Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em up

Djokaire
Djokaire
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Trois Royaumes
16 mai
2019

Peut-on apprendre avec le jeu vidéo ? Apprendre la culture si possible. C'est une grande question revenant souvent sur le devant de la scène, notamment en matière d'éducation nationale. Les moins rigoureux, toujours à sortir les griffes quand on nuance leur média préféré, hurleront qu'il est intolérable que le domaine vidéoludique ne soit pas encore enseigné. D'autres, plus réfléchi, tenteront d'expliquer que le jeu vidéo, comme le cinéma ou le roman, relève toujours de la fiction et surtout d'une volonté de produire un outil divertissant avant d'être un outil documenté. Imaginez Kingdom Come en 100% réaliste, personne ne s'amuserait. Et l'Histoire, justement, c'est un argument qui tombe quasiment à chaque occurrence dans le débat. « Attendez, moi, j'ai rien écouté en cours d'histoire et pourtant, je connais tout de la révolution américaine, merci Assassin's Creed ». Avec ça et l'anglais, on observe désormais une armée de petits soldats fiers d'avoir renié les bancs de l'école pour s'auréoler d'une connaissance délibérément faussée. Le but de leur apprentissage serait de rendre l'expérience amusante avant tout et donc plus digeste. Forcément que l'on peut apprendre avec le jeu vidéo mais cela reste discutable. Comme les autres domaines culturels, cela dépend de l'artisan, de sa volonté, de ses ambitions, du style de jeu etc. Bon, alors, quand on nous sort « apprenez l'Histoire de la Chine avec un beat'em up aux avis mitigés », est-ce que ça sent pas un peu mauvais ?

L'Histoire par le divertissement

Évidemment, lorsque l'on est face à une expérience stratégique minutieuse et exigeante où le divertissement se marie bien souvent avec une notion d'effort, de concentration et de frustration offrant un contraste saisissant... ce n'est pas la même limonade. Surtout lorsque l'accent sur la « véracité historique » est visible. Pour exemple, de l'aveu même des développeurs et des historiens ayant travaillés sur Kingdom Come, sorte de simulation/aventure médiévale, il est impossible de proposer une reconstruction exacte et ce pour plusieurs raisons.

Celle qui semble la plus crédible, c'est qu'il est impossible de savoir ce qu'il se passait à une époque antérieure à la photo ou la vidéo démocratisées. Après tout, on y était pas et on ne possède pas la moindre preuve visuelle des pratiques anciennes. Si on avait des clichés de la Grèce Antique, on pourrait se montrer bien plus sceptique mais quand on y réfléchit, tout ce que l'on sait de l'Histoire ne vient que de suppositions (humaines) parfois contradictoires basées sur des recherches archéologiques altérées par le temps.

Si on vous dit, par exemple, qu'il est couramment admis de penser que le berceau de l'humanité se situe quelque part en Afrique et que si des hommes se sont retrouvés en Amérique ou en Océanie, c'est grâce à un niveau de l'eau bien plus bas que celui que propose nos océans actuels. Là, dessus, on est plus ou moins d'accord. Et pourtant, il existe une thèse extrêmement documentée et vivement débattue à l'heure actuelle qui cherche à prouver que le berceau de l'humanité se situe dans le bassin du Danube.

Rien que ça, on part pas forcément gagnant. D'un autre côté, il est aisé de se dire qu'au final, même avec un livre d'histoire sérieux et renseigné de toute part, on pourra jamais être sûr de rien. Après tout, la réussite n'est qu'un échec qui a mal tourné. Les erreurs peuvent devenir des triomphes sous le joug du temps. Einstein fut un des premiers a renié une bonne partie de ses travaux qu'il jugeait honteusement bouffon pour que des chercheurs, bien plus tard, parviennent à prouver que le scientifique allemand ne se trompait que sur le fait qu'il se trompait.

Alors, beat'em all ou pas, période trop ancienne et trop romancée ou pas, peu importe ! Au pire, on laisse tomber les débats sociétaux futiles et faussement intellectuels puis on se répète que même si on apprendra pas grand-chose, au moins, les événements décrits ne nous seront pas tout à fait inconnus. Cela pourrait même être une porte ouverte à des documentations plus poussées. C'est un petit peu la promesse d'un Dynasty Warriors.

La Saga des Dynasty Warriors

Cette saga possède un avantage non négligeable : elle raconte une histoire rarement contée de l'autre côté des continents : celui des Trois Royaumes de Chine. D'habitude, pour les légendes chinoises, on préfère Le Voyage en Occident aussi nommé Les Pérégrinations vers l'Ouest ayant inspiré notamment Dragon Ball mais aussi Odyssey To The West ou encore Warrior Orochi (du même studio que Dynasty Warriors, décidément...) avec le personnage de Sun Wukong.

