mort. En prison les conditions sont si dures qu'elle veut même en finir, elle écrira à Cluney, son avocat : « Qu'il en finisse ! Veut-il me tuer ? Dois-je me tuer ? » en parlant de Bouchardon. Cluney tentera en vain de la sauver, il commence par demander grâce au président, ce qu'il refuse, ensuite il la déclarera enceinte, sans succès, le 15 octobre 1917 elle est conduite au Bois de Vincennes pour y trouver la mort. Une centaine de spectateurs se présenta, Mata Hari recevra non pas 12 balles comme prévu mais 13, l'un des militaires voulant s'assurer qu'elle était bien morte, elle avait refusée le bandeau proposé aux condamnés. Personne ne réclame son corps, il sera donc envoyé à la faculté de médecine. Sa fille meurt 2 ans plus tard ce qui laisse les deux femmes sans descendance.

L'archétype de la femme fatale

Mata Hari est perçue aujourd'hui comme l'archétype de la femme fatale, une fondation portant son nom a demandée en 2005 la révision de son procès, demande qui fut refusée. Le 20 octobre 2013, la maison natale de Mata Hari a disparu dans les flammes. Plus de 250 livres et une douzaine de films lui sont consacrés en plus de 3 jeux vidéos :

En 1967, le personnage de Mata Bond apparaît comme la fille de Mata Hari et James Bond.

En 2004, le personnage de Phoebe dans la série Charmed est possédée par Mata Hari.

Pour aller plus loin

  • Russel Warren Howe, Mata Hari : Innocente !, éditions de l'Archipel, 2007
  • Charles S. Heymans: La vraie Mata Hari. Courtisane et Espionne . Prometheus Édition, Paris 1930
  • Julie Charron: L'Amant fatale. Mata Hari et le mythe de la femme dans l'espionnage . Collins & Brown, Londres 1992
  • Fred Kupferman: Mata Hari. Les rêves et les mensonges ("Mata Hari. Songes et mensonges"). éditeur de poche de construction, Berlin 1999
  • Georges Ladoux, Les Chasseurs d'espions : Comment j'ai fait arrêter Mata Hari, Éditions du Masque, 1932
  • Jean-Marc Loubier, Mata Hari la sacrifiée, éditions Acropole, 2000
  • Gallinulus Pinguis Sainte-Mère des bébés phoques, Rédactrice, Testeuse, Chroniqueuse
  • "Personne ne peut longtemps présenter un visage à la foule et un autre à lui-même sans finir par se demander lequel est le vrai" Nathaniel Hawthorne