Le guerrier à queue de singe, l'un des héros de la légende, est aussi au cœur de nombreuses œuvres de fiction ; lui et son nuage magique. En revanche, pour les Trois Royaumes de Chine, l'approche est plus compliquée : il s'agit d'événements ayant réellement existé mais noyés sous une énorme couche de fiction et de romance.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upPeinture murale proposant une scène des Pérégrinations vers l'Ouest, avec Sun Wukong en jaune.

Il existe, d'ailleurs, un livre sobrement intitulé : « L'Histoire des Trois Royaumes » faisant parti des quatre livres extraordinaires de Chine, sorte de pilier de la littérature de là-bas. Et pendant de longs siècles, on a cru qu'il s'agissait du récit strict de ce pays déchiré entre un trio sanglant de seigneuries diamétralement opposées.

Finalement, après des recherches archéologiques, on s'est plutôt dit : « euh, attendez, c'est pas super vrai ce qui est raconté dedans, et puis ça prend quand même pas mal parti maintenant qu'on y pense ». Et en effet, l'Histoire des Trois Royaumes est depuis son achèvement un mix entre récits délibérément légendaires et vérités d'une époque ô combien intéressante.

Mais le principal attrait de Dynasty Warriors est le divertissement, disons-le tout de suite. Il s'agit d'un beat'em up dit de masse où le personnage est lâché sur une carte plus ou moins grande avec quelques objectifs vagues mais rarement accomplie autrement qu'en décimant tous les ennemis sur le passage.

De plus, avec la technique du moteur impliquant un nombre assez conséquent de personnages à dézinguer, il ne reste plus grand-chose pour la finesse des graphismes, l'optimisation générale, la physique des décors et on en passe des vertes et des moins mûres. Encore une fois, le jeu se présente avant tout comme un défouloir nerveux.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upDynasty Warriors 9

En revanche, toutes ces boucheries se déroulent sous le scénario de véritables batailles qu'elles soient nourries par des mythes ou des recherches archéologiques. Sans oublier que les développeurs étant nippons, ces derniers possèdent sûrement une relation toute autre face à l'Histoire des Trois Royaumes ; les principaux protagonistes possédant des noms spécifiques en mandarin, coréen et japonais, notamment. Cela pourrait expliquer la symbolique des événements bien plus ancrés dans la culture populaire asiatique qu'européenne, à tous les coups.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upLü Bu (Dynasty Warriors 9)

Les récits étant particulièrement épiques ainsi qu'héroïques, quelques guerriers décrits font parfois face à des centaines de soldats sans jamais réussir à prendre un revers de lance dans le nez. On se souviendra, par exemple, de Lü Bu, un protagoniste particulièrement puissant et sanguinaire dont l'humanité reste extrêmement difficile à croire.

Néanmoins, les romanciers, cinéastes, peintres et autres artisans de la culture face aux historiens, parviennent à trouver quelques terrains d'entente. Ainsi, même avec un jeu vidéo s'inspirant déjà d'un roman mêlant fiction et réalité, ce dernier permet d'obtenir une compréhension générale de ce qui se passait à cette époque.

En revanche, il est important de noter que les Asiatiques sont légèrement méfiants sur l'exportation de leurs productions culturelles. On ne compte plus le nombre de jeux japonais uniquement disponible au pays du Soleil-Levant ; là où les Français, pour exemple, préfèrent directement écrire leur titre en anglais. Les raisons sont nombreuses et semblent se généraliser d'autant plus lorsque cela touche à la mythologie japonaise ou à son mode de vie. Yakuza Kenzan ou Ishin, Takeshi no Chōsenjō, Shōnen Yangus to Fushigi no Dungeon et on en passe.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em up

Pour cela, les Dynasty Warriors compressent leur mode histoire et condense la Romance des Trois Royaumes afin que le public occidental s'y retrouve un peu mieux. Ainsi, il faudra attendre le 5ème épisode, appelant un public solidement fédéré, pour arriver à saisir un scénario un tant soit peu similaire à la légende.

Pour mieux comprendre, il faut se dire que dans le 4ème opus, par exemple, certains personnages sont encore en vie vingt ans après leur mort officielle, bonjour l'anachronisme.

Malheureusement, le 6ème épisode ainsi que le 7ème sont parfaitement oubliables pour des reformes de jouabilité fort peu attirantes. Le 8ème retourne sur la voie de la qualité tandis que le 9ème fut démonté par l'entièreté des critiques presse et des joueurs. De là, il n'y a que le 8ème opus de véritablement convenable si l'on veut suivre sans se leurrer cette dantesque fresque historique de la Chine féodale.

Avant les Trois Royaumes

Bon, terminé de patienter, de quoi ça s'agit, tout ça ?! Pour schématiser, il existe une dynastie prospère allant sur son deuxième siècle : les Han. Tout semble se dérouler sans soucis dans une unification plus ou moins générale. Sauf qu'au bout d'un moment, on constate des luttes intestines et des racontars de corruption. De là, une secte religieuse menée par un Raspoutine bridé se dresse contre l'empereur, dernier espoir d'un peuple effrayé de sombrer dans le chaos.

Fort heureusement, l'empire parvient à enrayer la menace. Sauf que tout le monde est bien fatigué et les récentes batailles contre les croyants ne résolvent pas tous les problèmes de magouilles politiques.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upDong Zhuo (Dynasty Warriors 4)

Ainsi, un tyran du nom de Dong Zhuo profite du marasme ambiant et assiège la Cité Impériale puis destitue l'empereur pour y nommer son neveu à la place.

Les Han sont donc quasiment dissous et se forment alors ce qu'on appelle « Les Force Alliés » menée par le général Yuan Shao. On y retrouve déjà les fondateurs du squelette des Trois Royaumes : Sun Jian, Cao Cao et Liu Bei qui s'étaient déjà unis par le passé pour l'incident précédent mais aussi, qui occupent des postes importants ; tout comme certains de leurs hommes à la réputation émérite tel que Guan Yu.

Seulement, le méchant Dong Zhuo s'enfuit en brûlant la capitale, un symbole fort pour les officiers arrivant sur place et constatant les dégâts. Une légende voudrait d'ailleurs qu'en débarquant entre les flammes, Sun Jian et ses troupes auraient retrouvé le sceau impérial, un objet mythique datant déjà de plusieurs décennies dans un état presque parfait.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em up  Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em up  Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upLiu Bei, Cao Cao et Sun Jian (Dynasty Warriors 2)
Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upLu Bu (Dynasty Warriors 6)

Un autre souci non négligeable : Lü Bu, dont les exploits lorgnent souvent vers celui d'un surhomme, constituant ainsi l'un des personnages les plus abusés des Dynasty Warriors. Étant l'enfant trouvé de Dong Zhuo, maintenant en cavale, il décide de monter sa propre armée et parfois d'assassiner son père adoptif selon les versions de l'Histoire.

Lü Bu prend le général Liu Bei sous son aile et l'appelle « petit frère », histoire de garder à ses côtés quelqu'un ayant prouvé par le passé sa puissance et restant extrêmement bien aimé de son peuple. Liu Bei ne sait refuser tant les anciens membres de la coalition contre Dong Zhuo se retrouvent seuls sans soutien gouvernemental.

Mais là où c'est particulièrement intéressant, c'est que malgré son incommensurable force crainte dans tout le pays, Lü Bu enchaîne les échecs et ne possède qu'une armée réduite en comparaison avec celle de Cao Cao ou de Sun Jian. Il suffit d'un peu de répondant stratégique en face et les genoux plient.

Le bougre se réfugie alors dans un château, en compagnie de Liu Bei, histoire d'échapper aux troupes de Cao Cao, bien décidé à enrayer la menace afin de se faire bien voir par ce qui reste du marasme impérial. Bien entendu, le siège fonctionne, Lü Bu meurt rapidement et Liu Bei est enfin libéré mais immédiatement défini comme l'obligé de son sauveur.

Cependant, Cao Cao est connu pour être ambitieux, intelligent et surtout porteur d'une armée gigantesque. Et ça, Liu Bei ne le digère, aspirant à un royaume pensé avant tout pour le peuple et non pour les soldats. De plus, l'expansion territoriale ne lui convient pas. Il s'enfuit alors et retourne dans son domaine, soucieux de la suite des événements.

De son côté, Sun Jian, s'occupe à régler des luttes intestines au sein de sa famille, en s'armant notamment à reprendre Jian Dong, une province qu'il considère comme étant la sienne. Le bonhomme se dit quand même être le descendant de Sun Tzu, général chinois dont la réputation n'est plus à prouver ; auteur notamment de l'Art de la Guerre, inspirant de nombreux généraux romains et autres génies militaires. C'est là le début de ce que l'on pourrait appeler « Les Trois Royaumes ».

Alors, certes, tout cela n'est pas forcément tout à fait exact. Pour les raisons apportées en début d'articles mais aussi parce que les sources se contredisent, notamment celle de Dynasty Warriors.

Les batailles des Trois Royaumes sont exceptionnelles dans la mesure où chacune propose toujours un événement plus ou moins marquant. Mise à mort d'un puissant général, résistance face à un envahisseur en surnombre, protection vaillante de ravitaillement désespérément cruciaux, stratégie complexe réussissant glorieusement, etc.

Et ces opportunités de briller sont toujours celles du joueur, du personnage qu'il choisit d'incarner à travers les différents tableaux se succédant chronologiquement. Des faits sont donc attribués au protagoniste choisi (bien qu'il soit possible de changer entre les niveaux) et il suffit de garder le même guerrier durant toute la campagne pour être le nouveau surhomme invincible de la Chine.

De plus, le nombre de protagonistes dans cette grande légende est proprement incommensurable. Même pour les Chinois connaissant sans doute mieux l'histoire que nous autres, pauvres occidentaux, il est difficile de croire qu'on puisse retenir tout le peuple. Pour cette raison mais aussi pour l'aspect technique, seuls les personnages jouables de Dynasty Warriors possèdent une apparence distincte des autres.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upVue d'ensemble des personnages de Dynasty Warriors 4

Les autres, justement, obéissent à quelques skins différents. D'ailleurs, lorsqu'un nouvel opus de la saga sort et que des protagonistes inédits sont annoncés, ce sont toujours des héros déjà présents mais non jouables jusqu'alors. Ainsi, beaucoup de noms présents dans le roman ne sont pas mentionnés dans la saga vidéoludique ou alors très tardivement. De plus, cette série s'axe particulièrement sur les batailles dites de masse. Les magouilles politiques, le quotidien de l'empereur ou des paysans... tout ceci n'est expédié qu'en de rares cinématiques.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upYuan Shao (Dynasty Warriors 5)

Là où le bât blesse, c'est lorsque les Trois Royaumes se dessinent. Cao Cao veut toujours conquérir le pays mais se heurte à Yuan Shao, l'ancien général à qui il était à la botte durant l'insurrection de Dong Zhuo. Heureusement pour sa pomme, il arrive à s'en défaire et même à recapturer Liu Bei. Yuan Shao meurt donc mais de maladie après s'être enfuit et avoir abandonné son rang par la même occasion. Cao Cao s'empare de son territoire qu'il additionne au sien, ce qui lui offre la main mise sur les Plaines Centrales.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upZhuge Liang (Dynasty Warriors 7)

Alors là, le Liu Bei est pas content du tout. Pour lui, qui a aidé à virer la secte religieuse, régler le cas Dong Zhuo et survivre à Lü Bu, ça commence à bien faire. Quitter un tyran pour un autre est proprement ridicule. C'est là qu'il rencontre un homme du nom de Zhuge Liang, illustre stratège des Trois Royaumes. Les deux bonhommes vont s'allier afin de s'évader du joug de Cao Cao.

Il est aussi mentionné que les deux frères d'arme de Liu Bei, Zhang Fei et Guan Yu, mais aussi Zhao Yun, un orphelin guerrier qui rejoindra le groupe ensuite, se sont tous illustrés d'une façon très théâtrale. Zhang Fei aurait provoqué un hurlement qui aurait pétrifié les troupes ennemies, par exemple.

Et Sun Jian, alors ? Monsieur qui disait qu'il était le descendant de Sun Tzu ? Eh ben, il est mort comme un caca alors qu'il essayait de reprendre la province qu'il jugeait être celle de sa famille. Et son fils, Sun Ce, reprend le relais. Extrêmement talentueux, fin stratège et dynamique malgré son jeune âge, on le surnomme « Le Petit Conquérant ». Sauf qu'il va se faire planter aussi par une flèche, piégé dans un labyrinthe. Et c'est ensuite son frère Sun Quan qui prendra la relève.

En revanche, celui-ci est plus mâture que son frère. C'est un homme beaucoup moins instinctif que son prédécesseur mais qui prend du recul et le temps d'analyser les situations. Et lorsqu'il parvient à achever le rêve de son père qui était de conquérir Jian Dong, il s'en va voir Liu Bei pour lui dire « dis-donc, il serait pas un peu chiant, l'autre Cao Cao ? », ce à quoi on lui répond : « ouais, t'as over trop raison, faudrait faire une alliance contre lui ». Viendra alors la bataille de Chi Bi, littéralement « La Bataille de la Falaise Rouge ». Classe.

La Bataille de la Falaise Rouge

Pour schématiser, il faut imaginer un imposant territoire possédé par Cao Cao (qui avait plus ou moins le soutien impérial), puis le maigre territoire de Sun Quan porté sur les valeurs familiales tandis que celui de Liu Bei se concentrait notamment sur l'agriculture. Ces deux derniers forment donc une coalition afin de vaincre leur ancien allié. Et cela fonctionne.

Ainsi, si vous jouez le royaume du Wei (celui de Cao Cao) durant n'importe quel Dynasty Warriors, celui-ci s'en retrouvera victorieux. Mais dans la légende, c'est les forces alliées qui gagnent la bataille de Chi Bi.

Le film de John Woo portant sur cet événement marquant est un excellent moyen d'assimiler les enjeux des Trois Royaumes, surtout qu'il s'agit d'un retour aux sources pour le réalisateur, extrêmement déçu de son expérience aux USA et revenu dans son pays d'origine pour plus de sincérité et moins de pognon à faire.

Mais, remarquez, petite réflexion au passage, si dans un certain Total War, il est possible de faire en sorte que Napoléon gagne Waterloo et que des Japonais cochent cette case ; peut-être que l'un deux fera un article énorme sur un site mêlant histoire et jeux vidéo et qui traitera du règne de Bonaparte à travers son jeu vidéo fétiche tout en expliquant si l'on peut véritablement apprendre l'histoire de France de cette façon. Sans oublier qu'il fera exactement la remarque que vous venez de lire.

Mais revenons à la bataille de Chi Bi ! Ce n'est pas pour rien que cette bataille reste celle qui ressort le plus de la légende ! Déjà, la coalition est en infériorité numérique et le combat se déroule sur la mer.

Huang Gai, un homme dévoué corps et âmes à Sun Jian et donc à ses fils par procuration, signe une fausse lettre à Cao Cao lui expliquant qu'il préfère se rendre. Surpris, le général envoie un espion afin de vérifier si c'est pas des conneries. Et Zhou Yu, le stratège attitré de Sun Quan, ne rechigne devant rien et décide de battre Huang Gai devant ses hommes. L'espion de Cao Cao revint au camp de ce dernier et affirme que c'est du sérieux. Ensuite, Pang Tong, nouvel officier de Liu Bei et inconnu de Cao Cao va voir ce dernier et lui conseille d'enchaîner ses bateaux pour éviter que les soldats ne souffrent du mal de mer. La ruse fonctionne mais un problème demeure pour Zhou Yu.

En effet, on est en hiver, le vent souffle fort mais vers les troupes alliées. Cela l'inquiète tellement pour la suite de son plan qu'il tombe malade. Zhoug Liang, le stratège prodige de Liu Bei, va donc voir son homologue à son chevet et lui dit : « écoute, nous, chez Liu Bei, on a pas branlé grand-chose encore donc, c'que je vais faire, c'est que je vais faire souffler le vent contre Cao Cao ». Zhou Yu n'y croit pas des masses mais accepte que Zhoug Liang prenne les devants. Un autel est érigé et, comble de la surprise, une brise faible se lève puis d'imposantes bourrasques. Le tout dirigé vers la flotte de Cao Cao.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upBataille de Chi Bi (artwork de Dynasty Warriors 4)

Pendant ce temps, Huang Gai se livre à Cao Cao dans un bateau subtilement enchaîné à ceux de la coalition. Vous comprenez le plan de Zhou Yu ? Eh bien, oui, Huang Gai met le feu à son navire et se jette dans la mêlée. Ainsi, toute la flotte de Cao Cao est en proie aux flammes. Les soldats sont confus, le général en premier... c'en est terminé ! Cao Cao est vaincu et se retire.

Cependant, le petit Cao Cao l'a véritablement mauvaise. Il décide donc d'attaquer le royaume du Wu, celui de Sun Quan en représailles. Liu Bei en profite pour prendre Cheng Du, une province proche du royaume du Wei, celui de Cao Cao. Il perd Pang Tong dans la bataille mais récupère Ma Chao, un puissant guerrier, et parvient à mener ses troupes sur le chemin de la victoire. Avec Cheng Du à sa botte, le royaume du Shu est forgé.

Naissance des Trois Royaumes

Les Trois Royaumes voient donc officiellement le jour et avec eux, un véritable conflit entre les différents souverains. Le Shu de Liu Bei, dont le symbole est la vertu de son seigneur. Le Wu de Sun Quan, porté sur la famille puis le Wei de Cao Cao, concentré sur les valeurs militaires et l'expansion territoriale.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em up

Sun Quan propose d'ailleurs sa sœur en fiançailles à Liu Bei, voyant que ce dernier prend trop d'ampleur et le tout en ayant à ses côtés des hommes tels que Guan Yu et Zhang Fei ou encore Zhao Yun. L'idée est de le tuer quand il s'y attendra le moins. Le mariage est forcé mais le Liu Bei comme Sun Shangxiang, la promise, tombent amoureux. Mais amoureux genre très amoureux. Y'en a un qui claque, l'autre se suicide. Donc Sun Quan abandonne cette tactique, refusant de se servir de sa sœur pour tuer Liu Bei...

Vient donc la bataille de He Fei, réputée pour être difficile, dans le roman comme dans les jeux. On peut pourtant la résumer aisément et promptement. D'abord, les forces alliées sont dissoutes. Liu Bei et Sun Quan aspirent à des ambitions différentes concernant l'unification de la Chine et comme un duo Mélenchon/Hamon, les deux hommes font les gamins et ne veulent pas s'entendre.

C'est pour cela que lorsque Liu Bei propose une nouvelle alliance à Sun Quan pour enrayer la menace Cao Cao, ce dernier se méfie. Et en effet, l'idée générale était d'envoyer Sun Quan droit dans le pif de l'ennemi pour les fatiguer tous les deux. Après une défaite cuisante, Sun Quan en veut énormément à Liu Bei. La légende raconte qu'il aurait dit « Liu Bei, cœur vertueux, mon derche, ouais ! ».

Liu Bei décide donc d'attaquer le Wei, maintenant qu'il a affaibli les troupes de Cao Cao. Et le souci, c'est que ce dernier se doutait bien que son adversaire allait tenter de profiter du gâteau encore une fois. L'être humain ne sait que trop peu se reposer sur ses réussites.

Guan Yu, le frère d'armes de Liu Bei et le seul ayant réussi à tenir tête à Lü Bu en son temps, est ainsi exécuté sous les représailles de Sun Quan, le forçant à le servir. Guan Yu refuse, bien entendu, et c'est ce qui causera sa chute. C'est un symbole fort. Liu Bei est déprimé.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upZhang Fei (Dynasty Warriors 8)

Mais là où ça va foutre le boxon, c'est que Cao Cao va clamser de maladie et que Liu Bei sent sa tristesse excessive se muer en une haine véloce. Son second frère d'arme, Zhang Fei, également connu pour être particulièrement virulent, se montrera encore plus colérique. Le bougre va se montrer terriblement contradictoire dans sa vésanie vengeresse au point qu'il finira par se faire assassiner par ses hommes. C'est moche mais rappelons que Gengis Khan est décédé d'une partie de chasse parce qu'il avait pas vu le ravin, ça fait relativiser.

Quelles sont les conséquences ? Les conséquences sont que Liu Bei est devenu taré. Totalement marteau. Sans avoir les ressources ni les hommes disponibles, Liu Bei fonce taper sur le Wu pour venger Guan Yu tandis que Cao Pi, le fils de Cao Cao, prend la relève de son père. Liu Bei se prend, d'ailleurs, tellement au sérieux qu'il se considère comme le successeur légitime des Han, appelant désormais son royaume « Shu Han ». Sun Quan propose pourtant de nombreuses alliances à Liu Bei qu'il commence à craindre mais toutes sont refusées.


Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upSun Shangxiang (Dynasty Warriors 4)

Mais la petite bricole en plus, c'est que le roi du Shu est marié à Sun Shangxiang, la sœur de Sun Quan. Et bien que cette dernière ne se bat plus (élevée comme un soldat), elle reste très proche de son mari. « C'était une idée à la con de la marier, putain » dira même Sun Quan lors d'une partie de chifoumi avec ses vassaux.

Là, il faut quand même se remettre dans le contexte de l'époque : il n'y a que Liu Bei, fondateur de son royaume, qui reste là. Et encore, cela avait été calculé et imaginé avec ses frères d'armes, désormais morts. Cao Pi a repris les ambitions de son père et Sun Quan, bien qu'il ait crée le Wu, se reposait totalement sur les bases et les valeurs acquises par Sun Jian et Sun Ce.

Le conflit original n'a que très peu de raison de continuer, finalement. Le cœur n'y est plus. Les querelles ne sont plus les mêmes et surtout on se bat de guerre lasse. Cela dure depuis bien trop longtemps. Et tout cela, toute cette déconfiture, il faudra attendre Dynasty Warriors 8 pour que les développeurs nous pondent un jeu à la fois potable et à la fois soucieux des réalités plus ou moins historiques. Le plus, c'est que les scénarios gagnent en complexité.

Prenons Dynasty Warriors 4, Cao Cao, Sun Jian et Liu Bei sont tous les trois vivants lors de l'affrontement final qui suivra ces lignes. Tout le monde est vivant, d'ailleurs ; du moins, tous les personnages jouables. Les morts ne se comptent que chez les factions contrôlées par l'intelligence artificielle (et encore puisque les fondateurs originels des Trois Royaumes sont toujours vivants, toujours la banane, toujours debout). Et tout le monde crève sur le champ de bataille, en plus.

Dynasty Warriors 8, revenons sur celui-ci, supprime Sun Jian de l'histoire très rapidement même si on le contrôle. D'ailleurs, son apparence, ses dialogues et ses moments sont finement travaillés malgré sa mince apparition, preuve que les développeurs en avaient quelque chose à foutre.

Et le 8ème opus continue de pourchasser une certaine rigueur historique. Mais les anciens épisodes s'accordent sur un fait : Sun Quan va s'allier avec Cao Pi. Et là, Liu Bei ne pourra plus rien faire. Une guerre générale se déclenche et... l'issue est funeste. Avant même que le Wu ne puisse attaquer, le Shu tombe. Zhuge Liang en devient le seigneur par intérim par l'abandon progressif de Liu Bei, totalement désillusionné. Mais celui-ci meurt, souvent de maladie ou de chagrin puis sa femme se suicide. C'est donc son fils Liu Chan qui prend la relève.

Cela signe une nouvelle ère pour les Trois Royaumes. Pendant que le Wu et le Wei magouillent dans leur coin, Liu Chan et Zhuge Liang devenu Premier Ministre et conseiller principal, s'engage à nettoyer le Sud du pays, occupé par une troupe renégate nommée les Nan Man. Zhuge Liang aura capturé puis libéré sept fois le chef des barbares afin de la narguer comme un chat avec une souris pour finalement le faire plier par la soumission.

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La fin des Trois Royaumes

La suite des événements se résume facilement et lorgne vers la fin de la période des Trois Royaumes bien qu'il soit difficile de placer une date précise. Il faut dire que les successions de souveraineté se font quasiment tous les cinq matins.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upCao Pi (Dynasty Warriors 9)

Cao Pi, même s'il n'est pas au centre du récit, était tout de même un général digne des qualités de son père. Sun Quan, malgré quelques défaites, s'en sortait très bien et Liu Chan, tant qu'il était avec Zhuge Liang, ne faisait pas trop de casse.

Mais Cao Pi va mourir rapidement et brusquement. Avant cela, il avait donné toute sa confiance à un homme de l'ombre. Ancien ministre et stratège de son père, Sima Yi fut nommé Premier Ministre du Wei et s'occupa à faire grandir sa propre réputation en enchaînant prouesses sur prouesses stratégiques.



Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upSima Yi (Dynasty Warriors 6)

Lorsque le fils de Cao Pi, Cao Rui, reprend le trône, Sima Yi se voit attribué une tâche importante, celle de gérer la frontière commune avec Sun Quan, le Wu. Et là, ça commence à sentir très mauvais. Parce que Cao Rui mène une vie de luxe, se vautrant dans le stupre et la fornication à chaque occasion. Résultat, lorsqu'il crève de maladie : les caisses du Wei sont vides.

Son fils adoptif prend donc la relève. Sauf qu'il a 8 ans le gamin. Sima Yi est donc chargé de s'occuper du petit tandis que Cao Shuang, un des oncles du gosse, est nommé à la régence. Et même si le titre de précepteur royal est très élogieux, ce n'est qu'un poste civil. Sima Yi est totalement évincé du gouvernement et ce dernier ne supporte pas d'être mis à l'écart.

Cao Shuang, se croyant empereur officiel, mène une vie de luxe et provoquera même le Shu qui chargera violemment ses troupes. Il ne devra la vie qu'à l'intervention de Sima Yi. Ce dernier profite alors de la situation pour se faire passer comme malade et déprimé. Lorsque Cao Shuang ne s'en doute pas, Sima Yi l'assassine et s'occupe du jeune empereur du Wei, devenant le patron du bled. Mais il meurt, comme toujours, et c'est son fils Sima Shi qui prendra la relève.

Du côté du Wu, la situation est particulièrement bordélique. Sun Quan devient rapidement malade et cède la place à son fils qui va ensuite filer la place à son fils car tous vont mourir très tôt. De plus, les écrits les montrent comme des jeunes souverains peu expérimentés, maladroits, enfantins et cherchant beaucoup à être le plus beau du royaume plutôt qu'à protéger ses frontières et ses intérêts.

Le même constat se dresse du côté du Shu. Après la mort de Zhuge Liang qui, même s'il n'a jamais été l'empereur officiel, s'occupait des aspects politiques, la situation va mal. Les généraux de guerre se succèdent alors que Liu Shan reste sur le trône, les échecs militaires aussi et finalement, sans que cela ne soit trop glorieux, le Wei viendra mettre un terme au royaume du Shu en profitant de leur faiblesse gouvernementale. D'ailleurs, Liu Shan fut un des nombreux à ne pas mourir misérablement. Par respect, le Wei lui offrit un titre honorifique et lui permis de prendre un semblant de retraite. Le Shu était définitivement vaincu.

Mais même si le Wei est parvenu à supprimer le royaume du Shu, la stabilité n'est pas pour autant une tradition là-bas. Le peuple et les gens de la cour se rendent bien compte que Sima Shi, fils de Sima Yi, tente de contrôler un peu tout. De nombreux membres de la famille de Cao Cao (ce qu'il en reste, quoi) vont tenter de renverser Sima Shi mais personne ne viendra à bout de lui et de ses partisans.

Dynasty Warrior : Apprendre l'Histoire des Trois Royaumes avec un beat'em upSima Shi (Dynasty Warriors 8)

Sima Shi, après des débuts compliqués, se révèle être finalement intelligent, calculateur et rusé quand il s'y met, malgré son jeune âge. On parle, à cette époque, plutôt du Clan Sima que du Wei. Mais Sima Shi et ses frères sont malins, même s'ils dirigent le Wei dans l'arrière-boutique, ils ne s'autoproclament pas empereur. Autant avoir un pantin à manipuler et les empereurs officiels se succèdent encore et encore, toujours plus docile que le précédent et toujours membre de la famille de Cao Cao.

Malheureusement, Sima Shi meurt et c'est l'un de ses frangins qui continue l'ascension : Sima Zhao. C'est lui qui ordonnera l'annexion du Shu, notamment. Devant cet exploit qui tient plus d'une faiblesse ennemie que d'un génie militaire, tout le monde veut voir Sima Zhao sur le trône impérial. Mais il meurt rapidement, comme on commence à en avoir l'habitude, et Sima Yan, son fils, débarquera chez l'empereur du Wei pour lui dire « maintenant, c'est fini, ça fait depuis mon grand-père qu'on essaie de prendre le pouvoir alors aujourd'hui, tu me le donnes ».

Et effet, l'empereur du Wei, abdique et donne le titre à Sima Yan. Mais ce dernier a une autre idée : fonder un nouveau royaume. Ainsi est née la dynastie Jin. Et c'est la fin. Même si le Wu n'est pas encore vaincu, il restera très peu de temps en place. Les luttes intestines sont trop nombreuses, l'empereur en place, Sun Hao, est médiocre sur tous les plans et le royaume de Jin arrive à engloutir tout le Wu avec une aisance déconcertante.

Sima Yan est donc l'unificateur de la Chine. Le grand gagnant de toute cette épopée. Et ce n'est que depuis Dynasty Warriors 7 que les Jin sont jouables ! Et cet opus est mauvais au possible ! Il n'y a même plus de combo et Lu Bü a troqué son hallebarde démentiel pour un shuriken géant. Quoi ?

Alors, en définitive, est-ce qu'un simple beat'em all de masse peut aider à comprendre un pan complexe de l'Histoire ? Eh ben, plutôt, oui, vu que ce texte n'a été rédigé qu'avec les connaissances d'une série de jeux vidéo, quelques recherches Wikipédia, deux ouvrages sur le sujet et un peu d'investigation poussé chez nos copains chinois. Comme déjà dit, la légende est complexe et se contredit de nombreuses fois, preuve que l'Histoire ne s'accorde avec elle-même que quand ça l'arrange. Pour nous autres pauvres occidentaux chez qui le cinéma chinois est bien moins accessible que l'américain lorsque les jeux vidéo asiatiques plutôt typés dans leur conception sortent bien souvent sans aucune traduction... Dynasty Warriors permet au moins à des individus lambdas comme à des amateurs d'histoire de savoir. Au moins, si la saga ne réussit pas, pour plusieurs raisons valables, à retranscrire tout ce que peuvent proposer Les Trois Royaumes aux joueurs, cet événement passionnant ne leur sera pas inconnu.

  • DjokaireDjokaire Contributeur
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